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le 23 septembre, l'État noble demande qu'on n'élise plus dans les communautés religieuses que des sujets liégeois, et, le lendemain, le Tiers-État réclame pour qu'on ne procède plus aux élections sans le consentement préalable des États. Le 15, l'État primaire, ou ce qui restait des chanoines à Liége, abonde dans le même sens. Mais les moniales d'Herckenrode n'entendaient pas sacrifier leur vocation cistercienne. Elles protestèrent auprès du nonce contre l'atteinte portée à leur droit de libre élection. L'Ordre équestre ne désarma point. Le 6 octobre, il envoyait à Herckenrode le comte de Berlo pour amener les religieuses à solliciter leur sécularisation. Trois ou quatre seulement entrèrent dans ses vues. Mais le projet poursuivi par l'État noble échoua. C'est en vain qu'il arrangea le « Plan d'un nouveau chapitre de Dames nobles chanoinesses séculières à ériger avec les fonds et revenus de l'abbaye d'Herckenrode ». Profitant du retour du prince-évêque de Velbruck à Liége et du revirement qui s'était produit dans les esprits, les religieuses procédèrent à l'élection d'une nouvelle abbesse le 10 février 1791 1.

En 1720 les velléités de sécularisation qui s'étaient manifestées au prieuré des chanoines-réguliers de Beaufays 2, inquiétèrent les membres du chapitre de St-Lambert. Dans les séances des 8, 11 et 31 janvier et 24 avril on discuta cette affaire 3. On l'étouffa, parce que le chapitre n'avait aucun intérêt à voir transformer cette maison peu importante en collégiale. On avait agi dans le même sens, lorsqu'il avait été question en 1712 d'unir la cure de Meeffe au prieuré dépendant de l'abbaye de St-Laurent, et quand celle-ci songea à y mettre six moines, et peut-être à le transformer en abbaye, le chapitre s'était hâté de décider qu'on écrirait au Prince pour le prémunir, en l'avertissant du préjudice qui en pouvait résulter pour la juridiction épiscopale 4.

Après Beaufays, ce fut la grande abbaye de Saint-Trond qui occupa l'opinion publique. En 1788 des bruits alarmants coururent sur son compte, et, le 23 novembre de cette année, le nonce de Cologne en avertissait le cardinal Buoncompagni, secrétaire d'État. La lettre du nonce laisse deviner d'où partaient ces rumeurs et qui avait intérêt à les répandre dans le public. On y retrouve

1. Polyd. Daniels. Le projet de sécularisation de Herckenrode au XVIII® s. (L'Ancien Pays de Looz, XIII, 1909 p. 41-44).

2. Auj. commune du canton de Louveigné (arr. de Liége).

3. Archives de l'État Liége. Décisions capitul. de St-Lambert. Vol. 177. p. 298

302, 319, 389.

4. Décisions capitul. vol. 175, p. 16.

la tactique qu'avait suivie au XVIe siècle l'évêque Ernest de Bavière pour en finir avec les conflits qui mettaient aux prises l'abbé et le prince-évêque dans l'administration de la ville de Saint-Trond: ériger une nouvelle collégiale séculière. Les revenus des abbayes tentaient l'évêque de Liége, comme ils avaient séduit d'autres chefs de diocèses. Si, pour doter les nouveaux sièges épiscopaux en Belgique, on avait dû recourir à l'union parfois malheureuse de certains monastères aux menses épiscopales et faire des évêques les supérieurs ordinaires de ces monastères, les raisons invoquées en cette circonstance n'existaient pas pour Liége, où abondaient les églises collégiales. Le prince-évêque Ernest de Bavière avait jeté son dévolu sur Saint-Trond et sur Stavelot : c'était pour lui un moyen de réparer le dommage que lui avait causé le démembrement de son diocèse. Naturellement les moines de St-Trond avaient fait opposition dès 1585; ils revinrent à la charge, quand Ernest de Bavière eut renouvelé ses instances à Rome. Trouver des motifs plus ou moins plausibles pour essayer d'amener la curie romaine aux idées du prince-évêque, n'était pas chose trop malaisée. L'union de l'abbaye à l'évêché devait faire cesser le dualisme dans la souveraineté temporelle de la ville, procurer à l'évêque des ressources suffisantes pour combattre l'hérésie et mettre les moines à l'abri de tout souci matériel. Saint-Trond avait alors à sa tête un abbé de haute valeur, Léonard Betten, et celui-ci, qui avait plus à cœur le bien spirituel de son abbaye que la conservation de ses droits traditionnels, sut cependant les défendre contre les convoitises d'Ernest de Bavière, et assurer la discipline monastique en unissant son monastère à la puissante congrégation de Bursfeld 3.

L'introduction de la réforme lorraine en 1618 à l'abbaye de St-Hubert permet de saisir sur le vif la position prise par les évêques de Liége dans leurs relations avec les ordres religieux. Réformer tant qu'on veut, mais à condition qu'il ne soit nullement question de créer une congrégation indépendante ou de s'affilier à une congrégation jouissant du droit d'exemption 4.

1. Archives Vaticanes, Nonciature de Cologne, vol. 5, pièce 3: Informatione per l'Illmo et Rmo sign. Cardinale Aldobrandino sopra i particolari dimandati a Nro Sig. del Sermo Sign. Elettore di Colonia come Vescovo et Principe di Liegi, ff. 19-20v. 2. Ib., p. 337-338.

3. G. Simenon. L'organisation économique de l'abbaye de St-Trond. Bruxelles, 1913, p. 336-338.

4. D. U. Berlière. La Congrégation bénédictine de la Présentation Notre-Dame (Revue bénédictine, t. XIII, 1896, p. 258-267, 348-358, 401-411; Mélanges d'histoire bénédictine. Maredsous, 1897, p. 124-155.)

Même conflit en 1639 à l'abbaye de St-Trond, où le prince et le chapitre de Liége ordonnent de conférer au nouvel abbé, D. Hubert de Sutendael, la bénédiction auctoritate ordinaria, et où le nonce ordonne de procéder en vertu des bulles pontificales 1.

En juillet et août 1710 le nonce fit la visite canonique de St-Trond. L'évêque de Liége, de son côté, envoya en octobre deux chanoines pour procéder à une autre visite, d'où protestation des moines auprès du nonce 2.

L'assaut du côté de Liége fut donné de nouveau en 1788; on tenta d'égarer l'opinion, en essayant de faire croire que la demande de sécularisation émanait de l'abbaye de St-Trond elle-même.

« Depuis quelque temps, écrit le nonce, le bruit s'est répandu à Liége que les moines de Saint-Trond sont en instance à Rome et près du Synode pour obtenir la suppression de leur monastère et leur sécularisation personnelle. L'abbé de St-Trond s'étant grandement alarmé de cette rumeur, manifesta le désir de me rencontrer à Liége et de m'entretenir de vive voix de cette affaire. Toutefois comme son grand âge ne lui permettait pas de se rendre à Liége, il me pria de pousser une pointe jusque Saint-Trond. Je le fis; de son côté l'abbé me reçut avec les plus grands égards. Il me représenta que son monastère avait été fondé au VIIe siècle par S. Trond, que la discipline y est florissante et que l'administration économique est mise sur le meilleur pied. Il en concluait que supprimer son monastère, ce serait anéantir un des monastères de Germanie les plus illustres par son antiquité, sans aucune des raisons qui rendent parfois nécessaire et canonique la suppression d'une maison religieuse. Lorsque j'insistai pour connaître les raisons invoquées en faveur d'une pareille démarche, il me répondit qu'elles se réduisaient à deux, l'une qui était de mettre fin une fois pour toutes aux discussions existantes entre l'évêque de Liége et l'abbé de St-Trond sur le « condominium » dans la ville et ses annexes, l'autre qui était de constituer à l'aide du monastère une collégiale séculière bien dotée. Les raisons, ajoutait-il, sont manifestement frivoles, puisque, relativement à la première, le litige avait été tranché par les décisions du Conseil aulique de Vienne, dont il me remit une copie imprimée, et, pour la seconde, il y avait lieu de remarquer que la principauté de Liége avait déjà trop de collégiales pour qu'il fût nécessaire d'en accroître le

1. Archives du Vatican. Nonciature de Cologne, vol. 19, actes de 1639.

2. Nonciat. de Cologne, vol. 96, lettre du 8 février.

nombre, et ce d'autant plus, que dans la ville de St-Trond ellemême, il existe une collégiale de chanoines séculiers dite de NotreDame. Aussi l'abbé de Saint-Trond m'a-t-il prié de solliciter de Sa Sainteté la conservation d'un monastère, dont la suppression servirait de prétexte à la régence de Bruxelles pour mettre à exécution son dessein de supprimer les maisons religieuses et donnerait l'alarme aux autres monastères de la principauté de Liége. Il termina en disant que mon intervention était d'autant plus nécessaire, qu'il avait des raisons très fortes de croire que le Synode de Liége avait secondé avec trop de facilité et peut-être même fomenté le projet de suppression sans me compromettre. J'offris mes bons offices à l'abbé qui montre beaucoup d'attachement au Saint-Siége, et qui se prévaut très oportunément de cette part de supériorité territoriale dont il jouit pour soutenir les droits de son monastère, protégeant par son exemple les autres communautés plus faibles 1».

A la suite de cette visite on vit paraître dans le Journal historique et littéraire du 1er décembre 1788 (p. 540-542), l'entrefilet suivant dont la source n'était pas difficile à deviner :

<< Saint-Trond (le 16 novembre). Au bruit qu'on avait répandu dans les Pays-Bas d'une prétendue circulaire de Sa Sainteté pour le dénombrement des religieux, se réunit la nouvelle de la suppression de l'abbaye de cette ville. Ce qui a donné cours à ce conte, c'est une visite, dont Son Exc. Mgr le comte de Zondadari, nonce de Bruxelles, réfugié à Liége, vient d'honorer cette abbaye avec Son Exc. Mgr Pacca, nonce de Cologne, qui était venu voir son collègue. L'hospitalité, dont le premier avait été accueilli lors de son expulsion de Bruxelles, méritait de sa part ce témoignage d'affection et de reconnaissance ; mais que n'en ont pas inféré de là des gens infectés de l'épidémie des suppressions? Ils ont divulgué d'un air triomphant que cette abbaye allait être convertie en chapitre, à l'instar de celles de St-Jacques et de St-Gilles.

Déjà les neveux comptaient sur les coadjutoreries et sur l'héritage de leurs oncles, dont les canonicats devaient rapporter de 4 à 5 mille florins. Quelle charmante perspective pour la calculante cupidité! Mais elle n'est qu'imaginaire; car on sait, d'une part, que c'est faire injure à M. l'abbé et à ses religieux, de leur supposer de pareils desseins, et d'autre part, nous avons des preuves de fait, qui démontrent jusqu'à l'évidence combien leurs Exc. répugnent à toute idée de sécularisation. On peut donc assurer que ces bruits

1. Nonciature de Cologne. Vol. 199 ^.

sont absolument controuvés. Et n'y aurait-il pas de l'ingratitude, et une mauvaise politique dans les délégués du Saint-Siège, de se priver d'une resssource toujours subsistante? Car ce ne fut pas dans des chapitres que les Grégoire, les Anselme, les Thomas de Cantorbéry, et tant d'autres illustres persécutés trouvèrent des asiles. Les individus qui les composent, isolés et séparés d'intérêts entre eux, ne visent qu'à leur propre bien-être. De l'aveu même des philosophes du jour, le pauvre, l'ouvrier, le cultivateur, le marchand, l'homme d'épée et d'État ne trouveraient pas dans les chapitres le centième des ressources qu'offrent constamment les abbayes. Qu'on ne parle donc plus de sécularisation; mais qu'on fasse revivre dans certaines maisons, qu'on nomme cabarets à clocher, l'esprit de St. Benoît et de St. Bernard; qu'on ramène la vie canoniale à l'état primitif, où St. Augustin l'avait instituée ; alors tout rentrera dans l'ordre, et la religion refleurira. Car n'est-ce pas de ces métamorphoses de cloîtres en chapitres, et de mauvais moines en plus mauvais chanoines, que les relâchements sont introduits ? »

L'abbaye de St-Trond échappa aux menaces liégeoises, et, quand la Révolution française mit une fin forcée à son existence, cette fin fut digne de son passé séculaire.

Mais, peu de temps après, à la veille presque de la catastrophe qui allait emporter tout un monde, un autre monastère, de peu d'importance, il est vrai, celui des Cisterciens de Saint-Remy près de Rochefort, donnait le triste spectacle de la sécularisation. Les documents nous manquent pour remonter aux origines de la défection et en suivre les phases. Lors de la sécularisation en 1792, l'abbaye ne comptait que neuf moines; ils n'eurent pas le temps de jouir de leurs prébendes '.

§ 4. Vente de la bibliothèque de St-Jacques.

L'abbaye de St-Jacques possédait une riche collection de manuscrits, constituée par le zèle de ses copistes, par des dons importants et par des achats. Qu'allait-elle devenir après la sécularisation des religieux? L'intérêt de ceux-ci pour les traditions du passé était nul. N'avait-on pas vu l'abbé Pierre Renotte vendre à la ville de Liége, qui les employa à la construction du pont d'Amercœur, des pierres tombales, enlevées du pavé de l'église par son prédécesseur ?

1. Annales de la Soc. archéol, de Namur, t. III, p. 308: Berlière. Monasticon belge, t. 1, p. 91, 177.

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