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HARVARD COLLEGE

JUL 28 1914

LIBRARY.

F. C. LOWELL FUND

DU LYONNAIS.

Poésie.

LA CIGALE'.

L'air pèse et brùle; il n'est dans l'herbe et les épis
Bruit d'ailes ni murmures;

Même les froids lézards se cachent assoupis
Au fond des gerbes mûres.

La feuille au loin se tait dans l'immobilité,
Pas un oiseau ne vole;

La terre a vu tarir dans les bras de l'été
Sa sève et sa parole.

De la plaine embrasée où sont les habitants?
La vie est-elle encore?...

Oui, la nature veille, et, joyeux, je t'entends,
O cigale sonore!

(1) Nous empruntous les deux pieces de vers qui suivent à un volume inti. tulé: Odes et Poèmes, que vient de publier, à Paris, M. Victor de Laprade, notre collaborateur. Nous rendrous prochainement compte de cette œuvre nouvelle, qui assure à l'auteur de Psyché une place à côté de nos poètes les plus originaux. Ce volume est en vente chez Gourdon et Midan, libraires à Lyon, et au bureau de la Revue du Lyonnais.

Ton cri sort des sillons brûlants et crevassés,

De l'orme aux branches sèches,

Parmi les chauds rayons qu'un ciel rouge a lancés Aigus comme des flèches.

C'est toi qu'un doux vieillard, des voluptés épris,
Disait aux dieux pareille;

Et l'homme de nos jours te ferme avec mépris
Son cœur et son oreille!

En cercle les héros t'écoutaient autrefois
Comme une hymne dorique.

Qui donc s'est transformé de l'homme ou de ta voix,
O chanteuse homérique?

Non, tu n'as rien changé, nature, à tes accents,
Ta musique est la même;

Mais pour trouver la clef de tes accords puissants,
Il faut d'abord qu'on t'aime.

Poète, je le sais, nul n'est vil à mes yeux
Des mille aspects de l'être;

Tout cri révèle une âme, et mon cœur sérieux
L'accueille et s'en pénètre.

Viens, cigale ma sœur, et chante près de moi;
Nul homme sacrilége

N'oserait, où je suis, porter la main sur toi,
La muse te protége.

Moi, je me dis impur, si dans l'ombre en marchant J'écrase un frêle insecte ;

Au chœur universel tout ce qui prête un chant,

Il faut qu'on le respecte.

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Cette ivresse, pourtant, je la puise en Dieu même;
Mais, pour y prendre part, où sont tous ceux que j'aime?
Mon cœur ici les nomme et parle à chacun d'eux;
Jamais tant qu'à cette heure, à travers mes nuages,

Si douce leur parole, et si doux leurs visages,
N'ont échauffé mon cœur, et lui devant mes yeux.

La pensée a peut être, affrontant la distance,
Des ailes pour voler vers ceux à qui l'on pense,
Sans se perdre à travers le monde aérien !
Vous tous, absents chéris, qui manquez à ma joie,
Des effluves d'amour que mon cœur vous envoie,
Ce vent et ce soleil ne vous portent-ils rien?

Où va donc, où va donc, si nul ne le devine,
Ce qu'exhale mon sein d'émotion divine?
Pourquoi ce doux concert, s'il n'est pas entendu?
Des plantes du désert qui respire la feuille ?
Que deviennent ces fruits que nulle main ne cueille!...
Donne tous tes parfums, mon cœur, rien n'est perdu!

Vois, chaque goutte d'eau, que la terre la boive,
Que le vent sur son aile en vapeurs la reçoive,
Retourne à l'Océan, et s'y mêle à son jour;
Ainsi chaque soupir, chaque extase cachée,
Chaque larme pieuse au coin de l'œil séchée,
Vont enrichir au ciel les sources de l'amour.

Victor de LAPRADE.

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