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excellent à déduire toutes les conséquences pernicieuses contenues dans de faux principes. On les voit édifier de vains systèmes, fort bien liés, très cohérents, sur des fondements ruineux et absurdes. Ils pensent mal, ils jugent mal, mais ils raisonnent juste, beaucoup mieux que ces esprits faibles et indécis qui reconnaissent tous les principes de la métaphysique, de la religion et de la morale chrétienne, mais reculent ou hésitent devant les conséquences les plus légitimes, les plus nécessaires, faute de pénétration ou de persévérance dans l'attention et la volonté. Bref, il en est des hommes comme des systèmes : les plus logiques ne sont pas toujours les meilleurs. On voit les pires d'entre les hommes disputer aux meilleurs le mérite de la logique : nul n'est plus logique, après les saints, que les grands scélérats. Tout cela s'explique par ce qui a été dit : la logique ne s'attache pas d'abord à la vérité en elle-même, mais à sa recherche et à la manière de l'obtenir.

Toutefois, nous ne vou

23. La logique et la vérité. drions pas opposer plus que de raison la logique à la vérité. Il est évident qu'en partant de faux principes pour arriver à des conclusions fausses, le logicien, même le plus scrupuleux d'ailleurs, pèche gravement contre la logique. On ne peut nier les principes de la métaphysique ou de la morale sans offenser ceux de la logique ; car ils sont impliqués les uns dans les autres, ils sont les mêmes, pour ainsi dire, sous une autre forme. Soit, par exemple, le principe de contradiction, qui, sous sa forme ontologique peut s'exprimer ainsi : Il n'y a pas de milieu entre être et n'être pas; il devient, sous sa forme logique : Il n'y a pas de milieu entre affirmer et nier. Toute logique avorte donc qui n'aboutit pas à une métaphysique vraie et à une morale pure. Et puis, on ne démontre que la vérité; et puisque la logique est la science de la démonstration, elle n'est parfaite qu'avec la vérité.

24. La logique est-elle une science ou un art? San

severino soutient qu'elle n'est qu'une science. D'autres pensent qu'elle est un art. Mais la plupart estiment qu'elle est également une science et un art, selon l'aspect sous lequel on la considère. C'est une science, car elle démontre, elle fait connaître son objet, c'est-à-dire les éléments de la pensée et les lois du raisonnement ; et c'est un art, car elle établit et fait appliquer les règles du raisonnement et de la méthode. En d'autres termes, la logique est une connaissance tour à tour spéculative et pratique; elle ressemble, sous ce rapport, à la grammaire, à la géométrie, à la médecine, etc. « On ne sait souvent quel nom donner à la plupart des connaissances où la spéculation se réunit à la pratique, dit à ce sujet un écrivain philosophe dont les doctrines d'ailleurs ne sont pas les nôtres, et l'on dispute, par exemple, tous les jours dans les écoles, si la logique est un art ou une science : le problème serait bientôt résolu, en répondant qu'elle est à la fois l'un et l'autre » (1).

25. Logique naturelle, logique artificielle. A considérer la manière dont la logique est acquise, elle est naturelle ou artificielle. La première est le fruit de la nature, et de l'expérience que tout homme fait nécessairement de sa raison. Elle suffit au commun pour trouver une foule de vérités nécessaires, surtout de l'ordre pratique. Dès les premières années de sa vie intellectuelle, l'enfant emploie, sans les remarquer, toutes les formes du raisonnement : l'induction et la déduction, les preuves par la cause, par les effets et par l'absurde. Il apprend vite à prévoir, à supposer, à vérifier, à éviter ce qu'il craint, à préparer ce qu'il espère, à soupçonner une multitude de choses qu'il ne voit pas. Or tout cela résulte de raisonnements incessants. Cette logique naturelle sert de fondement à la logique artificielle ou scientifique. Entre les deux il y a la même distinction et les mêmes rapports qu'entre le bon sens,

(1) D'ALEMBERT. Encyclopédie, Discours prélim.

qualité si précieuse, quoique réputée commune, et la science, qui y ajoute infiniment, mais ne le remplace pas.

Disons encore, pour employer une comparaison bien connue et fort juste, que la logique artificielle est à la naturelle ce que le télescope est à l'œil qui s'en sert. Le télescope agrandit merveilleusement la portée et le champ de la vue, mais il ne peut rien qu'avec l'organe auquel il faut l'accommoder.

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26. Nécessité de la logique scientifique. Cette comparaison justifie déjà la logique scientifique et en montre toute la nécessité. Ceux qui ont pu en douter n'ont songé qu'aux sophistes et aux abus de la dialectique. Il est certain que tout savoir dont on abuse se retourne contre la raison dont il procède : ainsi en est-il de la logique artificielle, qui peut se retourner contre le bon sens, cette logique de tous. Mais quoique le bon sens ou la logique naturelle doive juger en définitive de la logique scientifique, il n'en est pas moins vrai que le bon sens ne suffit pas.

Il ne suffit pas, sans un art profond du raisonnement, à découvrir ou à s'approprier ces vérités scientifiques, aujourd'hui innombrables, dont s'éclaire l'esprit humain. En philosophie, en théologie, en histoire, dans les mathématiques, dans l'étude de la nature, il faut recourir sans cesse à des moyens d'investigation et de critique, sans lesquels rien n'est approfondi.

Pour ne parler que de la philosophie et de la théologie, l'insuffisance du bon sens apparaît toutes les fois qu'il est mis aux prises avec des sophismes subtils, des raisonnements captieux. Ils ne séduiront pas un esprit sensé ; mais, pour bien s'en défendre, il faut les réfuter. Il est plus facile de dédaigner les vains systèmes que d'en montrer l'absurdité. D'ailleurs cette impuissance de donner la réplique à l'erreur offre plus d'un danger le bon sens réduit au silence et à la négation, peut à la fin, douter de lui-même (1).

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(1) Il semble que l'Apôtre ait en vue la nécessité de la réplique

Cette même logique, ingénieuse et exercée, qui nous permet de combattre avec succès les fausses théories, nous permet aussi de construire les systèmes véritables, d'assembler les vérités particulières en corps de doctrine, de les fortifier ainsi les unes par les autres. Sans une logique profonde, il n'y a pas de science parfaite.

Enfin l'on ne saurait s'étonner de la nécessité d'une logique savante, si l'on songe que c'est une loi générale pour la nature humaine d'être perfectionnée dans toutes. ses facultés par des exercices prolongés et des habitudes diverses. L'homme ne se suffit pas, comme l'animal, avec ses instincts; il ne naît pas et il ne devient pas naturellement ouvrier, savant, homme de bien; ses vertus et ses meilleures connaissances sont le fruit d'une volonté appliquée, d'une étude persévérante, d'un travail méthodique. Donc la faculté de raisonner doit être cultivée et perfectionnée comme les autres par un exercice convenable et une habitude distincte. La méthode, le raisonnement scientifique, la logique artificielle, en un mot, est un instrument nécessaire et puissant au service de la raison. Prétendre que l'homme se suffit avec le bon sens, c'est dire qu'il se suffit en face de l'univers avec ses deux mains, qui sont les premiers organes. Celles-ci doivent chercher des auxiliaires dans les machines et autres instruments. C'est grâce à eux que le génie de l'homme règne sur la nature, élève des monuments, jette des ponts sur les fleuves et lance des vaisseaux sur l'océan. Ainsi fait-il avec la logique, quand il crée les sciences.

27. Erreur d'A. Comte. On voit donc l'erreur d'A. Comte, qui ne regarde comme possible et utile qu'une certaine logique appliquée, celle qui se confond avec l'étude des théories scientifiques (1). Mais la logique est un

savante et l'ait prisée autant que la prédication elle-même, dont il ne la sépare pas: «Ut potens sit exhortari in doctrina sana, et eos qui contradicunt arguere. Sunt enim multi... quos oportet redargui »> (Epist. ad Tit. I, 9-11).

(1) « Regardant toutes les théories scientifiques comme autant

instrument général de connaissance et il importe de l'étudier elle-même avant de s'en servir. D'ailleurs nous convenons que chaque science a sa logique particulière, qui ne s'apprend bien que par l'usage. C'est ainsi que, outre des instruments indispensables à toute profession mécanique, chacune a les siens propres. Chaque science a de même, outre une méthode commune, ses procédés particuliers d'invention et d'application, qui doivent être familiers aux spécialistes. Mais ces observations ne diminuent en rien l'importance d'une logique scientifique et générale.

28. La logique d'Aristote. Cette importance, d'ailleurs, n'a guère été méconnue. Socrate et Platon avaient fait le même éloge de la dialectique. Saint Augustin n'est pas moins explicite. En fondant toutes ses espérances sur sa méthode, Descartes lui-même fait de la logique la première des sciences. Mais celui qui, sans contredit, a le plus fait pour la logique est Aristote (1). Au dire de Kant, non seulement il a fondé la logique, mais encore il l'a construite et achevée si bien qu'on n'y a rien ajouté depuis. Nous ne parlons ici, bien entendu, que de la logique formelle, celle qui consiste dans la théorie des idées, des jugements et des raisonnements. On la trouve dans les cinq livres du philosophe intitulés : Des Prédicaments; - De l'Inter prétation. Des Analytiques. Des Topiques. Des Sophismes. Les Stoïciens les ont réunis sous le nom général d'Organon ou instrument.

Les scolastiques ont suivi et commenté cette doctrine

de grands faits logiques, c'est uniquement par l'observation approfondie de ces faits qu'on peut s'élever à la connaissance des lois logiques... La méthode n'est pas susceptible d'être étudiée séparément des recherches où elle est employée; ou du moins, ce n'est là qu'une étude morte, incapable de féconder l'esprit qui s'y livre. » (Cours de phil. posit. I, p. 30 et 34.)

(1) «Je tiens, dit Leibniz, que l'invention de la forme des syllogismes est une des plus belles de l'esprit humain, et même des plus considérables. C'est une espèce de mathématique universelle... ; un art d'infaillibilité y est contenu ». (Nouveaux Essais.)

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