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Chaque connaissance, en effet, a son histoire : elle est même fondée sur l'histoire, puisque toutes les sciences et tous les arts sont fondés de quelque manière sur certains antécédents, certaines pratiques, ou en ont pris occasion pour se développer. A ce titre, l'histoire avec la tradition, dont elle ne se sépare pas, est vraiment la mère de toutes les connaissances.

Montrons-le par quelques exemples. L'histoire de la création, de la révélation, de l'incarnation, de la rédemption, de l'Eglise, de son culte, de sa discipline, a fondé le dogme, le droit canon et la liturgie, toute la théologie en un mot. Les traditions morales, religieuses, philosophiques fondent de quelque manière la philosophie, ou du moins celle-ci ne peut les ignorer qu'à son détriment. Les sciences sociales, à leur tour, sont fondées sur l'histoire civile et politique, sur la connaissance des traditions et dès coutumes, de l'état social et de la statistique; les mathématiques et les sciences physiques ont été connues de nos devanciers, elles ont eu leur histoire avant d'avoir trouvé leurs théories. A plus forte raison, les arts, l'éloquence, la poésie, la peinture, etc. ont été pratiqués avec plus ou moins de succès avant que d'avoir été enseignés et d'avoir défini leur méthode (1). Inutile d'insister. Les Grecs paraissent avoir compris ce rôle de l'histoire, et ils l'ont gracieusement exprimé en disant que Mnémosyne (déesse de la Mémoire) était la mère des Muses, c'est-à-dire des sciences et des arts.

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352. Examen des principales classifications. tenant que nous avons établi les principes d'un système

(1) On peut dire que les sciences sont nées des arts, quoique l'inverse soit peut-être plus vrai encore. L'esprit humain va sans cesse de la pratique à la spéculation et de la spéculation à la pratique, des effets aux causes et des causes aux effets. L'induction et la déduction lui sont indispensables, il s'avance sur l'une et l'autre dans sa marche vers la vérité.

général de toutes les connaissances, il faut examiner les principales tentatives de classification.

1o Le philosophe des Ecritures ramène toute connaissance à la sagesse, c'est-à-dire à une sorte de philosophie religieuse. Cette sagesse est à l'image de Dieu; elle est à la fois spéculative et pratique, une et multiple ; elle embrasse toute science infuse et toute science acquise. Ce, n'est là qu'une vue très générale sur les connaissances, mais il n'en est pas de plus sublime (Sag. VII, VIII).

2o De la classification d'Aristote ou plutôt de ses vues sur les sciences, dont nous nous sommes inspiré, il y a peu à dire (1). Aristote s'est borné aux principes. A une époque où la plupart des sciences n'étaient pas nées ou n'étaient pas encore assez développées pour se distinguer de la philosophie, on ne pouvait pousser bien loin une classification universelle.

3o Au XIe siècle, saint Bonaventure esquisse une classification dans son opuscule de Reductione artium ad theologiam. Il y distingue quatre lumières ou principes de connaissances, d'où quatre embranchements: les sept arts mécaniques (industrie et commerce), les beaux-arts, la philosophie, la théologie. La philosophie est subdivisée en logique, naturelle et morale. La première comprend la grammaire, la logique proprement dite et la rhétorique ; la seconde, les sciences physiques, les mathématiques et la métaphysique; la troisième, la morale individuelle, la morale domestique et la politique. La théologie comprend aussi trois parties le dogme, la morale chrétienne et la mystique. Cette classification, si belle et si régulière, est devenue insuffisante en ce qui concerne les connaissances secondaires.

4o Plus tard les tentatives de classification changent de caractère. Bacon distingue trois connaissances fonda

(2) Voir cependant le chanoine MARIETAN, Problème de la classification des sciences, d' Aristote à saint Thomas, 1902. V. aussi notre Synthèse des connaissances, 1903.

mentales, qui correspondent à la mémoire, à l'imagination et à la raison; ce sont l'histoire, la poésie et la philosophie. L'histoire est naturelle ou civile. La philosophie a pour objet Dieu, la nature ou l'homme.

Les Encyclopédistes acceptent cette classification et essaient de la compléter. Mais on ne peut corriger un système qui pèche par la base. Ce n'est pas selon nos facultés de connaître qu'il faut diviser les connaissances, mais plutôt selon leurs objets, ainsi qu'on l'admet aujourd'hui.

5o Comte divise les sciences en abstraites et en concrètes. Celles-ci sont les premières à naître et les dernières à se former. Comte ne croit pas qu'elles soient constituées, et, pour ce motif, ne tente même pas de les classer. C'est parmi elles que viendraient la minéralogie, la botanique, la zoologie, etc. Quant aux sciences abstraites, qui sont les sciences fondamentales, elles forment six groupes les mathématiques, l'astronomie, la physique, la chimie, la physiologie et la sociologie, à laquelle s'ajoute la morale. Les phénomènes observés par la sociologie sont les plus complexes, ils impliquent les phénomènes physiologiques; ceux-ci impliquent les phénomènes chimiques, qui euxmêmes impliquent les physiques et les astronomiques. Les mathématiques observent les phénomènes les plus simples; elles servent de fondement à toutes les sciences, tandis que la sociologie en est le couronnement. Mais cette distribution des sciences, malgré ses mérites de détail, encourt les mêmes reproches que le système philosophique dont elle est l'expression. Comte n'était pas fondé à supprimer la métaphysique, la logique, la psychologie rationnelle, la théologie.

6o Ampère (1) a divisé les sciences, suivant leurs objets, en deux règnes les sciences cosmologiques (sciences du monde) et les sciences noologiques (sciences de la pensée).

(1) Voir Essai sur la philosophie des sciences ou Exposition analytique d'une classification naturelle de toutes les connaissances humaines.

Au moyen d'une série de subdivisions constamment dichotomiques, ces deux règnes forment d'abord 4 sousrègnes, puis successivement 8 embranchements, 16 sousembranchements, 32 sciences de premier ordre, 64 sciences de second ordre, 128 sciences de troisième ordre. Voici les 8 embranchements: sciences mathématiques - physiques -naturelles médicales - philosophiques nootechniques ethnologiques politiques. On a pu reprocher à cette classification, œuvre d'un puissant esprit, l'abus excessif du néologisme et des divisions systémati ques, moins naturelles que savantes. En outre, s'il est vrai que les sciences doivent se diviser suivant leur objet, il ne faut pas oublier d'avoir égard principalement à l'objet formel. On ne peut donc opposer dès le début la matière à la pensée, parce qu'elles tombent indistinctement sous certaines sciences générales.

7o Spencer (1) divise la science en abstraite, en abstraite-concrète et en concrète. La science abstraite comprend la logique et les mathématiques; la science abstraiteconcrète comprend la mécanique, la physique, la chimie, etc.; la science concrète comprend l'astronomie, la géologie, la sociologie, etc. On a déjà dit ce qu'il faut penser de la division des sciences en abstraites et en concrètes. Les autres principes sur lesquels repose cette classification, tombent sous les mêmes critiques que le système du philosophe anglais.

80 L'abbé Moigno (2) divise les connaissances humaines en spéculatives et en pratiques, c'est-à-dire en sciences et en arts. Les sciences sont théoriques ou historiques. Les sciences théoriques ont pour objet l'être en général, d'où l'ontologie, ou bien l'être en particulier substances et modes. La substance est purement spirituelle, ou mixte ou corporelle d'où la théodicée, la théologie, la psychologie, puis l'anthropologie et les sciences physiques. Quant

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(2) Voir les Splendeurs de la foi, t. III, p. 1484, tableau.

aux modes de l'être, les uns appartiennent à une substance simple, les autres à une substance étendue. Les premiers seraient l'objet d'une science à créer; les seconds sont l'objet des mathématiques. Parmi les arts on remarque la logique, l'éloquence, la poésie, les beaux-arts, la pédagogie, la médecine opératoire, l'art politique, l'art militaire, la vétérinaire, la culture, les arts scientifiques et les arts empiriques. Les uns et les autres sont mécaniques, ou physiques, ou chimiques.

Dans cette classification, comme dans celle d'Ampère, l'objet formel des sciences est trop négligé; de là une grande confusion. Les sciences théologiques ne sont pas nettement séparées de la théodicée; elles sont mêlées aux sciences philosophiques. Celles-ci, au lieu d'être groupées ensemble comme une famille naturelle, sont rompues et disséminées. L'ontologie est à la tête de toutes les connaissances, avec la théodicée. La logique est rejetée parmi les arts. On ne peut séparer d'une manière aussi radicale la théorie de la pratique. Plusieurs connaissances paraissent tenir également de l'une et de l'autre : ainsi la logique, la médecine, la chirurgie.

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353. Esquisse d'une classification. Sciences simples et sciences complexes. Avant d'esquisser une classification qui réunit peut-être tout ce que les précédentes offrent de plausible, nous ferons une remarque qui préviendra bien des objections. Il ne peut être question ici que de classer des sciences simples ou du moins n'embrassant que des connaissances de même genre: par ex. l'arithmétique, la physique, la chimie, les sciences morales, politiques, littéraires. Il y a des sciences qui, outre qu'elles sont complexes, embrassent des connaissances fort diverses; d'où il suit que toute classification rigoureuse les divise. Telles sont l'anthropologie, la géographie, les sciences militaires, pédagogiques. L'anthropologie, en effet, emprunte à l'histoire naturelle et à la psychologie; la géographie, à l'histoire, à la géologie, à l'ethnologie, à la

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