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l'homme que d'aimer et de connaître la vérité, il n'y a rien qu'il aime moins, et qu'il cherche moins à connaître. Il craint de se voir tel qu'il est, parce qu'il n'est pas tel qu'il devrait être; et pour mettre à couvert ses défauts, il couvre et flatte ceux des autres. Le monde ne subsiste plus que par ces complaisances mutuelles. Il semble que l'esprit de mensonge que Dieu menaçait de répandre sur ses prophêtes, soit répandu sur tous les hommes. On n'a plus ni le courage de dire la vérité, ni la force de l'écouter. La sincérité passe pour incivilité et pour rudessse. Il n'y a presque plus d'amitié qui soit à l'épreuve de la franchise d'un ami. L'esprit, fécond en déguisemens, s'étudie à défigurer, selon ses besoins ou ses intérêts, tantôt les vices, tantôt les vertus et la parole, qui est l'image de la raison, et comme le corps de la vérité, est devenue l'organe de la dissimulation et du mensonge ( 1 ).

LE TEMPS.

Le temps nous est donné par une bonté

(1) Oraison funébre de Montansier.

infinie de Dieu pour pleurer nos péchés, pour en mériter une réconciliation parfaite, pour acquérir les vertus chrétiennes, pour multiplier nos bonnes œuvres, pour obtenir la grâce de Jésus-Christ, pour éviter les supplices de l'enfer, pour acquérir une gloire qui est éternelle. Par quel droit voulez-vous donc partager ce temps? Pourquoi en donnez-vous une partie au monde, l'autre à Dieu; l'une au plaisir, l'autre à la pénitence; l'autre à l'avidité d'acquérir injustement, l'autre à la peine de réparer vos injustices; l'une à entretenir votre luxe et vos vanités, l'autre à faire des aumônes, et à payer vos dettes ? Quelle idée et quelle monstrueuse opposition de vie vous faites-vous des années de passions et des années de sagesse!

CONVERSION.

Dieu, nous ayant choisis pour être à lui, s'est hâté, pour ainsi dire, de nous aimer dès l'éternité ; nous ayant depuis adoptés pour être ses enfans et ses héritiers, il n'a pas interrompu le cours de ses grâces, et cependant nous nous lassons

ou nous cherchons des délais à l'aimer, et lui retranchons la plus grande et la meilleure part d'une vie qui toute entière ne suffirait pas à la reconnaissance et aux services que nous lui devons.

Le sage ne donne point de conseil plus précis et plus important que celui d'une prompte conversion: Ne tardes converti ad Dominum, et ne differas de die in diem. Il en donne trois raisons différentes dans la suite. La première est tirée de la grandeur des récompenses divines, comme s'il disait Faites du bien en tout temps, parce que les récompenses de Dieu durent éternellement. On vous prépare une éternité de gloire, mais il faut employer tous les momens qu'on vous donne pour l'acquérir vous êtes destinés à être heureux autant que Dieu régnera dans le ciel, mais vous êtes obligés de servir Dieu tout le temps que vous vivrez sur la terre : voilà, dans l'inégalité des services et des récompenses, la seule proportion qu'on y peut trouver.

La seconde est tirée de l'infirmité de la vieillesse Memento creatoris tui antequam veniant dies afflictionis. Sou

viens-toi de ton Créateur pendant que tu es jeune, avant que ces jours de douleur et de travail arrivent, et ces tristes années qui rendent la vie ennuyeuse et insupportable; concluant de là qu'il ne faut pas remettre sa pénitence à cet âge où, les forces venant à manquer, on ne peut plus porter sur soi la peine de son péché, et où souvent l'on ne l'interrompt que par l'impuissance où l'on est de continuer à le

commettre.

La troisième raison qu'il apporte, c'est l'utilité que l'homme retire d'une prompte conversion. Vous louerez le Seigneur votre Dieu, dit-il, étant encore jeune et en santé, et vous serez comblé de ses faveurs et de ses miséricordes, pour nous apprendre que le moyen d'attirer les grâccs de Dieu dans tout le cours de la vie, c'est de répondre à ces premiers mouvemens (1).

VERTU.

Tous les philosophes n'ont pas conuu la

(1) Avent, quatrième Dimanche.

véritable vertu; les uns nous l'ont représentée comme une beauté délicate qui ne se nourrit que de louanges, et qui ne se couronne que de roses : ils lui ont donné des grâces et des attraits comme aux plus lâches de leurs déesses; ils en ont fait une nymphe sensible qui ne saurait souffrir la moindre douleur; et croyant nous faire le tableau de la vertu, ils ont fait sans y penser le portrait de leur Vénus ou de leur Hélène.

Les autres en ont fait une autre idée, et comme ils faisaient profession d'une austérité insensible, ils nous ont habillé la vertu à leur mode; ils l'ont peinte comme une reine pacifique qui ne veut point d'ennemis, qui veut régner sans peine et vivre oiseuse; et qui, n'ayant plus de passion à combattre, n'a qu'à se reposer et à dormir en sûreté sur son trône, à peu près semblable à ces nymphes endormies qu'on nous décrit chez nos poëtes.

Ce n'est pas l'image de la véritable vertu. Les plus raisonnables en ont fait une beauté généreuse; ils en ont parlé comme des Pallas qui naissent armées, comme des Sémiramis et des Thalestris qui sont

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