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qui, depuis la Renaissance, a été critiquée. Bacon et ceux qui se sont inspirés de son esprit ont rejeté le syllogisme, ou n'y ont vu qu'une induction déguisée ; à leurs yeux, la logique doit être toute matérielle, elle se borne à la théorie de l'induction et de la preuve expérimentale (Stuart Mill, Bain). D'autres, au contraire, ont maintenu la logique formelle d'Aristote; mais ils ont prétendu la corriger ou la compléter en quantifiant le prédicat et en transformant ainsi la proposition en une sorte d'équation. En réalité, comme les précédents, ils n'ont pas compris la nature du syllogisme (Bentham, Hamilton). On les réfutera dans la suite de ce traité.

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29. Division de la logique. Place de la critique. Comme on vient de l'indiquer, la logique se divise donc en deux parties: la logique formelle, et la logique matérielle ou appliquée. La première, en effet, a pour objet les actes mêmes de l'esprit indépendamment de toute matière déterminée. Ces actes sont : l'appréhension, le jugement et le raisonnement. La deuxième s'applique à la vérité en général et aux moyens généraux de l'obtenir, qui sont les critériums et les méthodes. Par la première, l'esprit se met d'accord avec lui-même, il s'applique à reconnaître les conséquences légitimes par la seconde, il entreprend déjà de se mettre d'accord avec les objets, en déterminant les conditions de cet accord. Nous appelons la première Dialectique : ce nom marque son objet principal, qui est le raisonnement. Nous appelons la seconde Critique ce nom indique qu'elle traite principalement des critériums et des autres moyens généraux d'atteindre la vérité. Elle comprend donc la critériologie et la méthodologie.

Plusieurs séparent la critique ou du moins la critériologie (nommée aussi épistémologie) de la logique formelle, et n'en traitent qu'après la psychologie; ainsi fait l'école de Louvain. Mais cette séparation ne paraît pas justifiée. Car la critériologie ne traite pas des réalités ou de la vérité réelle, objective, comme le fait la psychologie : elle se

borne aux moyens de connaître la vérité et appartient ainsi à la logique, qu'on mutile et qu'on rapetisse en la lui arrachant. Sans doute il y a des avantages à traiter de la critériologie après la psychologie. Mais il y en a plus encore à traiter à fond de la psychologie après la critériologie. Rien n'empêche, d'ailleurs, de faire précéder celle-ci de quelques notions psychologiques. N'avonsnous pas déjà observé que toutes les parties essentielles de la philosophie s'impliquent de quelque manière les unes les autres? C'est ici le cas de répéter que « tout est dans tout »>.

30. Objections. - Répondons maintenant à quelques objections élevées contre cette manière d'entendre la logique.

1re Obj. Il semble d'abord que la logique n'est pas une science distincte. Car elle traite de toutes choses : des idées, du jugement, du raisonnement, de la vérité et des moyens de l'obtenir. Mais nous avons des idées de tout, nous jugeons de tout, nous raisonnons sur tout; ensuite la vérité n'a pas de limite et toute science doit l'atteindre. La logique n'est donc pas une science spéciale; mais elle se confond pour une partie ou pour l'autre avec chacune des sciences particulières auxquelles elle s'applique. On reconnaîtra tout au moins que la logique ne se distingue pas de la psychologie, qui, elle aussi, traite de la raison et de tous ses actes, et ne demeure étrangère à aucune loi de la pensée. - Voici la réponse :

Nous accor

31. La logique est une science distincte. dons que l'objet matériel de la logique, de même que tout objet de la philosophie, se confond avec celui des autres sciences. Il n'est pas de science, en effet, qui se désintéresse des idées, des jugements, des raisonnements, de la vérité, etc. Mais il nous suffit que l'objet formel de la logique soit distinct, c'est-à-dire qu'elle considère toutes choses à un point de vue particulier, en tant qu'elles sont des lumières de l'esprit, des moyens d'atteindre la vérité.

En ce qui concerne la psychologie, il est vrai qu'elle traite de la raison, de la mémoire, de la pensée, etc., mais elle en traite en tant que ce sont des réalités mentales, des facultés ou des actes de l'esprit, et non pas en tant que ce sont des moyens d'atteindre la vérité. La psychologie cherche les lois de la nature humaine et par conséquent les lois physiques de la pensée : la logique cherche les lois auxquelles doit se conformer l'esprit humain pour connaître la vérité. L'homme ne peut enfreindre les lois psychologiques de la pensée, elles sont absolument nécessaires, il les subit alors même qu'il les nie; mais il peut enfreindre les lois logiques de la pensée, par là même qu'il méconnaît leur légitimité (1).

2e Obj. Du moins la logique ne diffère pas de la grammaire, qui, elle aussi, traite des idées et des termes, des jugements et des propositions, du raisonnement et de son expression.

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32. Rapport de la logique et de la grammaire. Pour répondre, il suffit de remarquer que la grammaire s'occupe des idées, des jugements et des raisonnements par rapport à leurs expressions verbales et non pas en eux-mêmes. Sans doute la grammaire ne peut pas faire abstraction de toute logique; elle devient même très bien, avec d'habiles maîtres, une logique élémentaire et pratique, la seule accessible à l'enfant, et des plus fructueuses. Mais, au fond, la grammaire sera toujours la science de l'expression correcte. Qui confondra jamais les vérités grammaticales avec les vérités logiques? Le grammairien ne s'occupe de l'idée que pour l'expression, tandis que le logicien ne s'occupe de l'expression que pour l'idée. Ainsi le médecin s'occupe de l'âme en vue du corps, tandis que le psychologue et le moraliste s'occupent du corps en vue de l'âme. Après cela, il est bien évident que la médecine et la psychologie ou la morale sont deux sciences qui doivent se prêter

(1) C'est ce que Kant paraît avoir méconnu, selon une critique de M, Rabier. (Logique, Introd.)

un concours mutuel et incessant. L'alliance de la grammaire et de la logique n'est pas moins étroite, surtout si l'on songe que la grammaire est toujours fondée de quelque manière sur la logique; mais leur distinction est très nette. La grammaire exprime, et la logique démontre. Vient ensuite la rhétorique, qui persuade.

3e Obj. Cette objection nous est adressée par les partisans exclusifs de la logique expérimentale: A quoi bon, disent-ils, cette théorie du syllogisme, que l'homme pratique sans étude, et d'autant mieux qu'il y songe moins? A quoi bon ces considérations sur les méthodes, que l'homme a toujours employées avec succès avant de les justifier et de les définir? Ce qui importe, c'est d'étudier la logique en action, c'est de voir la raison humaine aux prises avec les problèmes scientifiques de toute nature, c'est de suivre les voies ouvertes dans tous les sens par les inventeurs. Voici la réponse :

33. Nécessité de la logique, science de la science et de la vérité. Sans contester l'utilité de la logique en action, nous maintenons qu'il faut étudier la logique en ellemême, surtout la logique générale : c'est-à-dire qu'il faut rentrer en soi-même ce que fait aussi la psychologie et se demander, en outre, pourquoi ses idées sont claires ou obscures, pourquoi ses raisonnements concluent ou ne concluent pas, pourquoi, l'on doute ou l'on affirme, pourquoi l'on est convaincu ou hésitant; il faut chercher, en un mot, toutes les conditions de la démonstration. Car il ne suffit pas de rencontrer la vérité : il faut encore savoir la reconnaître quand l'occasion nous l'amène, et la rechercher quand elle se dérobe; il faut surtout la retenir si elle échappe, et la défendre, si on l'attaque; bref, il faut savoir la conquérir, s'en rendre absolument maître et se l'approprier à jamais. Or, il n'y a que le logicien qui la possède de cette manière, car il connaît seul tous les titres de sa possession. Savoir le vrai, ce n'est pas assez ; il faut savoir encore la science elle-même, c'est-à-dire qu'à la

science du vrai il faut joindre la science formelle de la vérité (1).

33 bis. La logistique. La logique des sentiments. Nous ne pouvons clore ce chapitre sans dire un mot de la logistique et de la logique des sentiments, dont on a parlé beaucoup dans ces derniers temps.

Logistique. On appelle logistique la « logique algorithmique » ou symbolique, c'est-à-dire qui exprime tous les raisonnements par des symboles, analogues à ceux de l'algèbre. Un de ses maîtres la définit ainsi : « C'est une forme de logique dans laquelle les combinaisons et rapports des termes et des propositions sont représentés par des symboles, de telle manière que les règles du calcul peuvent être appliquées au raisonnement ». Mais c'est là une tentative impossible ou stérile.

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Impossible, si l'on prétend exprimer toutes les idées des signes proprement algébriques, mathématiques, qui ne peuvent représenter que des quantités où des rapports de quantité. Car les idées, de même que l'être, débordent la quantité de toutes parts. Ce mathématisme est insoutenable.

Stérile, si on parvient à varier les signes algébriques ou analogues autant que la parole humaine et à suppléer celle-ci de manière à exprimer comme elle toutes les idées et tous les rapports d'idées. Quelle utilité, en effet, peut-il y avoir à s'exprimer par des symboles au lieu de s'exprimer par des paroles ou des mots écrits? Sans doute les chiffres (1, 2, 3, etc.), remplacent avantageusement les mots (un, deux, trois, etc.), et sont les mêmes pour toutes les langues; mais ils n'ont rapport qu'à la numération et à la quantité. Essayez donc de remplacer chaque mot, chaque idée fondamentale par un symbole vous n'aurez qu'une écriture chinoise, où s'est endormi pendant longtemps l'esprit d'un grand peuple. La fameuse caractéristique de

(1) V. plus haut no 20, le texte de S. Augustin.

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