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431 bis. Examen de l'opinion de Mgr Mercier sur la raison dernière de la possibilité des choses. Le savant auteur de l'Ontologie (1) croit pouvoir établir les deux thèses suivantes : « Les objets abstraits de l'expérience et analysés par la pensée sont, dans l'ordre analytique, la raison suffisante dernière des possibles et de leurs propriétés.

<«< La théorie qui soutient que Dieu, prototype nécessaire et éternel des êtres, est seul la raison suffisante des possibles et de leurs propriétés, aboutit logiquement à l'ontologisme » (p. 40).

Ces deux thèses, que l'auteur s'efforce de prouver didactiquement, sont établies non seulement contre « les Platoniciens; les Ontologistes: Malebranche, Gerdil; les Rosminiens; non seulement Leibniz, Victor Cousin, Balmès, mais presque tous les philosophes scolastiques modernes Kleutgen, Dupont, Schiffini, etc. » (p. 38). Il va sans dire que nous n'y pouvons souscrire. Contrairement à l'auteur nous pensons que « les propriétés des possibles>> pour employer ses expressions, « mènent logiquement à l'affirmation nécessaire de l'existence de la Sagesse incréée (p. 39).

:

En effet, la connaissance des possibles et de leurs propriétés constitue déjà un ensemble de vérités évidentes et absolues, indépendantes dès lors de notre esprit, qui les perçoit sans en être le maître. Comment donc pourrionsnous dire qu'elles ont dans notre pensée ou en nous-mêmes, êtres contingents et éphémères, leur raison dernière et sufisante? Nous percevons des vérités absolues, nous communions ainsi avec l'absolu, qui explique notre vie intellectuelle et morale, mais sans être suffisamment expliqué par elle. Les deux termes ici ne sont pas égaux, et ce n'est pas le moindre qui expliquera le plus grand d'une manière suffisante. La connaissance de la vérité, disons même de

(1) V. la 3e éd. 1902.

la moindre des vérités, suppose en définitive une Vérité absolue, une Intelligence infinie, sans laquelle il n'y aurait pas de vérité. S'il est vrai, comme saint Thomas l'affirme, ́ que tout degré de vérité, de bonté, de perfection suppose le Vrai absolu, le Bien absolu, etc., qui n'est autre que Dieu même, on reconnaîtra que « les propriétés des possibles » perçues par notre intelligence nous mènent logiquement à l'affirmation de l'existence de Dieu, seule cause première et suffisante qui les explique définitivement.

Il n'y a rien dans ces raisonnements qui implique l'ontologisme, rien non plus qui justifie les exagérations de l'exemplarisme augustinien. Aucun des principaux scolastiques modernes que l'on attaque ici et dont nous essayons de traduire la doctrine, ne conteste, croyons-nous, que nous pouvons connaître la possibilité des choses et maintes vérités absolues, sans connaître l'existence de Dieu; aucun ne met l'affirmation de l'existence de Dieu à la base de toutes les sciences; elle est plutôt au sommet. Par cela même qu'une chose se constate ou qu'elle se conçoit, elle nous apparaît évidemment comme possible; il n'est pas besoin d'autre raison pour que nous affirmions sa possibilité. Mais il ne s'ensuit pas que cette raison, suffisante pour nous, soit la dernière et ne se rattache logiquement à aucune raison supérieure. Cette raison suprême, l'esprit humain la cherchera invinciblement et ne la trouvera qu'en Dieu.

Au point de vue où nous sommes, il en est des vérités particulières comme des êtres créés. On peut connaître ceux-ci avec certitude, non pas comme créatures, mais comme êtres, sans connaître encore le Créateur de même on peut connaître des vérités particulières sans connaître la Vérité divine. Mais l'explication dernière des créatures n'est qu'en Dieu seul ; et de même aussi l'explication des vérités particulières n'est que dans la Vérité divine, d'où elles émanent. Il nous paraît donc que les choses ne sont pas possibles en dernière analyse parce qu'elles sont, ou parce que nous les concevons et que les notes qui les

constituent ne sont pas contradictoires, mais parce que Dieu les conçoit et qu'il existe son Intelligence d'abord et finalement son Essence sont le dernier pourquoi, le dernier fondement de la possibilité des choses. Et cela nous semble si juste que nous regarderions comme conséquent avec lui-même le sceptique qui douterait de tout parce qu'il doute positivement de Dieu. Ce n'est pas, nous le répétons, que toute connaissance contienne formellement la connaissance de Dieu; mais elle y conduit logiquement; en sorte que nier positivement cette conséquence ou même en douter positivement, c'est déjà énerver la vérité particulière qui y conduit. Tant il est vrai que le mot suprême de la philosophie est Dieu, toujours Dieu. Aristote avait donc bien raison d'appeler la philosophie première une théologie.

Le savant auteur de l'Ontologie l'oublierait moins que personne. Aussi croyons-nous que sa doctrine, au fond, ne diffère pas de celle de la plupart des scolastiques. Mais peut-être qu'une crainte exagérée de paraître favoriser l'ontologisme ou l'exemplarisme augustinien, l'a-t-elle induit à employer des formules qui seraient la condamnation des thèses les mieux établies et compromettraient aux yeux de plusieurs contemporains, déjà trop enclins au doute universel, les caractères absolus de la vérité (1).

(1) Ces pages ont paru d'abord dans la Pensée contemporaine, 1re année, mai 1904, p. 461-2. Depuis lors, la Revue néo-scolastique a publié un article de M. l'abbé Clodius Piat, De l'intuition en théodicée (1908, mai), qui nous paraît justifier la doctrine qui vient d'être défendue. En voici les conclusions qui se rapportent le mieux à notre sujet « Toutes nos idées sont conformes à des lois qui n'ont ni commencement, ni fin, ni déclin... Comment cela, s'il n'existe quelque part un fond immuable d'éternelles possibilités? Otez cette hypothèse, le fait n'a plus d'explication. Mais où réside ce fond de possibilités? Ce n'est pas dans mon esprit. Car la possibilité n'existe en moi que par et pour ma pensée... Le possible n'a pas non plus dans la nature son dernier point d'appui... Va-t-on dire avec Platon que les possibles sont des réalités subsistantes, distinctes des choses et pleinement actualisées? Mais cette hypothèse ne tient pas debout non

plus. Il ne reste donc qu'une explication véritablement rationnelle, c'est que les possibles soient des concepts de l'intelligence divine (concepts plus purs que les nôtres)... Nous ne trouvons pas Dieu dans nos idées; nous remontons par elles jusqu'à lui: Dieu est la raison suprême des possibles, comme il est la raison suprême de l'être, du mouvement et de l'ordre cosmiques. Ils se fondent sur l'immutabilité de son essence ; et c'est de là qu'ils rayonnent dans la nature, puis de la nature dans notre pensée « Les espèces intelligibles, que perçoit << notre esprit, dit saint Thomas (Ia, q. 84, a. 4 ad. 1), se ramènent, «< comme à leur cause première, à quelque principe intelligible par «< nature, je veux dire Dieu; mais elles procèdent de ce principe par « l'intermédiaire des formes sensibles et matérielles ». Nous n'avons du soleil des esprits qu'une lumière réfractée ».

CHAPITRE XXIII

DE L'UNITÉ ET DE LA DISTINCTION

432. L'un, l'unité. La multitude.

L'un est ce qui

n'est pas divisé d'avec lui-même; c'est l'être sans division, du moins sous le rapport où notre esprit le considère : l'unité est donc le manque de division.

On ajoute à cette définition que l'un est ce qui est divisé et distinct de toute autre chose. Mais alors la définition renferme deux concepts, deux sortes d'unités, deux notions transcendantes (unum et aliquid), comme on l'a expliqué plus haut (v. no 390). De ces deux unités, d'ailleurs inséparables, l'unité positive est celle qui consiste dans l'indivision.

Ce concept précède absolument celui de multitude: car l'unité est dans la définition de la multitude, tandis que celle-ci n'est pas dans la définition de celle-là; nous connaissons,en définitive, la multitude par l'unité, et non pas l'unité par la multitude. L'idée de distinction ou de division, avec celle de négation, résulte immédiatement de l'idée d'être et précède celle d'unité ; mais celle d'unité précède celle de nombre ou de multitude (1).

(1) Cf. S. Th. : « Divisa non intelligimus habere rationem multitudinis, nisi per hoc quod utrique divisorum attribuimus unitatem. Unde unum ponitur in definitione multitudinis, non autem multitudo in definitione unius. Sed divisio cadit in intellectu ex ipsa negatione entis. Ita quod primo cadit in intellectum ens. Secundo, quod hoc ens non est illud ens; et sic secundo apprehendimus divisionem ; tertio unum ; quarto, multitudinem » (1a, q. 11, a. 2, ad 4).

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