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d'existence sans essence réelle, ni d'essence réelle sans existence.

Leur distinction réelle, dans leur union même, nous explique comment la nature ou l'essence humaine de Jésus-Christ a pu recevoir, au lieu d'une existence, une subsistence, une personnalité humaine, une existence, une subsistence, une personnalité divine. La distinction réelle de la nature et de la personne repose donc sur la distinction de l'essence et de l'existence.

Conclusions. De tout ceci il faut conclure que si la distinction réelle de l'essence et de l'existence, dans les créatures, n'est pas prouvée, elle reste néanmoins très vraisemblable; elle l'est d'autant mieux qu'elle éclaire une foule de points obscurs de la métaphysique etconcourt à la parfaite harmonie de l'ensemble. Suivant cette belle doctrine, Dieu seul est un acte pur, absolument simple; toutes les créatures sont plus ou moins composées, imparfaites, à mesure qu'elles s'éloignent de leur foyer de lumière et de leur centre d'attraction. Les esprits sont composés de puissance et d'acte, d'essence et d'existence; mais leur essence est simple. L'homme et les autres êtres corporels ne sont pas même simples dans leur essence, ils sont composés de matière et de forme. Ils sont donc corruptibles, divisibles, mortels. S'ils ne vivent pas, leur matière est indéfiniment divisible, jusqu'au néant pour ainsi dire. S'ils vivent, leur matière est d'autant plus divisible que leur vie est moins parfaite.

413. Nouvel essai d'une solution. Mais cette première conclusion ne nous suffit pas, et il faut essayer d'établir une doctrine plus complète. Pour résoudre ce difficile problème de la distinction de l'essence et de l'existence, il convient de le rattacher à la question générale des transcendantaux. Ceux-ci, on ne saurait trop le remarquer, sont des modes généraux de l'être, c'est-à-dire qu'ils conviennent à tout être. Et, en effet, tout être a une essence, il est un, vrai, bon, etc. Ce n'est pas que les transcendan

taux se confondent les uns avec les autres : l'être n'est pas l'unité, et l'unité n'est pas la vérité, et la vérité n'est pas le bien. Mais, en vertu d'une implication mutuelle, les transcendantaux s'affirment les uns des autres (convertuntur) tout en sè distinguant réellement : par exemple le vrai est bien, et le bien est vrai, quoique la vérité ne soit pas la bonté. Or cette loi des transcendantaux il faut l'appli quer aux deux notions et aux deux réalités transcendantales qui nous occupent maintenant : l'existence et l'essence réelle ou l'être existant et l'être réel (ens et res). Nous conclurons donc que ces deux termes s'impliquent mutuellement sans pourtant se confondre : ils s'identifient, au fond, mais leurs formalités demeurent distinctes. Tout en refusant de dire, comme l'auteur cité plus haut, que << ni l'essence n'enferme l'existence, ni l'existence l'essence » et que « entre les deux il y a diversité adéquate », nous maintiendrons cependant la distinction réelle de l'existence et de l'essence, qui paraît niée par les Suaréziens; car c'est la nier que lui substituer une distinction purement logique. Et si la position moyenne que nous cherchons à déterminer ici peut coïncider avec celle des Scotistes, nous nous rejouirons de nous rencontrer avec cette école (1).

(1) Ces pages ont paru d'abord dans la Pensée contemporaine, 2o année, p. 19. V. aussi dans la Revue néo-scol. 1906, fév.: POULPIQUET O. P., Le point central de la controverse sur la distinction de l'essence et de l'existence.

Enfin on ne doit pas omettre de signaler le savant ouvrage du R. P. Joseph PICCIRELLI S. J (Naples et Paris, Lecoffre 1906): Disquisitio metaphysica, theologica, critica, de distinctione actuatam inter essentiam existentiamque creati entis intercedente, ac præcipue de mente Angelici Doctoris circa eamdem quæstionem. L'auteur admet seulement une distinction de raison et estime que telle est, au fond, l'opinion de S. Thomas, de même que celle de Soto et d'Hervé de Nédellec ou le Breton. Mais la distinction qu'il qualifie de raison par opposition à la distinction réelle, paraît être une distinction modale réelle (fundamentaliter realis), comme celle que nous admettons.

CHAPITRE XXII

DE LA PUISSANCE ET DE L'ACTE ET EN PARTICULIER

DES POSSIBLES (1)

elle

414. La puissance et l'acte. Les notions de puissance et d'acte nous sont suggérées par tout ce qui nous entoure. Tout changement, en effet, consiste dans le passage de la puissance à l'acte. L'eau s'échauffe et se vaporise a donc de la chaleur et de la vapeur en puissance. Tel arbre peut porter des fruits : le fruit est donc dans la puissance ou la fécondité de l'arbre. L'oiseau s'arrête, lorsqu'il pourrait encore battre des ailes : il suspend son vol, qui est son acte, mais il garde la puissance de le reprendre. L'intelligence et la volonté sont ainsi en puissance à une foule de pensées et de désirs qui deviendront actuels ou peut-être ne le deviendront jamais. Bref, autre chose est l'acte qui perfectionne la puissance, lui donne son complément naturel, son efficacité, et autre chose est la puissance qui est ordonnée à cet acte et le rend possible de près ou de loin. On voit déjà par ces exemples que l'acte est à la puissance comme l'existence est à l'essence, l'être à la chose, le parfait à l'imparfait.

Pénétrons plus avant dans ces notions importantes, qu'il est impossible de définir rigoureusement, mais non pas de décrire. Pour ce qui est de la puissance, elle est l'ap

(1) V. FARGES, Théorie fondamentale de l'acte et de la puissance, du moteur et du mobile; DE RÉGNON, Métaphysique des causes; BAUDIN, L'acte et la puissance (Revue thomiste, 1899 mars et suiv.).

titude à faire ou à recevoir, à souffrir quelque chose. Nous comprenons ici et la puissance physique et la puissance morale, et l'active et la passive, et la pure possibilité et la puissance réelle. Mais hâtons-nous d'entrer dans les distinctions les plus importantes.

415. Puissance réelle, logique. Autre est la puissance réelle, et autre est la puissance logique. Celle-ci est une pure possibilité; elle consiste en une idée qui ne répugne pas et peut par conséquent se réaliser par ex. un autre monde que celui-ci, telle espérance de notre cœur ou même tel rêve de notre imagination. Tout ce qu'on peut concevoir positivement est possible de cette manière. La puissance réelle, au contraire, est déjà donnée hors de l'esprit, elle est dans un sujet réel: ainsi la pensée n'est pas une pure possibilité dans l'homme, qui a la faculté réelle de penser; ainsi encore le marbre a la puissance réelle de devenir une statue et l'artiste a la puissance réelle de la produire. Comme Dieu est tout-puissant, on peut dire que par rapport à lui il n'y a pas de possibilité pure, mais il a la puissance réelle de tout produire (1).

416. Puissance active, passive. La puissance réelle est active ou passive passive, comme celle du marbre par rapport à la statue; active, comme celle du sculpteur qui imagine la statue et la fait sortir du bloc. La puissance active tend à donner, à produire, à exercer du moins un mouvement ou une action; l'autre n'est capable que de recevoir, de subir l'action de la première.

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417. Puissance obédientielle. Parmi les puissances passives, les théologiens distinguent la puissance obédientielle d'avec la puissance purement naturelle. Celle-ci est dans les créatures considérées sous l'action des causes

(1) La puissance réelle est encore dite subjective, et la puissance logique est dite objective (V. vocabulaire : Puissance). A d'autres égards et inversement, la puissance réelle pourrait aussi bien être qualifiée d'objective, et la puissance logique de subjective. Les explications données dissipent toute équivoque.

naturelles celle-là est dans les créatures considérées sous l'action même et spéciale de Dieu. Il n'est pas douteux que Dieu puisse se servir de la créature pour produire des effets merveilleux. Si l'homme peut avec des couleurs et un peu d'encre peindre tout ce qu'il voit et écrire tout ce qu'il pense, que ne fera pas Dieu, s'il le veut, et avec les plus faibles moyens? Ainsi s'explique de quelque manière l'efficacité des sacrements. Dans les sacrements, il est vrai, on peut penser qu'il y a plus qu'une puissance passive; mais la puissance active et surnaturelle des sacrements est fondée sur cette puissance passive et obédientielle qui appartient à toute chose par là même qu'elle est créée, c'est-à-dire sous la main et aux ordres de Dieu. « Cui omnis creatura obedit ad nutum. » (S. Th.)

Ici une question se présente : Dieu peut-il se servir de n'importe quelle créature pour produire n'importe quel effet surnaturel? Certainement non. Il faut qu'il y ait quelque convenance entre l'instrument et l'effet ; autrement il y aurait contradiction à dire que cet instrument sert à cet effet. Par exemple Dieu peut bien donner à l'esprit humain de voir l'infini, mais non à l'œil de l'homme. Par la même raison, il ne peut donner à aucune créature de créer ni se servir d'elle d'aucune manière à cet effet (1).

418. L'acte. Revenons à la notion transcendante de l'acte. Il diffère de cette action qui est énumérée parmi les catégories et qui est un accident, un effet de la faculté ; mais cette action accidentelle explique l'acte transcendant. Celui-ci est la perfection même de l'être : c'est comme la statue par rapport au marbre, l'image par rapport au tableau, la pensée par rapport à l'esprit, la perception par rapport au sens; mieux encore, c'est comme la différence par rapport au genre, la forme par rapport à la matière, l'existence par rapport à l'essence.

419. Acte pur. Acte premier. Acte second. Distin

(1) Cf. S. Th. I, q. 45, a. 5. - V. aussi nos 585 et 1121.

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