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d'Aristote. Parmi eux, les uns (Stuart Mill, Bain) la rejettent ouvertement et veulent lui substituer la logique matérielle et inductive; mais nous verrons que l'induction ne s'oppose pas au syllogisme et ne le supplante point. Les autres admettent toute la logique formelle d'Aristote, mais ils prétendent la compléter sur des points essentiels (Bentham, Hamilton) (1). Le point de départ de la théorie nouvelle est la quantification du prédicat ou de l'attribut. Aristote aurait eu le tort, en divisant les propositions en universelles et en particulières, de n'avoir égard qu'à la quantité ou extension du sujet. Si on ne quantifie pas aussi le prédicat, on tombe dans cette complication des règles du syllogisme et de la conversion des propositions que nous venons de constater. Il faut donc, poursuiventils, pour éviter ces inconvénients, distinguer non plus seulement quatre espèces de propositions, mais huit. Grâce à la quantification exacte du prédicat, toute proposition devient une équation, que l'on convertit ensuite avec une extrême facilité. Il est vrai que, si la théorie de la conversion des propositions est simplifiée, il n'en est pas de même de la théorie des figures et des modes; car, en distinguant huit sortes de propositions au lieu de quatre, les logiciens anglais sont forcés d'admettre soixante-quatre modes par figure. Voici d'ailleurs notre réponse.

153. Critique.

D'abord la quantification du prédicat a été négligée par Aristote et les scolastiques, parce que le prédicat, de sa nature, a toujours quelque indétermination. Si on le détermine rigoureusement, il devient ou peut devenir sujet, bien qu'il soit prédicat au point de vue grammatical. Par exemple, dans cette proposition: L'homme est intelligent, si l'on qualifie le prédicat, en disant L'homme est une intelligence servie par des organes, on peut prendre indifféremment pour sujet l'un ou l'autre terme. En règle générale et à moins de sous-entendu ou

(1) Cf. LIARD, Les Logiciens anglais contemporains.

autre complication, le prédicat contient le sujet comme une de ses parties, dans la proposition affirmative, et il l'exclut totalement dans la négative. Le prédicat est donc pris particulièrement dans l'affirmative, et universellement dans la négative. Voilà une véritable et naturelle quantification qu'Aristote et les scolastiques n'ont pas ignorée et qui peut suffire.

:

En second lieu, nous ferons observer que chez les Grecs et les Latins, où l'inversion est si fréquente, le prédicat -est désigné par son indétermination même le quantifier expressément serait donc, pour ainsi dire, le supprimer. Ajoutons que cette quantification est souvent impossible : maintes fois nous savons que tel sujet est contenu dans telle classe, sans savoir s'il la compose tout entière ou partiellement. Faudra-t-il s'abstenir de raisonner, si nos idées n'ont pas toute la clarté désirable? Mais le raisonnement a précisément pour but de les éclaircir.

Enfin, en quantifiant toujours le prédicat dans les syllogismes, on supprime le grand, le petit et le moyen. terme, tous les termes sont égaux. Ceci n'empêche pas les réformateurs, Hamilton en particulier, de distinguer néanmoins l'induction et la déduction, c'est-à-dire le raisonnement qui va du particulier au général et celui qui va du général au particulier. Mais cette distinction paraît incompatible avec l'égalité des termes. Et puis en quantifiant le prédicat, on le particularise plus ou moins, et si le sujet est singulier, on enlève à la proposition tout caractère d'universalité; or, sans l'universalité il n'y a pas de raisonnement proprement dit, il n'y a que des inférences, ou plutôt des passages du particulier au particulier. Et c'est ce que prétendent finalement les partisans exclusifs. de la logique matérielle, ceux qui ramènent tout raisonnement à des inférences du particulier au particulier, à de pures associations d'idées, à des actes de sensibilité. On voit donc qu'en prétendant compléter l'ancienne théorie on la sacrifie tout entière, on fait alliance avec ses adversaires les plus déterminés.

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154. Syllogismes composés ou implicites. Parlons maintenant de certains syllogismes composés ou implicites. On peut toujours les ramener au syllogisme parfait.

Le syllogisme conditionnel a pour majeure une proposition conditionnelle. Ex.: Si Pierre respire, il vit ; or il respire; donc il vit ; ou bien or il ne vit pas; donc il ne respire pas. Ce syllogisme conclut donc de deux manières, l'une affirmative, l'autre négative, selon qu'on affirme l'antécédent ou qu'on nie le conséquent. Mais il ne suit rien de la négation de l'antécédent, non plus que de l'affirmation du conséquent.

On peut exposer le syllogisme conditionnel sous forme catégorique; par exemple: Tout ce qui respire vit; or Pierre respire; donc il vit (1)..

ou

Le syllogisme conjonctif ou copulatif est celui dont la majeure est une proposition négative et copulative, de telle sorte que de l'affirmation d'un membre on tire la négation de l'autre. Ex.: Nul ne peut servir Dieu et Mammon ; or Judas sert Mammon; donc il ne peut servir Dieu ; bien or Paul sert Dieu; donc il ne peut servir Mammon. Ce syllogisme conclut donc de deux manières, à cause de l'opposition qui existe entre les membres. Mais il ne conclut pas de la négation d'un membre à l'affirmation de l'autre, à moins que ces membres ne soient contradictoires ou contraires en matière nécessaire.

Le syllogisme disjonctif est celui dont la majeure est une proposition disjointe par la particule ou. Ex.: Jésus est Dieu ou un imposteur; or il n'est pas un imposteur; donc il est Dieu. Ce genre de syllogisme peut conclure de quatre manières suivant qu'on affirme ou qu'on nie le premier ou le second membre. Nous supposons que la disjonction est complète et n'admet pas de milieu. Autre exemple: Il faut que la vertu soit récompensée en ce monde

(1) Cevolani regarde cette réduction d'un syllogisme à l'autre comme << absolument erronée ». Nous ne pouvons ici exposer cette controverse (V. Revue néo-scolastique de février 1907, p. 65 et suiv.).

ou dans l'autre ; or elle ne l'est pas en ce monde ; donc. Cet argument ressemble au dilemme, mais sans se confondre avec lui.

155. Enthymème (en grec, pensée, réflexion). C'est un syllogisme abrégé dont une prémisse est sous-entendue. Ex.: La vertu rend heureux; donc il faut la pratiquer. Dieu est bon; donc il faut l'aimer. Les orateurs, les écrivains l'emploient souvent : il rend la parole plus rapide, plus incisive; il fait que le raisonnement est mieux saisi de l'auditeur, à qui on laisse le soin facile et attachant de le compléter. L'enthymème peut être abrégé encore et il l'est souvent; on supprime par exemple la conjonction donc et l'on dit : La vertu est aimable, il faut la pratiquer. On supprime même l'antécédent et on se borne à l'indiquer par une simple épithète ; par exemple: Un Dieu si bon mérite d'être aimé. On voit par là qu'on peut, dans une seule sentence, accumuler de longs raisonnements. Aristote appelle ces sentences enthymématiques et il en donne. cet exemple: Mortel, ne garde pas une haine immortelle.

156. Epichérème (en grec, attaque). Ce syllogisme souvent employé dans les discussions, a pour prémisse quelque proposition causale. Ex. La religion chrétienne est bonne parce qu'elle rend les hommes meilleurs ; or il faut protéger une religion bonne; donc. Il est évident que, dans ce syllogisme, la majeure est la conclusion d'un autre syllogisme, qui est simplement indiqué par son moyen terme, en sorte que nous avons ici deux syllogismes dans un. Chaque prémisse pourrait ainsi être fortifiée d'une raison, indiquée par les mots car, puisque, parce que, etc. Cette raison à son tour peut être appuyée par une ou plusieurs autres. Tout l'argument d'un ouvrage peut se ramener ainsi à quelques raisonnements principaux. Toutefois, il est évident que nous n'aurions là que le squelette de l'œuvre restent ensuite les procédés oratoires, les descriptions et les ressources de style dont l'argument ne peut donner aucune idée.

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157. Sorite (en grec monceau). Ce mot a d'abord désigné un sophisme dont se servait Eubulide de Milet pour prouver que le peu et le beaucoup se confondent. Il raisonnait à peu près de cette manière: Deux ou trois grains de blé sont peu de chose; de même quatre ou cinq;... de même un million; ou bien il faut dire que peu devient beaucoup et se confond avec lui. Mais par la suite, on a désigné sous le nom de sorite une série de syllogismes ou propositions disposées de façon que l'attribut de la précédente fût toujours le sujet de la suivante, jusqu'à ce que le sujet de la première fût joint avec l'attribut de la dernière dans la conclusion. Ex.: Dieu est la première cause de l'univers ; la première cause existe par elle-même ; ce qui existe par soi-même a toutes les perfections; celui qui a toutes les perfections est infini, éternel, etc.; donc Dieu est infini, éternel, etc. Il est évident que dans le sorite il y a autant de syllogismes que de moyens termes. Or, chacun de ceux-ci doit être examiné avec soin, si l'on veut se garder de toute erreur. Le sorite atteint plus vite sa conclusion, mais en courant plus de dangers.

158. Le sorite n'est pas le type du raisonnement. Certains logiciens ont assimilé tous les raisonnements au sorite, qui deviendrait ainsi le type des raisonnements. Ceux-ci consisteraient tous en des inférences particulières, c'est-à-dire à passer d'une idée à celle qui lui est associée, de celle-ci à une troisième, etc. Mais cette théorie est fausse; car il ne suffit pas de juger que la première idée est identique à la seconde et la seconde à la troisième, pour savoir que la première est identique à celle-ci. La vue de l'identité de la première idée avec la troisième est un acte distinct, c'est la conclusion. Le propre de l'esprit est de passer d'une idée à l'autre, mais cela ne suffit pas pour la science: il faut encore relier toute idée à son principe; or cela se fait dans la conclusion, par le syllogisme. Le sorite est donc expliqué par celui-ci, il se résout en syllogismes; le syllogisme ne se résout pas en sorites (v. no 142). 1

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