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La définition a donc ce double aspect et rend ce double service c'est un principe pour ceux qui apprennent ; c'est une conclusion pour ceux qui ont appris. Et c'est bien là l'une des meilleures interprétations qu'on puisse donner à cette parole de saint Thomas : « Discursus rationis semper incipit ab intellectu et terminatur ad intellectum. » On comprend maintenant que les anciens philosophes aient tant insisté sur la définition (v. n. 98). Les erreurs scientifiques et religieuses commencent ou finissent toujours par l'altération de quelque définition ou principe. Les matérialistes, les panthéistes ne sauraient définir comme nous Dieu, l'âme, l'homme, etc., et c'est à défendre leurs fausses définitions qu'ils s'appliquent, comme nous nous appliquons à justifier les nôtres. « Les mots sont les forteresses de la pensée », a dit Hamilton, et ce mot profond renferme plus de vérité encore qu'Hamilton ne le croyait.

A la définition

111. Division. Tout réel; tout logique. succède la division. Par la première on distingue l'objet de tout ce qui lui est étranger, on reconnaît pour ainsi dire son unité; par la seconde on distingue ses parties, ses éléments, on reconnaît sa pluralité ou plutôt sa complexité et la pluralité de ses parties. Par la définition de l'objet l'idée devient claire; par la division, l'idée devient distincte.

Puisque la division consiste à distribuer une chose, un tout en ses parties, il y a autant d'espèces de divisions. qu'il y a d'espèces de touts et de parties. Or, on peut distinguer d'abord le tout réel, actuel, et le tout purement logique ou universel. Quelques-uns appellent ce dernier potentiel. Mais alors il faut le distinguer du tout réel potentiel que nous signalons plus bas et qui est potentiel à cause de ses parties et non à cause de lui-même. Le tout réel est actuel, il est donné formellement dans les choses : ainsi l'homme, le corps. Le tout logique ou universel est formellement une idée qui s'applique à plusieurs autres, et, sous ce rapport du moins, les renferme, tantôt d'une

manière analogue, tantôt d'une manière univoque. Ainsi l'idée d'être est un tout analogue, où l'on peut considérer l'idée de substance et l'idée d'accident. L'idée de corps est un tout univoque où l'on peut considérer l'idée de tous les corps, inorganiques ou vivants.

112. Tout physique; tout métaphysique. Le tout réel est composé de parties distinctes réellement ou logiquement. De là le tout physique et le tout métaphysique. Ex. du premier : l'homme en tant qu'il est composé d'une âme et d'un corps. Ex. du second: l'homme encore en tant qu'il est composé de genre et de différence, d'animalité et de raison.

113. Tout essentiel, intégral, potentiel, accidentel.

Le tout physique est composé de parties essentielles, ou intégrales, ou potentielles, ou accidentelles : de là encore. diverses sortes de touts. Ex. de tout essentiel : l'homme, en tant qu'il est composé de matière et de forme substantielle, d'âme et de corps. Ex. de tout intégral: le corps de l'homme, en tant qu'il résulte de divers membres. Ex. de tout potentiel : l'âme, en tant qu'elle réunit diverses puissances ou facultés sensibilité, raison, etc. Ex. de tout accidentel : l'homme, au dire de ceux qui expliquent l'union de l'âme et du corps par une harmonie préétablie ; ainsi encore toutes les œuvres artificielles : un meuble, une maison.

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114. Règles de la division. 1o Dans toute division il faut que toutes les parties prises ensemble cadrent exactement avec le tout, c'est-à-dire l'égalent sans le dépasser.

2o Il faut ensuite que chaque membre de la division soit distinct et ne rentre pas dans un autre. La division moderne des facultés de l'âme en intelligence, sensibilité et volonté, pèche contre cette règle; car elle induit à ranger sous l'intelligence les facultés de connaissance sensible qui se rapportent en réalité à la sensibilité.

3o La division doit être graduée, c'est-à-dire qu'il faut assigner d'abord les parties les plus étendues, les plus géné

rales, puis les parties immédiates de celles-ci, et ainsi de suite. Les divisions et les subdivisions doivent se succéder naturellement et former des ramifications.

4o Cependant il ne faut pas multiplier outre mesure les subdivisions. Diviser jusqu'à la poussière, remarque Sénèque, ne vaût pas mieux que tout confondre.

Bien pratiquée, la division achève ce que la définition avait commencé, et elle mérite les mêmes éloges : « Si je trouvais un maître, disait Socrate, qui sût parfaitement diviser, je suivrais ses traces comme celles d'un Dieu. »

CHAPITRE VI

DU JUGEMENT ET DE LA PROPOSITION

115. Le jugement sa nature. Le jugement est l'acte par lequel l'esprit compose ou divise deux idées ou deux termes; il les compose par l'affirmation et les divise par la négation. Expliquons cette définition. Le jugement est un acte de l'esprit, et non de la volonté, comme a paru le soutenir Descartes. Car, bien que la volonté influe d'une manière étonnante sur la plupart de nos jugements, et qu'elle puisse jusqu'à un certain point les commander (v. chap. LIV, de la liberté), cependant ils sont effectués par l'intelligence.

Maintenant l'intelligence juge-t-elle par là même qu'elle voit la convenance ou la disconvenance des idées? Plusieurs le pensent; d'autres les contredisent (1) et prétendent. qu'il faut un acte ultérieur qui constitue l'affirmation. Mais leur opinion nous paraît se rapprocher de celle de Descartes. Si le jugement est un acte de pure intelligence, on ne voit pas ce qui peut le constituer, si ce n'est une vue, celle de la convenance ou de la disconvenance de deux idées. Qu'est-ce qu'affirmer intellectuellement si ce n'est se dire à soi-même que telle chose est ou n'est pas une autre? Et qu'est-ce que se tenir un pareil langage si ce n'est voir qu'il en est ainsi et en avoir conscience? Il n'y a donc pas deux actes dans l'intelligence : l'un par lequel elle verrait que deux idées sont associables; l'autre,

(1) Ainsi le card. Zigliara, Summa phil. Logica, De judicio, C. I,

A. I.

par lequel elle les associerait. Mais l'intelligence voit simplement que les idées sont associées ou ne le sont pas. (Cf. 880).

Quoi qu'il en soit, par le jugement l'esprit unit ou divise deux idées ou deux termes. Ce sont là, en effet, les éléments essentiels du jugement; et il ne suffit pas, pour juger, de les juxtaposer d'une certaine manière, c'est-àdire de les voir l'un et l'autre ; il ne suffit pas même de les comparer il faut encore voir leur rapport en affirmant ou niant l'un de l'autre. Par ex., il ne suffit pas de dire: la vertu aimable, mais il faut dire ou sous-entendre la vertu est aimable (1). Le jugement consiste même formellement dans cette affirmation ou cette négation; les idées ou les termes ne sont que sa matière. C'est pourquoi le jugement est essentiellement un. Il est indivisible comme tel.

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116. Le jugement n'est pas une opération première. Cousin et ses disciples ont regardé certains jugements comme des actes premiers de l'esprit ; certaines perceptions primitives seraient, d'après eux, des jugements (2). Ce qui a pu les induire en erreur, c'est que certaines appréhensions primitives donnent des idées complexes, qui, décomposées aussitôt et recomposées, deviennent des jugements. L'homme se sent vivre, marcher, souffrir, et, distinguant de sa propre personne la souffrance qui l'affecte ou l'acte qu'il exerce, il dit: J'existe, je marche, je souffre. Mais l'appréhension et l'idée confuse de soimême a précédé ce jugement. Dans l'ordre réel, comme dans l'ordre logique, l'idée est donc avant le jugement.

(1) Il peut paraître inutile de rappeler ces vérités. Elles sont néanmoins niées, par ex. dans le Précis de logique évolutionniste de Paul REGNAUD, 1897.

(2) Cf. GARNIER, Traité des facultés de l'âme, T. III, liv. IX, ch. 1.— Paul Janet reste dans le doute; mais il admet que « pour l'analyse, les parties du jugement lui sont théoriquement antérieures ». Traité élém., no 304. On remarquera l'analogie de cette opinion avec celle de Kant, qui dérive ses catégories du jugement.

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