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PRIÈRE.

Faites, Seigneur, que dégoûté de toutes les choses de la terre, mon cœur ne s'attache qu'à celles du ciel, qui me dédommageront bien de tout ce que je quitte en ce monde pour votre amour. Faites que je n'aime, ô mon Dieu! que ce que j'aimerai toujours, et que je ne regarde comme digne de l'attachement d'un cœur chrétien, qu'un Dieu souverain et éternel.

Que la terre me paraît peu de chose, disait souvent saint Ignace, fondateur de la compagnie de Jésus, quand je regarde le Ciel! Mais que le Ciel matériel, et tout ce grand univers, me semblent peu de chose, quand je pense à vous, ô mon Dieu! Faites donc que tout tombe, et que tout vous cède dans mon cœur, dès que mon esprit est frappé de l'idée de votre grandeur. Ainsi soit-il.

CHAPITRE LVI.

Des différens mouvemens de la nature et de la grâce.

JÉSUS-CHRIST. Mon fils, observez avec soin les mouvemens de la nature et de la grâce, parce qu'ils sont très-subtils, et tout-à-fait contraires, et qu'à peine peuvent-ils être discernés, si ce n'est par un homme spirituel et éclairé intérieurement.

Tous véritablement désirent le bien, et ils s'en proposent quelqu'un dans leurs actions et dans leurs paroles; et c'est ce qui fait qu'il y en a beaucoup de trompés par l'apparence du bien.

2. La nature est artificieuse; elle en attire plusieurs, elle les fait tomber dans ses filets et les trompe: elle n'a jamais pour fin qu'elle-même. Mais la grâce marche avee simplicité; elle évite la moindre apparence du mal, elle ne tend point de pièges, elle fait toutes choses purement pour Dieu, en qui elle met son repos, comme en sa dernière fin.

3. La nature souffre à regret de mourir, d'être gênée, d'être domptée, d'être abaissée, et elle ne se met pas volontiers sous le joug. La grâce, au contraire, s'applique à se mortifier; elle résiste à la sensualité, elle cherche à être assujétie; elle veut être vaincue, et ne désire point jouir de sa propre liberté. Elle aime à être retenue sous la discipline; elle ne demande point à dominer mais à être, à vivre et à demeurer sous la dépendance de Dieu, et elle est prête à se soumettre humblement à toute humaine créature, 1. Pet. 1. 13, pour l'amour de lui.

4. La nature travaille pour son intérêt et considère quel profit elle tirera des autres. Mais la grâce n'examine point ce qui lui est utile et cominode, mais plutôt ce qui peut servir à plusieurs.

5. La nature est bien-aise d'être honorée et respectée. Mais la grâce attribue fidèlement à Dieu tout l'honneur et toute la gloire.

6. La nature craint la confusion et le mépris. Mais la grâce met sa joie à souffrir des opprobres pour le nom de Jésus-Christ. Act. 5. 41.

La nature aime l'oisiveté et le repos du corps. Mais la grâce ne peut demeurer sans rien faire, et elle embrasse volontiers le travail.

2. La nature cherche à se procurer ce qui est curieux et beau; et elle abhorre ce qui est vil et grossier. Mais la grâce se plaît aux choses simples et basses; elle ne méprise point ce qui est rude, et se couvre sans peine de vieux haillons.

9. La nature a égard aux choses temporelles; elle se réjouit d'un gain terrestre; elle s'attriste des pertes; elle s'irrite de la moindre parole in

jurieuse. Mais la grâce considère ce qui est éternel, et ne s'arrête point aux choses du temps, elle ne se trouble point de leur perte, et ne s'aigrit pas pour des paroles trop dures, parce qu'elle a mis son trésor et sa joie dans le ciel, où rien ne périt.

10. La nature est avide, et reçoit plus volontiers qu'elle ne donne; elle aime ce qui lui est propre et particulier. Mais la grâce est charitable, et communique ce qu'elle a; elle ne veut rien de singulier, et juge que c'est un plus grand bonheur de donner que de recevoir. Act. 20. 35.

11. La nature a du penchant pour les créatures, pour sa propre chair, pour les vanités et pour les conversations. Mais la grâce porte à Dieu et à la vertu; elle renonce aux créatures; elle fuit le monde; elle hait les désirs de la chair; elle retranche toutes les allées et les venues, et rougit de paraître en public.

12. La nature est bien-aise d'avoir quelque consolation au-dehors, pour contenter ses sens. Mais la grâce cherche à se consoler en Dieu seul, et à mettre sa joie dans le souverain bien, pardessus toutes les choses visibles.

13. La nature fait tout par intérêt et pour sa commodité particulière; elle ne sait rien faire gratuitement: mais elle espère tirer du bien. qu'elle fait, un même bien ou un plus grand, ou des louanges, ou des faveurs: et elle désire que l'on fasse grand cas de ce qu'elle fait et de ce qu'elle donne.

La grâce au contraire ne recherche aucun avantage temporel; elle ne demande en revanche

d'autre récompense que Dieu seul, et ne souhaite rien des choses nécessaires à la vie, qu'autant qu'elles lui peuvent servir à acquérir les éternelles.

14. La nature se fait un plaisir d'avoir grand nombre d'amis et de porens; elle se glorifie d'un poste honorable et de la naissance; elle est complaisante envers les grands; elle flatte les riches, elle applaudit à ses semblables.

Mais la grâce aime jusqu'à ses ennemis, la quantité d'amis ne lui donne point de vanité; elle n'estime ni rang ni origine, à moins qu'il ne s'y rencontre une plus grande vertu. Elle favorise plutôt le pauvre que le riche; elle compatit plus à l'innocent qu'à celui qui a du pouvoir, elle se plaît avec les personnes amics de la vérité, et nullement avec les trompeurs. Elle exhorte toujours les bons à avoir de l'émulation pour les dons les plus excellens. 1. Cor. 11. 31. et à se conformer au Fils de Dieu par la pratique des vertus.

15. La nature se plaint bientôt de ce qui lui manque, et de ce qui lui fait peine. La grâce supporte constamment la pauvreté.

16. La nature rapporte tout à elle-même ; c'est pour elle qu'elle combat et qu'elle dispute. La grâce, au contraire, ramène à Dieu toutes choses, comme à la source d'où elles découlent. Elle ne s'attribue aucun bien; elle ne présume de rien avec orgueil; elle ne conteste point, et ne préfère point son avis à celui des autres ; mais elle soumet tous ses sentimens et toutes ses lumières à la sagesse éternelle et au jugement de Dieu.

17. La nature souhaite de savoir des secrets, et d'entendre des nouvelles, elle aime à paraître au

dehors, et à éprouver plusieurs choses par les sens; elle cherche à se faire connaître, et à faire ce qui attire des louanges et de l'admiration.

Mais la grâce ne se met point en peine d'apprendre des choses nouvelles et curieuses; parce que tout cela vient de la corruption du vieil homme, n'y ayant rien de nouveau ni de stable sur la terre.

Elle enseigne donc à réprimer les sens, à éviter la vaine complaisance de l'ostentation? à cacher avec humilité tout ce qui est louable et qui mérite d'être admiré, et à rechercher en toutes choses et dans toutes les sciences, le profit qui en peut revenir, et la seule gloire de Dieu.

Elle ne veut pas que l'on parle avantageusement d'elle, ni de ce qui la touche; mais elle souhaite que Dieu soit béni dans ses dons comme celui qui les répand tous par une pure charité.

18. Cette grace est une lumière surnaturelle, et un don singulier de Dieu. Elle est proprement le sceau des élus, et le gage du salut éternel ; c'est elle qui soulève l'homme de la terre à l'amour des choses du Ciel, et qui de charnel qu'il était, le rend spirituel.

Plus donc la nature est mortifiée et assujétie, plus la grâce se répand avec abondance, et ses nouvelles visites réforment tous les jours, de plus en plus, l'homme intérieur, selon l'image de Dieu.

PRATIQUE.

Qu'est-ce que reposer en Dieu comme en sa dernière fin? C'est ne désirer, ne chercher et n'aimer que lui; c'est tout faire et tout souffrir pour lui; c'est acquiescer en tout à son bon plaisir; c'est ne vouloir que ce qu'il

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