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manuscrit d'Autun qui associe les deux morceaux certifie implicitement leur origine commune 1.

J'hésite à considérer un autre aspect de mon sujet, le plus apparent peut-être, celui qu'évoquent l'un près de l'autre les noms de Lazare et d'Autun. Certains lecteurs confiants voudront voir dans ce rapprochement une relation de droit. J'avoue tout de suite que les notes d'histoire littéraire qui précèdent rendent d'avance inutile, à mon sens, ce surcroît de curiosité. Mais je n'esquiverai pas pour cela la question, s'il est vrai qu'étant délicate elle risque de recevoir une réponse contraire à la vérité.

L'Église d'Autun est placée sous le vocable de saint Lazare et s'honore de posséder ses principales reliques. L'opinion dite traditionnelle, défendue de nos jours encore par des personnes bien intentionnées, est que le corps de l'ami du Sauveur fut transféré de Marseille en Bourgogne, à part le chef, lors de l'invasion des Sarrasins, probablement par Gérard de Roussillon, comte de Provence » et fondateur de Vézelay en 860 2. Les légendes provençales admises, cette explication peut paraître, en effet, satisfaisante. Par une revue attentive de l'histoire, Mgr Duchesne n'a pas eu de peine à montrer qu'il n'y a trace, nulle part en Occident, d'un culte spécial rendu aux saints de Béthanie avant le milieu du XIe siècle 3; il s'est en outre appliqué à rendre compte des ⚫ traditions> parallèles qui se sont formées peu à peu en Bourgogne ou en Provence dans le cours du moyen âge 4. Pour Autun, il y avait peu de chose à dire : « au commencement du XIIe siècle on se figura... que le tombeau de saint Lazare devait se trouver dans la cathédrale, dédiée jusque-là à saint Nazaire; on releva, en 1147, et on transféra solennellement des restes qui furent considérés comme ceux du Ressuscité... » 5 C'est, en fait, grâce au récit de

1. Il resterait à examiner s'il ne convient pas de rendre à Paulin d'autres poèmes analogues qui se rencontrent dans les mêmes collections générales. en particulier les Versus de Iudit et Holoferne et ceux de Enoch et Helia.

2. Cf. M. M. Sicard, Sainte Marie-Madeleine, Paris [1910], II, p. 153, 176 sq. 3. Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, I, 2o éd., 1907, p. 328, 357 sq.

4. Ib., p. 321-359 : « La légende de sainte Marie-Madeleine ».

5. Ib., p. 359; et cf. p. 338 sq., pour le détail des faits. Ce détail, pourtant, aurait pu être plus abondant, et la référence à a Honorius, écolâtre d'Autun vers le commencement du XIIe siècle » est sans doute malheureuse. Il est certain désormais que le mystérieux « Honorius Augustodunensis », lequel était peut-être Scot d'origine et vraisemblablement reclus par profession, vécut dans l'Allemagne méridionale, proche de Ratisbonne, pendant le second quart du XIIe siècle. Ses ceuvres ne peuvent plus être alléguées tant qu'il s'agit de l'histoire de la France à laquelle elles restent complètement étrangères. Voir sur ce personnage deux dissertations qui se complètent : J. von Kelle, Untersuchungen über den nicht nachweisbaren Honorius Augustodunensis ecclesiae presbiter et scholas

I

cette translation de 1147 que l'historien prend contact avec les reliques d'Autun; ce qui se passa ou ce qu'on pensa antérieurement, il doit se résigner à l'ignorer, faute d'informations suffisantes 2.

ticus und die ihm zugeschriebenen Werke, Wien 1906, 27 p. (Sitzungsberichte de l'Académie, t. CLII, no 2); J. A. Endres, Honorius Augustodunensis: Beitrag zur Geschichte des geistigen Lebens im 12 Jahrhundert, Kempten 1906, XII-159 p. Endres a raison, je crois, pour la question littéraire, dans sa querelle avec v. Kelle; la majorité des écrits que nous possédons sous le nom d'Honorius lui appartiennent réellement. Mais les deux auteurs sont d'accord à propos des circonstances historiques. Kelle établit pertinemment que le dit Honorius n'a rien à voir avec l'Église d'Autun et qu'on l'y a toujours ignoré, jusqu'au XVIIe siècle à tout le moins. La solution préconisée par Endres est très plausible: le reclus polygraphe aurait abrité sa science sous un pseudonyme.

1. Publié par Faillon, Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence, II, 1848, p. 715-724.

2. Il est toutefois possible de tirer parti des renseignements relatifs au titre de la Cathédrale. D'après les rédacteurs du Gallia Christiana (IV, 1728, 343), l'église SaintNazaire aurait été construite par l'évêque Nectaire en 542, pour recevoir des reliques rapportées de Milan. Je ne sais si l'on peut établir la vérité de ce fait. Mais le culte de saint Nazaire il s'agit bien du martyr milanais et de Celse son compagnon, malgré une confusion de Grégoire de Tours - était répandu dans les Gaules à la fin du VIe siècle : la basilique de Saint-Nazaire à Bordeaux est chantée par Fortunat I, 10; celle de Nantes est connue de Grégoire de Tours (Gloria martyrum, 60), qui atteste aussi la présence de reliques à Embrun (ib., 46). Saint-Nazaire d'Autun est, à tout le moins, antérieur à 696, d'après le testament de l'évêque Ansbert (Gallia, ib., Instr., c. 43). Passons à l'époque critique; le Cartulaire de l'Église d'Autun fournit d'excellentes données (voir l'édition d'A. de Charmasse, Première et deuxième parties, Autun 1865): en 1096, mention du convent des chanoines « beati martyris Nazarii » (I, 1: privilège d'Urbain II) ; en 1113, charte datée du 13 août, au cours de laquelle le nom de « Saint-Nazaire est plusieurs fois rappelé (I, 12); en 1116 (14 mars), privilège de Pascal II, approuvant une donation de l'église « de Saint-Lazare d'Avallon », faite à l'église d'Autun par l'évêque Étienne de Bagé (I, 3); en 1132 (26 février), privilège d'Innocent II pour confirmer la possession d'un terrain concédé par le duc de Bourgogne Hugues II« in qua beati Lazari ecclesia sita est» ; le même acte reconnaît les biens «quae ad ius ecclesiarum beatorum Nazarii et Lazari pertinent » (I, 4). Voilà donc enfin les deux cathédrales associées et non moins distinguées. L'église « Saint-Ladre », où les chanoines ne s'installèrent qu'en 1195, sans d'ailleurs abandonner complètement Saint-Nazaire (voir le curieux règlement du cardinal Melior, Cartulaire, II, 1900, 29), aurait été commencée au temps du duc Robert I (1032-1075), d'apres H. de Fontenay (Congrès scientifique de France, Autun 1877, p. 56); on admet plutôt maintenant que la construction fut entreprise vers 1120 (cf. M. Pellechet, Notes sur les livres liturgiques des diocèses d'Autun, Chalon et Mâcon, 1883, p. 14, v. 2: résumant les articles de Devoucoux et de Pitra, dans les Mémoires de la société éduenne, VII, 193 et VIII, 333). Le pape Innocent II accomplit lui-même les cérémonies de la dédicace au cours de son voyage en France (septembre 1130-mars 1132,cf.Jaffé-Wattenbach, Regesta pontificum romanorum, I, 1885, p. 844 ss.). Je ne vois pas qu'on s'entende au sujet de la date; ne serait-ce pas le 28 décembre 1130? (Innocent se fit couronner à Autun le jour de Noël de cette année 1130, cf. Jaffé, ib.. p. 845). Gagnare (Histoire de l'Église d'Autun, 1774. p. 314 sq.) explique que SaintLadre est la réalisation d'une pensée du duc Hugues 11 (1102-1142), qui avait dessein d'en faire une sorte de chapelle palatine; les chanoines ne s'y installèrent, en effet, qu'après le départ des ducs pour Dijon. Il ressort de tout ceci que l'invention des reliques, précédant la célèbre « Révélace » du 20 octobre 1147, prit place quelques années avant 1130, presque soudainement et, en tout cas, sans bruit. Saint-Ladre d'Avallon existait déjà. On peut se demander si le culte professé à Avallon au commencement du XIIe siècle ne donne pas raison de celui qui s'établit à Autun un peu plus tard.

Nous n'avons point ici à rouvrir le débat, mais à constater seulement que les Versus de Lazaro, recueillis dans un volume du Chapitre d'Autun qui remonte à la fin du IXe siècle, ne dépassent pas la lettre de l'Évangile.

Paulin d'Aquilée, évidemment, n'a pas eu la moindre idée que la survie de Lazare ait eu quelque prolongement en Gaule. Mais le copiste lui-même ni aucun lecteur ancien, c'est-à-dire personne en la cité d'Autun, à l'ombre de la cathédrale, n'a songé à manifester, ne fût-ce que d'un mot dans le titre, par l'épithète beato par exemple, l'intérêt que ce poème devait exciter chez des hommes attachés à la mémoire d'un saint patron. L'argument tiré du silence se trouve singulièrement renforcé pour la date à laquelle correspond la transcription de notre texte. Il n'est d'aucune façon vraisemblable que le culte de Lazare de Béthanie ait été célébré vers l'an 900 à Autun, ni qu'ait eu lieu quarante années plus tôt, en la cathédrale, la translation dont on voudrait charger Girard de Roussillon. On peut dire, en revanche, qu'une pièce de ce genre, surtout si elle a joui de quelque diffusion, a contribué à rendre son héros populaire. En ce sens fort limité, les Versus ne sont peut-être pas étrangers au succès de la légende; ils en auront favorisé l'éclosion, en créant un état d'esprit.

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Le manuscrit 29 de la Bibliothèque municipale d'Autun est un volume de 148 feuillets (280 x 185) qui provient de l'ancien Chapitre et me paraît avoir été composé vers l'an 900 par plusieurs mains 2.

1. Cf. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, I. 1849, p. 19 (notice de Libri). L'inventaire de 1909 attribue à ce manuscrit le no 31. Il est préférable, je crois, de retenir la cote de Libri, qui se confond, en réalité, avec celle d'avant la Révolution. Chargé en 1846 de cataloguer les manuscrits rassemblés au Séminaire d'Autun, Libri se trouva en présence d'une série continue de 153 volumes qu'il crut pouvoir remployer. C'était le fonds même de l'ancien Chapitre, classé en 1789 par le chanoine Legouz, bibliothécaire. Mais, parfois, Libri a mal lu les étiquettes, ou bien les chiffres étaient effacés; en outre, quelques manuscrits avaient été joints à la collection du Séminaire, qui ne provenaient pas du Chapitre. De là, dans la liste de 1846, plusieurs changements et un petit nombre d'insertions. Par exemple notre manuscrit 29 a reçu deux doublets: 29* et 29a; le premier, devenu 32 en 1909, est le no 149 de Legouz ; l'autre, devenu de même 33 et d'ailleurs en déficit, n'avait pas appartenu au Chapitie. C'est tout le secret du classement de Libri à Autun, classement qui a dérouté plus d'un chercheur. M. Charles Boëll a bien voulu me communiquer le détail complet de cette opération, qu'il vaudrait la peine de rendre public. On reconstituerait ainsi d'une manière sûre l'ancienne bibliothèque du Chapitre.

2. La partie principale, jusqu'au milieu de f. 98 v, a été écrite d'un trait par le même copiste, excepté f. 4v-5 et f. 16 v. La suite est fort mêlée; huit ou dix copistes peuvent y avoir collaboré. Toute la fin, qui nous intéresse le plus (f. 133-148), est une belle calligraphie de la dernière période du IXe siècle ou du commencement du siècle suivant, A noter f. 89 v un essai de plume, contemporain de la transcription: «Dilectum in

Revue Bénédictine.

Il renferme l'Exposition de Bède, en quatre livres, sur l'Évangile de saint Marc 1, puis les deux poèmes. Libri, qui ne mentionne pas les poèmes, le déclare « incomplet », sans préciser. Probablement, un feuillet de garde a disparu qui portait le titre de la collection; un feuillet supplémentaire a dû être enlevé de même, à la fin, nous privant des dernières strophes de « l'Histoire de Joseph ». Mais, pour le reste, l'ordonnance des cahiers est intacte 2, à part ceci que l'ultime a souffert un peu des entreprises du relieur au XVe siècle. Il faut rétablir cette suite:

147 145 141 142

On lit dès lors :

143 144 146 148

f. 1: Incipit prologus [................................] in libro commentariorum super marcum (en onciales rouges). « In expositionem....» (Cf. P. L. XC1, 131 D).

f. I v-3 v une liste de XLVI « capitula » (omise par l'édition); puis le texte de P. L., 133: en marge reparaissent les chiffres des sections bibliques; les passages de l'Évangile qui servent de base au commentaire sont reproduits en onciales d'un rouge très clair. f. 141 r ... ut liberi contemplentur formam dei. » Finit. Explicit expositio in euangelium marci libri IIII beda famulus] Xpi presbt. deo laudes amen (de même en onciales rouges). – Incipit uersus de Lazaro... « Fuit domini dilectus... »

...

f. 146 r: < mittas ad caelestia » Finit uersus de Lazaro. Incipit uersus de Ioseph. « Tercio in flore mundus adhuc cum pubesceret...> 3

Les autres témoins du texte sont suffisamment connus. Mais il est nécessaire de voir comment ils le représentent, en regard du manuscrit d'Autun. Je les inscris tous dans un tableau d'ensemble qui facilitera la lecture de l'apparatus; les parties du poème sont distinguées d'après l'appui variable qu'elles reçoivent des sept

concurrents :

Xpo et omni ueneracione recolendo ermenchi », et au bas de f. 139 v une inscription cryptographique, de première main, que je lirais: Gulelmus puer bo<n>us et qui, probablement, a été décalquée, moins la double faute, d'après l'archétype.

1. Le manuscrit 30, 93 feuillets (41 × 31 sur deux colonnes), est un autre exemplaire, très endommagé, de cet ouvrage de Bède. Libri le date: IX-Xe siècle. J'estime qu'il a été écrit vers 850 au plus tard; il peut être un peu plus ancien. Quatre copistes y ont travaillé; l'ensemble est un beau produit, mais banal, de l'époque carolingienne; les écoles d'Aix et de Tours ont créé un style calligraphique qui élimine d'ordinaire tout trait personnel.

2. Ils sont signés jusqu'au quatorzième (f. 94 v) au moyen des lettres q′′ formant sigle et de chiffres romains; le seizième reprend un nouveau compte semblable, qui n'est pas poursuivi.

3. On lit sans peine les vingt-deux premières strophes (f. 146 et 148 ro); on aperçoit encore la trace des onze ou douze strophes qui couvrent la dernière page; le reste

manque.

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De l'examen des variantes, il ressort que les deux manuscrits de Vérone (V, W) ont un ancêtre commun et que ceux de SaintMartial (M) et de l'Arsenal (P: Pontifical de Poitiers) se rattachent à la même lignée. Les trois autres, Autun (A), BruxellesSt-Gall (B) et Florence (F), forment une seconde famille. Par suite, la tradition a dû se diversifier de fort bonne heure sur le sol italien, avant de se propager au delà des Alpes. Quant à la rédaction d'Autun, la plus importante sans doute pour nous, ses déformations phonétiques suffisent à établir qu'elle est séparée de son archétype par une copie intermédiaire, à tout le moins. On voit que le texte s'est beaucoup plus répandu qu'il n'apparaît d'abord. S'il a souffert, c'est à cause de son étendue; les copistes se sont vite lassés de ce que Paulin ne douta pas de proposer à la piété de ses fidèles.

Le beau mètre trochaïque a été goûté de tout temps. C'est celui qu'a employé Prudence:

Corde natus ex parentis

ante mundi exordium 2,

et que l'hymne de Fortunat a rendu plus célèbre encore :

Pange lingua gloriosi

proelium certaminis 3.

1. Les théoriciens l'appellent tétramètre catalectique: Marius Victorinus II, 5; Marius Plotius 5; Atilius Fortunatianus II, 11 (cf. T. Gaisford, Scriptores Latini rei metricae, Oxford 1837, p. 114, 280, 344). Je ne vois pas qu'on lui donne le nom de septénaire préféré par les auteurs modernes.

2. Cf. U. Chevalier, Poésie liturgique traditionnelle de l'Église catholique en Occident, Tournai, 1894, p. 31, (no 46); G. M. Dreves, Ein Jahrtausend Lateinischer Hymnendichtung, Leipzig 1909, I, p. 18.

3. Mêmes ouvrages, p. 50 (no 71); p. 37. Prudence et Fortunat se servent de strophes de trois vers. Cette strophe s'est maintenue souvent sous la forme « rythmique », comme dans l' Vrbs beata Hierusalem; Adam de Saint-Victor paraît l'avoir prise pour base de ses combinaisons.

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