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39. L'idée et ce qui l'accompagne l'appréhension. Il ne suffit pas de distinguer l'idée de l'image : il faut la distinguer encore des actes qui la précèdent, l'accompagnent ou la suivent, de tout ce qui l'implique ou la provoque sans se confondre avec elle.

Et d'abord l'idée se distingue de l'appréhension ou perception de l'esprit. Celle-ci est l'acte par lequel l'esprit perçoit, saisit, connaît son objet (apprehendere, saisir). Or l'idée n'est pas cet acte même de connaissance, mais le principe (idée impresse) ou le terme (idée expresse) de cet acte. Sans entrer ici dans plus d'explications, tous sentent déjà que l'idée nous frappe d'abord, qu'elle s'impose à nous, qu'elle tombe dans notre esprit, venant parfois nous ne savons d'où ; nous la souffrons, en quelque sorte. Mais tous sentent également que l'esprit ne reste pas inactif sous ce rayon intellectuel, il s'en éclaire aussitôt, il réagit, il conçoit de là l'idée qui est le terme de l'appréhension, et comme ce miroir intellectuel par lequel et dans lequel nous voyons intellectuellement toutes choses. C'est là ce verbe de l'esprit, qui nous sert à nous entretenir avec nous-mêmes. Ce verbe n'est point la parole que prononcent les lèvres ; ce n'est point la parole même imaginée, bien qu'il s'accompagne ordinairement de la parole imaginée c'est un verbe tout spirituel, une parole-idée. Si de Bonald l'avait bien compris, il aurait insisté, comme il l'a fait, sur l'extrême utilité de la parole pour la pensée, sans parler jamais d'une absolue nécessité.

40. Caractère de l'idée subjectivité et objectivité. L'idée est marquée d'un double caractère: elle est à la subjective et objective. Il est évident d'abord que, prise en elle-même, formellement, elle est un accident, un mode, une modification de l'esprit (conceptus formalis). Mais outre ce premier caractère, qui est subjectif, l'idée en a essentiellement un autre : elle exprime,elle manifeste quelque chose avant de se manifester elle-même ; en un mot, l'idée est objective (conceptus objectivus). Cela est si vrai

que souvent nous entendons par nos idées ce qu'elles expriment, et nous disons par exemple que nos desseins, nos projets, nos craintes se sont réalisés. C'est en ayant égard à cette objectivité des idées que saint Thomas, à la suite d'Aristote, a pu dire que l'âme humaine devient toutes choses en quelque manière (Anima fit quodam modo omnia), à savoir par la connaissance; car l'esprit n'est point borné par le sensible, il a des notions universelles, il connaît et s'assimile tout.

41. La notion. Le concept. Nous avons prononcé le mot de notion. Elle n'est autre chose que l'idée considérée dans son caractère objectif, c'est-à-dire en tant qu'elle exprime et manifeste quelque chose à l'esprit.

A son tour le concept, c'est l'idée en tant qu'elle est le fruit de l'appréhension de l'esprit et des autres actes qui s'y rapportent : l'attention, l'abstraction, la réflexion, la méditation, etc.

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42. L'attention. L'abstraction. L'attention est cet acte par lequel l'esprit s'attache à un objet de préférence aux autres. Par exemple, je considère dans une statue la tête; dans un écrit, le fond ou la forme; dans un paysage, le fleuve qui le traverse; sur ce fleuve, un bateau qui le sillonne. L'attention éclaircit les idées, les analyse, les divise, les multiplie.

Il en est de même de l'abstraction. Il y a deux sortes d'abstraction. La première, qui consiste à faire abstraction de..., se confond ou à peu près avec l'attention; elle résulte de ce que l'on considère une chose en négligeant les autres par exemple on remarque la couleur d'un fruit sans penser à la saveur. Mais l'abstraction proprement dite consiste à abstraire, c'est-à-dire à tirer l'universel du particulier, à généraliser, à considérer dans les individualités ce qu'elles ont de commun entre elles. Par exemple on considère dans Pierre l'humanité; dans tous les corps, la substance. Les sensualistes ne confondent que trop ces deux genres d'abstraction. La première est physique pour ainsi

dire; la deuxième seule est logique et scientifique ; c'est elle qui a pour fruit l'idée générale : abstraire, c'est déjà concevoir ou former l'idée (v. vocab.: Abstraction et 868).

43. Réfléchir, méditer, contempler, penser. L'abstraction est donc le point de départ des réflexions, des méditations, des contemplations, exercices supérieurs qui distinguent l'homme. Réfléchir, c'est revenir sur soi-même; quelquefois réfléchir est synonyme de faire attention, méditer. Méditer, c'est penser avec suite, avec quelque profondeur. Contempler, c'est considérer longuement, à loisir, plutôt pour goûter que pour apprendre. Enfin penser, c'est tour à tour abstraire, faire attention, réfléchir, etc. La pensée comprend tous les actes de l'esprit et même tous les actes supérieurs de la sensibilité, qui s'associent constamment aux actes de l'intelligence, comme imaginer, se souvenir d'une manière sensible. Cependant la pensée n'est pas un exercice quelconque de l'esprit et il ne suffit pas de lâcher les rênes à une imagination inquiète, pour mériter le titre de penseur. Penser, au dire de S. Thomas et de Richard de Saint-Victor, c'est considérer plusieurs choses pour en dégager une même vérité qui les éclaire toutes; penser, c'est faire l'unité dans son esprit (1). On voit dès lors quelle différence il y a du penseur au rêveur. 44. Autres sources des idées. Tous ces actes ou exercices sont les principales sources intérieures de nos idées. Mais il y a des sources extérieures, qui alimentent les premières. Nous voulons parler du merveilleux spectacle de la nature, de tout ce qui frappe nos sens extérieurs, de la parole de nos semblables, des écrits de nos devanciers, des traditions humaines et des révélations divines. En vérité, les idées ne sauraient manquer; mais c'est l'homme qui

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(1)« Cogitatio videtur pertinere ad multorum inspectionem, ex quibus aliquis colligere intendit unam simplicem veritatem. Unde sub cogitatione comprehendi possunt et perceptiones sensuum ad cognoscendum aliquos effectus, et imaginationes, et discursus rationis... » (2a 2, q. 180 a 3).

manque aux idées : il ne sait toujours les dégager, les définir, les éclairer et les classer (1). Essayons de le faire ici en quelque manière.

45. Idée positive; idée négative. En raison de leur objet, les idées sont positives ou négatives. Les premières expriment une réalité, une entité quelconque ainsi l'être, la lumière, la vie; les secondes expriment une absence ou une privation ainsi le néant, les ténèbres, le mal. Remarquons ici que l'idée peut être négative dans l'expression, quoiqu'elle soit positive dans son objet (ex. : l'infini, l'immortalité). Réciproquement, elle peut être positive dans l'expression, quoique négative dans son objet ex. : la mort, la cécité). Remarquons, en outre, que l'idée négative n'exprime pas une pure négation; car celle-ci ne se conçoit pas par elle-même : mais l'idée négative présente à l'esprit la réalité même qu'elle nie; il n'est permis de concevoir la négation que par l'affirmation. Il le faut bien, puisque le néant n'est rien en lui-même ; il ne peut être connu que par son opposé la mort n'est connue que par la vie; le mal, par le bien; l'infortune, par le bonheur. Cela n'empêche pas, sans doute, l'esprit de revenir ensuite de la négation à l'affirmation et de mieux connaître par exemple le prix du bien et de la fortune par l'expérience de la maladie. Mais le point de départ et la lumière de toutes nos connaissances, c'est toujours la réalité, le vrai et le bien.

46. Idée simple; idée composée. En raison de son objet encore, l'idée est simple ou composée, c'est-à-dire incomplexe ou complexe. La première ne se décompose pas, elle ne renferme qu'une seule note, un seul élément : ainsi l'idée d'être (2) L'idée composée, au contraire, renferme

(1) Voir, dans la Pensée contemporaine, 1re année, janv. 1904, Le monde des idées premiers éléments de la pensée. - V. aussi Ch. Charaux, De la Pensée et des éléments primitifs de la pensée, 1904.

(2) Locke regarde les idées de couleur, de saveur, etc., comme absolument simples. Il est vrai que les sensations qui sont l'objet de ces

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plusieurs éléments, elle peut toujours être soumise à quelque analyse ainsi l'idée d'homme et celle d'animal, qui renferment les idées de substance, de corps, de vie, de sensibilité, etc. Mais la plupart des scolastiques définissent autrement l'idée simple et l'idée composée. La première exprime un être essentiellement un, une seule essence (unum per se): ainsi l'idée d'homme, d'animal. La seconde exprime un être accidentellement un (unum per accidens) ainsi l'idée de savant (homme et science). On reconnaîtra que les scolastiques sont fondés à qualifier de simples les idées qui expriment des essences, elles-mêmes indivisibles.

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47. Idée géométrique ; idée pure. Nous distinguerons, avec les modernes, les idées géométriques et les idées pures. Les premières expriment implicitement ou explicitement une extension ainsi l'idée de triangle, d'ailleurs très distincte de l'imagination du triangle ; l'idée de la pierre, celles du son, du mouvement. Les idées pures n'expriment d'aucune manière l'étendue ainsi les idées de l'esprit, de la vie, de la perfection.

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48. Idée sensible; idée intellectuelle. La division précédente est expliquée encore par celle des idées en sensibles et intellectuelles. Au fond, toutes nos idées proprement dites, par là même qu'elles appartiennent à notre raison, sont intellectuelles (1). Seulement elles peuvent être plus ou moins abstraites de la matière, et, en ce sens, plus ou moins immatérielles, plus ou moins pures. Les unes sont abstraites de la matière individuelle seulement : ainsi les idées d'animal, de plante, de métal, tous les genres

idées ne se décomposent pas; mais les idées intellectueles que nous nous formons de la couleur, de la saveur, etc. comportent des genres, des différences et, par conséquent, une certaine analyse.

(1) On peut cependant donner le nom d'idées sensibles aux espèces sensibles (species sensibles), qui sont reçues dans les sens et par lesquelles l'homme et l'animal voient, entendent, sentent par tous les sens (V. vocab.: Espèce).

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