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distincte et complète ; enfin, s'il le comprenait tout entier, avec toutes ses pensées présentes et ses déterminations futures, il en aurait l'idée complète et adéquate. Mais Dieu seul connaît ainsi le cœur de tous les hommes: Novit solus cor omnium filiorum hominum (III Reg.). Tout au plus pouvons-nous connaître adéquatement certaines vérités abstraites, parce qu'elles sont d'une extrême simplicité, comme celle-ci : deux et deux font quatre (1).

70. Idées vraies, idées fausses. Nous pourrions distinguer ici les idées vraies et les idées fausses tout le monde, en effet, attribue la vérité et la fausseté aux idées. Mais, si l'on y réfléchit, l'on s'apercevra qu'aucune idée n'est fausse par elle-même : l'erreur, de même que la vérité formelle ou la certitude, n'est que dans le jugement. Cependant comme l'on entend bien souvent par les idées de quelqu'un ses pensées, sa manière de voir, de juger et de sentir, il s'ensuit que l'on peut sans inconséquence qualifier les idées de fausses. Il importe seulement de ne pas oublier que l'idée en elle-même n'implique pas d'erreur. Il serait plus juste de dire qu'elle est essentiellement vraie, car l'obscurité est toute dans son objet, et, selon le mot de Bossuet, « l'idée est ce qui représente la vérité de l'objet entendu » (V. no 199).

71. Idées identiques. Maintenant, si nous comparons les idées entre elles, nous trouverons qu'elles sont identiques ou non. Les idées identiques contiennent les mêmes notes; par conséquent elles ne diffèrent que logiquement: ainsi l'idée d'homme et celle d'animal raisonnable, l'idée de la cause première et celle de Dieu. Ensuite les idées peuvent être identiques partiellement ou totalement. Nous venons de donner des exemples d'identité totale ; l'idée

(1) Savons-nous, en effet, quelles merveilles on peut tirer de la simple dualité, du simple doublement des choses? Qu'on se souvienne seulement du corps humain et particulièrement du visage. Et si on ne le sait pas, est-il bien sûr qu'on ait l'idée adéquate, compréhensive de un et de un, de deux et de deux ?

de genre et l'idée d'espèce nous donnent l'exemple d'identité partielle ainsi l'idée d'homme est partiellement identique avec l'idée d'animal.

Plusieurs distinguent l'identité intrinsèque et l'identité extrinsèque. La première est celle que nous venons de faire connaître. La seconde aurait lieu lorsque deux idées exprimeraient le même objet sous diverses qualités ainsi l'idée de froid et l'idée de blanc seraient identiques, si elles se rapportent à un même objet, la neige, qui est blanche et froide. Mais nous ne saurions adopter cette division. D'abord on ne conçoit guère qu'une identité puisse être extrinsèque. Ensuite l'objet, du moins l'objet formel, ne peut être extrinsèque à l'idée qui l'exprime, car on ne conçoit pas l'idée sans cet objet, qui la spécifie. Après cela, il est vrai que deux idées, d'ailleurs diverses, peuvent se rapporter au même objet matériel par des voies différentes et s'identifier ainsi en quelque manière.

Quant aux idées qui ne sont pas identiques entre elles, elles sont simplement distinctes, ou différentes, ou diverses, selon que les objets exprimés par elles sont distincts par le nombre ou différents par l'espèce ou divers par le genre. (V. no 61).

72. Idées associées. A un autre point de vue, les idées sont dites associées, quand un lien les unit. Ainsi l'idée de fumée est associée à l'idée de feu, l'idée d'effet à celle de cause. Ce lien qui fait l'association peut être objectif ou subjectif, c'est-à-dire provenir de la nature même des choses, comme dans les exemples précédents, ou des dispositions et des antécédents du sujet. Ainsi, pour le fidèle, l'idée de la croix est liée à celle du sacrifice de JésusChrist; pour Pierre, l'idée du chant du coq était liée à celle de son reniement, et l'idée de celui-ci à celle de son repentir et de son pardon. Il n'y a pas d'idée qui ne puisse être associée, et de mille manières, de près ou de loin, avec toutes les autres. Tout se tient dans l'ordre des idées mieux encore que dans l'ordre des choses, et l'une des ressources

les plus précieuses de la pensée consiste précisément à saisir, à démêler avec ordre ces mille associations qui s'entre-croisent sans cesse dans l'imagination et dans l'esprit. Car les liens qui unissent les idées sont tour à tour sensibles et logiques, et ces derniers sont les plus forts. Quelles réflexions ne provoque pas chez le savant, chez le théologien, l'idée seule de Dieu, celle de la vie ou de la mort, etc.! Quelles comparaisons, quels sentiments ne sont pas liés, chez le poète, à la seule idée de la lumière ou de la foudre! Quels souvenirs ne réveille pas chez tous la vue des lieux où l'on est né, et de ceux où l'on a souffert, prié et espéré ! En vérité, la science et l'art consistent à découvrir les plus secrètes analogies et à bien assortir les idées. (V. no 863.)

73. Idées compatibles; idées opposées. Quatre sortes d'oppositions.— Les idées qui s'éveillent les unes les autres ne sont pas toujours compatibles entre elles, elles ne peuvent pas toujours convenir au même sujet et former ainsi une idée complexe. Par exemple, l'idée d'animal et celle d'oiseau sont compatibles entre elles; mais le cercle et le carré, la matière et la pensée, l'innocence et la malice ne le sont point; ces idées s'excluent, elles sont opposées. Comme on le voit, l'opposition des idées c'est plus que la diversité, c'est l'incompatibilité. Elle a lieu, quand deux idées ne peuvent entrer en une seule, s'appliquer simultanément à un même sujet.

Or cette opposition se rencontre de plusieurs manières : 1o Il y a l'opposition de contradiction (entre une chose et sa négation, l'être et le néant); 2o celle de privation (entre une chose due à un sujet et son absence par exemple entre la vue et la cécité, la santé et la maladie); 3o celle de contrariété (entre choses qui ne peuvent coexister dans un même sujet, comme le vice et la vertu, le noir et le blanc); 4o enfin, celle de relation, qui a lieu entre corrélatifs, comme entre le père et le fils.

74. Idées intuitives, abstractives; directes, réfléchies;

innées, adventices, factices. Enfin, au point de vue de leur origine, les idées sont intuitives ou abstractives, directes ou réfléchies, innées ou adventices ou factices. L'idée intuitive est celle qui est imprimée dans l'esprit par l'objet présent. Telle est la vue de Dieu pour les saints dans le ciel; telle est aussi la connaissance que nous avons de notre propre pensée. Comme exemple d'intuition sensible, on peut citer la vue de la lumière et des objets présents. L'idée abstractive est celle que nous avons d'une chose par une autre qui en est l'image ou l'expression : ainsi nous connaissons la cause par l'effet, et le feu par la fumée.

L'idée directe et l'idée réfléchie se définissent assez par elles-mêmes. Par la première l'objet se présente à l'esprit, il se montre ou même s'impose ; par la seconde l'esprit revient sur l'objet pour le mieux pénétrer. Si cet objet est l'esprit lui-même ou une autre partie de la personne, la réflexion est dite psychologique ou subjective. Si l'objet est étranger à la personne, la réflexion peut être dite ontologique. La réflexion psychologique prend le nom de conscience, si elle a pour objet les états présents de l'esprit.

Quant aux idées innées, nous verrons que leur existence est niée justement par les scolastiques : ce seraient des idées existant dans l'esprit dès l'origine et avant toute expérience. Les idées adventices, au contraire, sont le fruit de l'expérience, elles sont acquises: ainsi l'idée de la douleur, de la joie, de la société. Enfin les idées factices ne sont pas le fruit d'une observation, mais plutôt d'une création : ainsi les idées des animaux fabuleux et les autres fictions des poètes.

CHAPITRE IV

DES SIGNES, ET EN PARTICULIER DES TERMES

75. Le signe. Toute chose qui en fait connaître une autre est un signe (1). Si l'on accepte cette définition générale, l'idée elle-même est un signe, car elle manifeste son objet avant de se manifester elle-même (2). Ensuite la parole est le signe de l'idée, comme l'idée est le signe de la chose; elle se rapporte donc à la chose par le moyen de l'idée (3). Enfin l'écriture est le signe de la parole, et elle se rapporte elle aussi en définitive aux choses, mais par l'intermédiaire de la parole et de l'idée. On voit déjà par ces seuls exemples combien les signes sont nombreux et importants ils expriment les idées, et par les idées les choses; ils sont les liens essentiels de la société, car la première condition à remplir pour un être sociable c'est de communiquer avec ses semblables, c'est d'échanger avec eux ses pensées.

76. Signe formel, signe instrumental.

Au point de

(1)« Communiter possumus dicere signum quodcumque notum, in quo aliud cognoscatur. Et secundum hoc forma intelligibilis potest dici signum rei, quæ per ipsam cognoscitur. » (S. Th. Qq. disp. De cogn. scientiæ ang. a 4. ad. 4.)

(2) Si l'on accepte, au contraire, cette définition moins large du signe: «< id quod prius notum ducit in cognitionem alterius », l'idée se trouve exclue.

(3) « Vox significat immediate conceptum intellectus, quo mediante significat rem» (S. Th. Cg. 1. IV, c. 2). « Voces sunt signa intellectuum, et intellectus sunt rerum similitudines. Et sic patet quod voces referuntur ad res significandas, mediante conceptione intellectus >> (S. Th. Ia, q. 13, a. I. Ia 2æ, q. 25, a. 2).

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