Obrazy na stronie
PDF
ePub

99. La division. La définition, du moins la définition parfaite, est donc l'expression de la claire connaissance de la chose. La division ne fait qu'ajouter à cette première connaissance et la compléter. Diviser, en effet, c'est reconnaître les éléments de la chose, c'est assigner leur nombre et leur ordre, c'est pénétrer de plus en plus dans la nature de l'objet en un mot, c'est passer de l'idée claire à l'idée distincte et même complète. La division est donc une analyse par elle on descend de degré en degré jusqu'aux éléments premiers, jusqu'aux idées les plus simples.

100. Définition de mot; définition de chose. Toutes les définitions n'ont pas le même caractère ni la même perfection. Il y a d'abord la définition de mot ou nominale, et la définition de chose ou réelle. La première, pour être le plus souvent accessoire au sujet, n'en est pas moins utile; elle met sur la voie de la définition réelle ; il arrive même qu'elle lui équivaut. Parfois elle consiste seulement ́à expliquer le nom de la chose par d'autres noms plus ou moins synonymes, analogues. On dira par ex. que le temps c'est une succession, une durée ; que la vertu c'est l'innocence, l'honnêteté; que le courage c'est la valeur, la vaillance; et même, en passant d'une langue à une autre, on dira que la vertu c'est le virtus des Latins, que le courage c'est l'animus, le fortitudo.

On peut dire aussi que la définition nominale consiste à marquer de tel mot tel concept, conformément à l'usage ou en vertu d'un choix personnel. La définition nominale est donc a priori, pour ainsi dire; elle est toujours vraie, du moins subjectivement; elle ne préjuge rien et sert de point de départ.

On compte souvent parmi les nominales des définitions telles que celles-ci : L'âme est le premier principe de vie. -L'instinct est le principe de l'activité propre à l'animal. Mais ces définitions sont déjà des commencements de définitions réelles; elles sont ce qu'il y a d'incontestable en ces dernières. A cause de ce caractère, elles peuvent servir

[ocr errors]

de principe dans une discussion aussi bien que les définitions de mot et, sous ce rapport, se confondre avec elles. 101. L'étymologie. A la définition de mot se rattache encore la définition étymologique. Elle est fort importante. On dira, par exemple, que la vertu vient du latin virtus (vis), qui signifie force, virilité ; que la théologie est la science de Dieu; que la philosophie est l'amour de la sagesse.

Autre chose, sans doute, est l'étymologie d'un nom et autre chose sa signification ou sa définition réelle ; il arrive même que la définition étymologique paraît en contradiction avec celle-ci ainsi l'âme vient de anima, primitivement souffle, et c'est un esprit ; intelligence vient de inter legere, lire au travers, et c'est une faculté spirituelle. Mais l'étymologie nous met toujours sur la voie de quelque ressemblance ou analogie; souvent même, comme nous venons de le voir, elle équivaut déjà à une définition réelle. De là son importance. L'étymologie des mots est ordinairement leur premier sens : c'est peu à peu que l'usage en a tiré une foule d'autres par voie d'analogie, de transposition, d'extension ou de restriction; de là ces ramifications de sens si intéressantes à suivre, qui portent avec elles un précieux enseignement (1). Prenons un exemple très simple, le mot travail, qui paraît venir du latin populaire tripalium (tres, trois ; palus, pieu), sorte de chevalet, instrument de torture, formé de trois pieux. Le mot travail a signifié de bonne heure une machine servant à ferrer les chevaux vicieux, etc. ; puis, par une analogie facile à saisir, il est arrivé bien vite à signifier le labeur soit du corps, soit de l'esprit. Et le labeur lui-même vient de labor, le même que labour; en passant du latin au français le mot s'est dédoublé : l'une de ses branches

(1) C'est là l'objet de la sémantique, partie importante de la philosophie du langage (v. chap. LIX). Cf. Bréal, Essai de sémantique. Plusieurs éd.; A. Darmesteter, La vie des mots.

s'est particularisée pour signifier le labourage, et l'autre s'est généralisée. En résumé, l'étymologie nous introduit dans la science du langage, et les bonnes définitions de mots préparent les définitions de choses.

On voit maintenant ce qu'il y a de vrai dans les opinions contraires de certains auteurs, dont les uns prétendent que la définition de mot et celle de chose se confondent; d'autres, qu'elles diffèrent totalement ; d'autres, que la définition étymologique n'est pas une définition, etc. La vérité est que ces diverses définitions se succèdent en allant de l'imparfait au parfait et en confondant souvent leurs limites.

102. Définition essentielle ; physique, métaphysique ou logique. La plus parfaite des définitions réelles, la seule même qui mérite pleinement le nom de définition, c'est la définition essentielle. Elle est physique ou métaphysique, suivant qu'elle détermine les éléments physiques ou métaphysiques de la chose. Ex. d'une définition physique L'homme est un être composé d'un corps et d'une âme. Ex. de définition métaphysique ou logique : L'homme est un animal raisonnable. Celle-ci, qui est le type de la définition scientifique, se fait, comme on le voit, par le genre prochain et la différence spécifique, qui sont de l'ordre logique ou abstrait et métaphysique, avant que. d'être de l'ordre physique ou réel. Parfois on réunit ces deux sortes de définitions, afin de les éclairer l'une par l'autre, et l'on dit par ex. : L'homme est un être raisonnable composé d'un corps et d'une âme. Le baptême est le sacrement de la régénération, qui s'administre par l'eau et les paroles appropriées.

103. Définitions imparfaites: extrinsèques ou intrinsèques. Mais il n'est pas toujours facile ou opportun de donner des définitions complètes et scientifiques. Il arrive donc qu'on ne désigne l'objet que par quelques-uns de ses principes intrinsèques ou extrinsèques, par quelques-unes de ses propriétés, de ses opérations, ou même

des circonstances de son apparition. Ex. : L'homme est un être intelligent (l'intelligence est un des principes essentiels de l'homme). L'homme est un être mortel (autre caractère de l'homme). C'est une créature de Dieu (définition par la cause). C'est un être qui a Dieu pour modèle et pour fin (définition par la cause finale). C'est le roi de la création (définition par les privilèges et le ministère). Ex. de définitions par les effets, les conditions, les occasions, etc. La douleur est ce qui nous arrache des soupirs et des larmes. La joie est ce que l'on éprouve lorsque le visage est naturellement riant.

[ocr errors]

104. Définition descriptive; définition génétique. La définition descriptive, quand elle embrasse les caractères essentiels de l'objet, équivaut à une définition scientifique, et de plus elle offre tous les avantages littéraires de la description. Il est difficile, par exemple, de mieux définir Dieu que ne l'a fait Racine dans ces beaux vers, qui sont une véritable description:

L'Eternel est son nom, le monde est son ouvrage ;

Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage,
Juge tous les mortels avec d'égales lois,

Et du haut de son trône interroge les rois.

On peut lui comparer la définition génétique des mathématiciens; elle équivaut à une définition essentielle et consiste à dire comment la chose dont il s'agit est produite ou peut se produire. Ex.: La ligne est engendrée par le mouvement d'un point; la superficie, par le mouvement d'une ligne ; la sphère, par la révolution d'un demi-cercle autour de son diamètre.

105. Définition vulgaire ; définition arbitraire. Réflexion sur la langue philosophique. Nous distinguerons encore la définition commune, vulgaire, et la définition arbitraire ou personnelle. La définition commune est celle qui est donnée et entendue généralement, elle est proposée dans les manuels et les dictionnaires. La définition arbitraire personnelle est celle que l'on choisit pour mieux

ou

expliquer son système ou sa pensée (1). Nombre de philosophes en ont abusé : ils se sont créé un langage artificiel, compliqué et obscur, même pour leurs disciples. C'est ainsi que les Allemands, à la suite de Kant, ont inventé un langage auprès duquel celui des scolastiques est d'une simplicité extrême, et qui, de plus, offre cet inconvénient, très grave, de varier d'un philosophe à un autre. En règle générale, le philosophe doit accepter les mots de la langue commune ; il doit ensuite n'attacher à ces mots que des sens qui leur appartiennent déjà ou qui dérivent des sens vulgaires et s'expliquent par eux (2). S'il est contraint de créer des expressions techniques, il doit le faire conformément à l'esprit de la langue et leur donner un sens précis. Mais autant que possible, il doit se servir du même langage que ses prédécesseurs. C'est ce qu'ont fait généralement les scolastiques. De là vient que la langue de nos anciens docteurs offre, en somme, peu d'expressions techniques et n'a point changé. Il nous est aussi facile de comprendre saint Thomas qu'à ses contemporains. Et non seulement ce langage n'est pas un embarras pour la pensée, mais il est un instrument précieux d'analyse philosophi

que.

Il est facile maintenant

106. Règles de la définition. de justifier les règles suivantes : 1o La définition doit être claire, plus claire que le défini. Elle doit, en effet, éclaircir l'idée et non pas l'obscurcir ni l'embarrasser. Par là se trouve condamnée l'abus des synonymes, des répétitions, le style prolixe et diffus. Il est rare que les défauts de

(1) En tant que la définition peut être choisie au gré de chacun, il n'y a pas de définition fausse, pas plus qu'il n'y a d'idée fausse. Nul n'est empêché d'appeler bien le mal et de couvrir la tyrannie du nom de liberté. Mais l'erreur, pour la définition, commence, quand on la compare à la définition reçue. Ainsi s'expliquent déjà, pour une part, tant de négations audacieuses, véritables défis jetés au sens commun. (2) C'est ainsi que le sens philosophique attaché par les scolastiques aux mots acte, puissance, matière, forme, se ramène assez bien au sens vulgaire ou s'en éclaire facilement.

« PoprzedniaDalej »