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que nous ferons en montrant qu'il doit être cherché du côté de l'objet et qu'il ne diffère pas de la manifestation de celui-ci.

Il faut le chercher, disons-nous, du côté de l'objet. Car nous savons et sentons bien que nous recevons la vérité sans pouvoir la créer, nous en participons sans la produire, elle vient du dehors et non du dedans. On manque souvent la vérité, alors même qu'on la recherche, et on la rencontre alors même qu'on l'évite; tantôt elle se dérobe à nos désirs, et nous n'embrassons que des illusions, et tantôt elle s'affirme malgré tout notre dépit ou notre désespoir une mère désolée ne peut, quoi qu'elle fasse, douter de la mort de son fils. Bref, la vérité s'impose, parce que notre esprit ne la mesure pas, mais se trouve mesuré par elle. Il faut donc que le critérium formel de la vérité, celui qui nous la donne, celui qui change le vrai en vérité pour nous, soit objectif; c'est lui qui éclaire notre esprit, comme le soleil éclaire nos yeux. Or il ne peut être que l'évidence ou la manifestation de l'objet. L'évidence nous donne le vrai, parce qu'elle le contient; comme l'unité contient l'un; la vérité, le vrai ; la bonté, le bien; la. beauté, le beau.

254. Conditions du critérium suprême. 2o D'ailleurs l'évidence seule réalise toutes les conditions requises dans le critérium suprême. En effet, il doit être universel, c'està-dire s'étendre à tous les ordres de vérités; il doit être nécessaire à tous les autres critériums, si bien que ceux-ci n'aient de valeur que par lui: bref il doit être le dernier motif de certitude.

Or l'évidence réalise ces conditions. Elle s'étend à toute vérité, sensible ou intelligible, historique ou scientifique ; toutes nos facultés de connaissance ne nous imposent leur témoignage, en dernière analyse, que parce qu'il est évident; nos motifs de certitude tirent toute leur force de l'évidence; sans elle tout est douteux, insuffisant, incapable dès lors de nous donner la vérité ; elle seule

justifie tout, explique tout, sans être justifiée et expliquée elle-même. Elle est donc le critérium cherché, elle l'emporte sur tous les autres, dont elle est pour ainsi dire la forme supérieure et générale.

255. Objections. — Cette conclusion est néanmoins contestée par Sanseverino.

1o Il ne nous paraît pas, dit-il, qu'il y ait un critérium unique et commun de vérité ajouté à nos facultés de connaissance; car, si ces facultés sont telles qu'elles puissent percevoir la vérité, elles n'ont pas besoin d'un autre critérium qu'elles-mêmes. Tel est le sentiment général et celui des meilleurs philosophes anciens. Si nous demandons à quelqu'un pourquoi il ne doute pas de son existence il répondra Parce que ma conscience me l'atteste. Si nous lui demandons pourquoi il ne doute pas de l'existence des corps, il répondra: Parce que mes sens me les font très bien connaître.

Rép. L'évidence ne se distingue pas des facultés autant que Sanseverino nous le fait supposer; elle n'agit sur les facultés que pour les éclairer et sa force ne fait qu'un avec la leur. Il n'y a donc pas d'inconvénient à regarder ici l'évidence comme un critérium suprême : elle ne déprécie aucune faculté. Si les philosophes anciens. n'en ont pas parlé expressément, ils en ont parlé d'une manière équivalente. Quant au sentiment général, il est pour nous; car tout homme interrogé sur les derniers motifs de ses convictions répondra en définitive : Je crois à mon existence et à celle des corps parce qu'elles sont évidentes; je crois à mes sens et à ma conscience parce que leur témoignage est trop clair pour souffrir le moindre doute. 2o Mais, ajoute Sanseverino, il y a des choses et des vérités très certaines qui ne sont point évidentes. Ainsi nous n'avons point l'évidence des choses que nous ne connaissons que par des analogies, ni l'évidence des choses contingentes. Donc l'évidence n'a pas le caractère d'universalité.

Rép. Toute vérité aperçue, toute connaissance parfaite est évidente, en définitive, d'une manière immédiate ou médiate, directe ou indirecte. Sanseverino n'admet comme évidentes que les connaissances intellectuelles dont l'objet est immuable et proportionné à l'esprit ; mais l'évidence s'étend bien au delà, quoique d'une manière moins parfaite. C'est ainsi que nous avons l'évidence des attributs de Dieu, bien que nous ne les connaissions que par analogie; c'est ainsi encore que nous avons l'évidence des faits, et des faits sensibles, parce que notre intelligence critique et ratifie le témoignage des sens; c'est ainsi enfin que nous avons une certaine connaissance évidente de ce qui nous est attesté par Dieu ou par les hommes qui n'ont pu ni se tromper ni nous tromper. Maintenant nous convenons que l'évidence immédiate des objets proportionnés à notre esprit (par ex., les principes de métaphysique, de mathématique et de sens commun) a cette force particulière et invincible qui entraîne l'adhésion de l'esprit indépendamment des dispositions du cœur. Nous trouvons même dans ces distinctions que rappelle ici Sanseverino une explication des erreurs, des doutes, du scepticisme de tant d'hommes sur les vérités les plus certaines, les plus importantes, les mieux démontrées.

256. Les sens comme critérium. Les sens ne peuvent être le critérium suprême. Ici nous avons à combattre les sensualistes de tous les temps. Démocrite, Héraclite, Epicure, etc., aussi bien que les modernes, n'ont connu que l'âme sensible, confondant l'intelligence avee la sen sation, la volonté avec le désir, les vertus avec les passions. La conséquence nécessaire de cette erreur, c'est que le sens est l'unique moyen de connaître la vérité. A ce système est opposé celui des platoniciens, qui pensent, au contraire, que l'intelligence seule est capable de nous instruire, parce qu'elle perçoit seule l'immuable, le nécessaire, l'absolu. Au XVIIIe siècle, Locke et Condillac furent

les principaux représentants du sensualisme. De notre temps il a pris une nouvelle forme, le positivisme.

D'après ce système, la science n'est pas la connaissance des causes et des essences, mais des faits, des phénomènes et de leurs lois ; la métaphysique est une science vaine, et la théologie une superstition. Ces deux sciences marqueraient les deux premières étapes de l'esprit humain, qui aurait passé par l'âge de la crédulité (enfance), et celui des vains raisonnements (jeunesse), pour arriver à l'âge positif ou de la maturité ; la psychologie ne différerait pas, au fond, de la physiologie et de la biologie. On comprend, après cela, que les positivistes doivent regarder l'observation sensible comme le critérium de toute vérité. Les uns s'en tiennent à l'observation extérieure: ainsi Comte. Les autres, en admettant celle-ci, n'en suspectent pas moins la raison la plus abstraite et la métaphysique.

Bornons-nous ici à critiquer le positivisme et le sensualisme au point de vue qui nous occupe. Qu'il nous suffise de montrer que leur principe est faux et que leurs partisans se démentent eux-mêmes.

257. Le principe du sensualisme est faux. 1o Ce principe, en effet, c'est que l'intelligence n'est, au fond, que la sensation développée. Il suit de là que toute science est une collection de sensations, une association d'images ou de souvenirs sentis, une culture supérieure de la sensibilité, et partant que l'expérience sensible est le dernier. pourquoi de toutes nos certitudes. Mais il n'en est rien; il est absurde de ramener l'intelligence à la sensation.

D'abord la conscience proteste. Autre chose est de sentir, et autre chose de consentir; de même nous faisons très bien la différence de la vue des yeux ou de l'imagination d'avec la vue de l'esprit.

Ensuite l'objet propre du sens et l'objet propre de l'intelligence n'ont rien de commun: le premier est concret, sensible, particulier et contingent; le second, au contraire, est abstrait, inaccessible au sens, général et nécessaire.

De plus les propriétés des sens et celles de l'esprit ne sont pas moins opposées. C'est ainsi que l'objet ne doit agir sur le sens que dans une certaine mesure; autrement il blesserait l'organe et rendrait la sensation impossible: trop de lumière éblouit, aveugle; trop de bruit peut briser le tympan. Mais il n'en va pas de même pour l'intelligence jamais trop de vérité pour elle, jamais trop de lumière. Si elle paraît se fatiguer, c'est à cause des organes de l'imagination et de la mémoire sensible qui lui prêtent leur concours (1). Or c'est là une preuve qu'elle n'est pas liée à un organe déterminé, comme les sens, et qu'elle se distingue essentiellement de ceux-ci. Plusieurs ajoutent que l'intelligence revient simplement sur ellemême, tandis que le sens ne le peut par exemple je comprends que je comprends; le sens, au contraire, ne revient pas précisément et complètement sur lui-même ; c'est seulement un sens qui revient sur l'autre par exemple je sens que je vois ; mais je ne vois pas que je vois, je n'entends pas que j'entends (v. 865).

258. Les sensualistes se démentent eux-mêmes. 2o En effet, après avoir ramené toutes nos facultés aux sens et toute évidence à l'expérience sensible, ils ont recours comme nous à l'évidence intellectuelle, à celle des principes absolus; ils critiquent le témoignage des sens et le soumettent en définitive à l'examen de la raison. Ils annonçaient qu'ils ne chercheraient que les faits contingents, et voilà qu'ils établissent des lois nécessaires ; ils dissertent sur le possible et l'impossible, essaient de justifier des hypothèses, construisent mille théories, raisonnent sans fin, découvrent le passé, et prédisent l'avenir, en n'étudiant que les phénomènes présents: bref, ils font de la métaphysique, c'est-à-dire qu'ils recourent précisément à ces critériums qu'ils avaient rejetés.

259. La conscience comme critérium.

(1) Cf. S. Th. Ia, q. 75, a. 3.

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