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autre preuve que la cause finale et l'effet sont distincts. Maintenant dira-t-on que, l'homme excepté, il n'y a pas de cause finale dans la nature, et que nous ne devons pas prêter à celle-ci les procédés de l'esprit humain, qui d'abord conçoit un plan, puis le réalise, découvre un bien, puis le recherche avec plus ou moins d'ordre et de persévérance? Mais c'est là une erreur qui trouvera en théodicée sa réfutation. Il est vrai que si l'on nie à priori l'existence d'une souveraine Intelligence, on s'interdit le droit d'affirmer les causes finales. Mais si l'on étudie la nature sans parti pris, on conviendra de leur existence, et par conséquent de l'existence d'une souveraine Intelligence.

538. La cause finale est distincte de la cause efficiente. Analysons, pour le montrer, sa causalité propre. La fin ou le bien n'agit qu'autant qu'il est connu et aimé de la cause efficiente. Le bien, voilà donc la racine même de la causalité que nous analysons; le bien connu, voilà le progrès de cette causalité; enfin le bien aimé, désiré, voilà la perfection et l'acte de cette causalité. Arrivée à ce point, la cause finale agit, elle produit son effet propre, elle est cause en acte. L'effet pourra ne pas suivre, car il y a tant d'obstacles qui peuvent arrêter la cause efficiente mais, autant qu'il appartient à la cause finale, l'effet existe ou existera.

Or il est évident que cette causalité ne rentre pas d'ans celle de la cause efficiente. Sans doute celle-ci n'agit quoautant qu'elle est sollicitée par la fin, mais son action prsipre ne commence qu'après celle de la cause finale : impos able dès lors de les confondre. Dira-t-on que la cause finale agit physiquement sur la cause efficiente et que celle-ci, à son tour, et dans la mesure exacte où elle a été sollicitée, produit son effet, si bien que la cause finale ne serait en réalité que la première cause efficiente? C'est inadmissible. La cause finale agit par l'amour, par le désir qu'elle inspire, tandis que la cause efficiente agit par son action physique, son efficacité consiste dans l'accomplissement

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de l'effet. En accordant même que l'action de la cause finale soit physique et inéluctable ce que nous n'accordons pas, du moins dans les cas où l'amour inspiré est libre cette action physique ne se confondrait pas avec celle de la cause efficiente. La cause finale fait aimer de la cause efficiente l'effet que celle-ci accomplit. Que la cause finale ou le bien soit la cause déterminante de l'amour, nous le voulons bien; mais elle n'est pas précisément la cause efficiente de cet amour, qui procède formellement de la volonté, ni par conséquent de l'effet qui procède ensuite de cet amour, ou plutôt des puissances que cet amour soutient.

539. Excellence de la cause finale. La cause finale est plus importante que la cause efficiente à certains égards. C'est ce qui résulte déjà de l'analyse précédente. La cause finale agit avant la cause efficiente, elle influe sur elle et, par elle, sur l'effet et sur tous les moyens employés : elle est donc la première des causes, eu égard à la priorité de son action (1).

Mais elle l'emporte encore à d'autres égards. La fin est par elle-même plus noble que la cause efficiente, puisque celle-ci se subordonne à cette fin, en cherchant à l'obtenir ou à la réaliser. Or la cause finale répond à la fin; c'est la fin elle-même, c'est le bien cherché, désiré par la cause efficiente et qui lui manque (2).

Remarquons encore que la cause finale est la première dans l'ordre de l'intention, tandis que la cause efficiente est la première dans l'ordre de l'exécution. Or, au point de vue moral, l'intention l'emporte sur l'exécution c'est elle surtout qui décide de la moralité des actes. On peut dire que l'ordre moral tout entier est l'ordre de l'intention. La cause finale est donc la première; elle l'emporte sur les autres autant que l'ordre moral l'emporte sur l'ordre physique.

(1) Cf. S. Th. 1a 2, q. 1, a. 2.

(2) Cf. S. Th. 1a, q. 105, a. 6; et q. 106, a. 3.

540. Universalité de la cause finale. La cause finale n'est pas moins universelle que la cause efficiente. Rien ne se fait sans cause. Ce principe, incontestable en ce qui concerne la cause efficiente, n'est pas moins vrai, si on l'entend de la cause finale. Rien ne se fait sans elle, c'està-dire que tout être cherche une fin. Il peut la connaître ou l'ignorer, se conduire lui-même comme l'homme, quand il agit avec réflexion, ou être dirigé comme la flèche et la balle; mais il cherche toujours une fin, soit qu'il se la détermine, soit qu'on la lui ait déterminée (1).

1o La preuve en est d'abord dans l'impossibilité où seraient les causes créées de produire tels et tels effets, d'obtenir telle ou telle fin, si elles n'étaient déterminées d'une manière ou de l'autre, librement ou fatalement. S'il n'y avait pas de fin, de détermination, il n'y aurait pas d'action précise, définie, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas d'action du tout. Or, ces causes déterminantes qui provoquent telles ou telles actions des causes efficientes, nous les appelons des causes finales. Et qu'on ne nous objecte pas ici que les causes peuvent être toutes déterminées comme efficientes sans recourir pour cela à une cause finale. Car si l'on considère les causes efficientes avant toute influence de la cause finale, elles ne sont point déterminées à tel effet c'est la fin seule qui peut les orienter (2).

2o En second lieu, nous voyons de fait une multitude de choses dans la nature converger vers des fins très précises, vers un but évidemment préconçu: l'œil est fait pour voir, l'oreille, pour entendre, etc. Plus la science étudie et découvre, plus elle voit que toute chose a sa raison d'être dans cet univers. Bien des fins nous échappent sans doute ; mais celles que nous connaissons nous sont un sûr garant que rien n'arrive sans motifs, et qu'audessus de toutes les fins particulières il y a une fin gé

(1) Cf. S. Th., 1a 2, q. 26, a. 1. (2) Cf. S. Th. Cg. lib. III, cp. 2.

nérale, qui les ramène toutes à l'unité, de même qu'audessus de toutes les causes efficientes il y en a une d'où elles procèdent toutes (1).

3o D'ailleurs il faut bien que la sagesse de Dieu égale sa puissance; et puisqu'il a tout fait, il faut qu'il ait tout ordonné à un but supérieur. « Là où la sagesse est infinie, dit Bossuet, il n'y a point place pour le hasard. »

4o Enfin toute cause efficiente est intelligente ou aveugle. Si elle est intelligente et agit comme telle, elle agit pour une fin. Si elle ne l'est pas, ou si elle n'agit pas comme telle, elle obéit à une cause qui est intelligente ou qui est dirigée par quelque intelligence. C'est donc l'intelligence, en définitive, et avec elle la moralité, l'intention, la cause finale, qui explique tout (2).

541. Le hasard. La fatalité. - Absolument parlant, il n'y a donc point de place pour le hasard ou la fortune. Qu'est-ce, en effet, que le hasard? C'est quelque chose d'imprévu, d'inattendu, dont on ne sait ni la loi ni la cause; c'est le conséquent d'un principe dont on ne peut mesurer ni prévoir l'action. Il n'y a donc pas de hasard absolu; car il n'y a pas d'effet sans cause ni de mouvement sans but; la cause finale est universelle comme la cause efficiente, rien ne peut lui être soustrait. L'ignorant regarde comme l'effet du hasard une maladie subite, une éclipse, une tempête; mais le savant, qui connaît les causes, sait ramener tous ces effets à leurs lois. Or, par rapport à Dieu, tous les hommes ensemble sont ignorants; le hasard les surprend, mais il ne met jamais en défaut Celui sans qui rien ne se fait et qui ordonne tout chose à une fin (3).

(1) Cette raison, mais non la première, est admise par Paul Janet dans ses Causes finales. Il rejette donc la démonstration métaphysique, mais non la démonstration expérimentale.

(2) D'ailleurs, tout être, intelligent ou non, agit selon sa nature et produit des effets à sa ressemblance. Il tend par conséquent à une fin (Cf. S. Th. loc. cit.)

(3) Cf. S. Th., 1a, q, 22, a. 2 ad 1.

Quant au fatum ou à la fatalité, que l'on confond quelquefois avec la fortune et le hasard, c'est ce que l'on ne peut empêcher. Le fatum exclut la liberté, comme le hasard la prévoyance. Le hasard est fatal; mais tout ce qui est fatal n'est pas l'effet du hasard: car il y a des nécessités à la fois prévues et inéluctables. Seulement le fatum, de même que le hasard, ne limite d'aucune manière l'activité de la cause première, éminemment libre et prévoyante. Tout ce qu'on peut dire, c'est que Dieu, ayant créé librement, est lié en quelque manière par ses propres lois, celles du moins qui découlent de la nature même des choses et sans lesquelles la vérité et la sainteté divines ne se conçoivent pas.

542. La recherche des causes finales. La recherche des causes finales n'est pas inutile dans les sciences. Les mêmes philosophes qui ont nié les causes finales devaient en proscrire la recherche. D'autres, avec eux, sans nier ces causes, ont regardé les arguments qu'on en tire comme stériles et propres seulement à égarer l'esprit humain: ainsi Bacon. Descartes n'est guère moins sévère : il regarde la recherche des causes finales comme puérile, absurde en philosophie et inutile dans les sciences naturelles. Mais Leibniz, en proclamant le principe de la raison suffisante, releva la recherche des causes finales du discrédit où elle était tombée. Les positivistes l'ont condamnée de nouveau et logiquement, puisqu'ils refusent de mettre une souveraine intelligence à l'origine des choses.

Mais il est incontestable que si, d'une part, toute chose a une fin, et si, d'autre part, la nature des choses doit être proportionnée à cette fin et pourvue de tous les moyens de l'obtenir, il est fort utile de connaître celle-ci. Si, par ex., nous savons que tel animal vivait dans l'eau ou dans l'air, se nourrissait de chair ou de substance végétale, nous saurons par là même qu'il était pourvu de tous les organes que comportait son milieu et son régime alimentaire.

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