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mentation, nous semblent des plus décisifs, et de nature à convaincre les esprits les plus prévenus.

En mettant ainsi hors de cause la circulation fiduciaire, M. Bonnet signale trois autres voies par lesquelles s'est accompli l'abus du crédit : 1o les avances sur valeurs mobilières et autres; 2o l'emploi exagéré des dépôts en comptes courants; 3o la mise en circulation des billets de complaisance. Les avances sur valeurs mobilières présentent en effet un double inconvénient: elles détournent d'abord, en faveur des opérations de bourse, les capitaux que les établissements de crédit devraient mettre au service du commerce; elles fournissent, en second lieu, de nouveaux moyens aux exagérations de la spéculation dont ces valeurs sont issues. On sait, au reste, que c'est pour complaire au gouvernement — qui, dans les premières années de l'empire, voulait à toute force favoriser la spéculation — que la banque, en 1852, s'est décidée à étendre ses avances sur les actions des chemins de fer; le maximum de 183 millions, atteint en août 1855, a été réduit depuis lors, mais il serait fort à désirer que ce chapitre disparut tout entier du bilan de la banque. Quant aux dépôts en compte courant, ils ont eu, c'est vrai, la plus large part dans la crise des banques nord-américaines à la fin de 1857; ils ont fortement contribué à la déconfiture de plusieurs banques provinciales en Grande-Bretagne. Néanmoins le remède vers lequel incline M. Bonnet nous semble peu efficace, et même dangereux à certains égards. Selon M. Bonnet, la forte accumulation de ces dépôts cesserait toute seule, si les banques n'accordaient pas d'intérêt aux dépôts. Eh bien, en Prusse, par exemple, il est formellement interdit à presque toutes les banques provinciales d'accepter des dépôts portant intérêt; la banque de France n'a jamais bonifié d'intérêts à ses déposants; néanmoins les dépôts atteignent un chiffre considérable dans les banques prussiennes, et le dernier bilan de la banque de France (mars 1859) les porte au chiffre de 257 millions. Le refus ou l'interdiction de bonifier un intérêt n'empêcherait donc pas l'accumulation des dépôts, que le monde financier recherche pour de nombreux autres avantages; il pourrait même contribuer à pousser vers les excès de la spéculation. En effet, le capitaliste anglais ou nord-américain, quand 100,000 fr. sont rentrés dans sa caisse, pour lesquels il n'espère trouver un bon placement que d'ici à quelques semaines ou à quelques mois, les dépose à la banque, se contentant provisoirement de 3 à 5 0/0 d'intérêt qu'elle lui bonifie. Si ce placement provisoire lui manquait, le capitaliste, ne voulant pas laisser tout à fait inactif son argent, le jettera dans la première entreprise venue. Nous ne pensons pas que le commerce ou la spéculation financière puisse gagner en solidité par un pareil changement de destination des capitaux momentanément inactifs.

Cette solidité n'a été déjà que trop minée, quant au commerce, par l'emploi exagéré des billets de complaisance, auquel M. Bonnet attribue avec raison une très-large part dans les abus du crédit. Les données pré

cises manquent tout à fait, quant aux proportions que ce mal peut a atteintes en France; nous avons eu précédemment l'occasion de cite des chiffres éloquents à ce sujet, en ce qui concerne la ville de B bourg; l'enquête spéciale faite à propos de la dernière crise en Angle a fait voir que telle maison avait souscrit ou accepté pour 4 ou 5 mil de traites quand son actif était de 100 à 200,000 livres et même au-dess que la fabrication et l'endossement des billets de complaisance étaien venus une véritable industrie, parfaitement organisée et exploitée s plus large échelle... On ne saurait trop promptement et trop énergi ment comprimer des abus pareils.

Telles seraient donc les causes principales de la dernière crise moyens par l'emploi desquels elle a été amenée. La rude leçon de 183 suffira-t-elle pour empêcher le retour des mêmes imprudences, des m fautes et des mêmes maux? Pour l'espérer avec quelque certitude, il drait admettre ce qui est un peu risqué — que la prudence in duelle, dans le monde financier et commercial, l'emportera désormai la soif de gain, sur l'esprit aventureux : car la « prudence individue est, à notre avis, le seul efficace parmi les trois « moyens de préven abus » que M. Bonnet croit pouvoir signaler. Nous adhérons aus tout cœur à un autre de ses trois moyens : « ne rien faire pour excite excès de la spéculation,» mais c'est un moyen purement négatif. ne voyons, par contre, rien de bon dans le « concours de l'Etat, constituerait le troisième moyen de prévenir les abus. Empressonsd'ajouter que c'est là une concession que fait M. Bonnet à l'esprit i ventioniste, à l'amour de tutelle officielle, qui règnent encore si large en France; personnellement il aime mieux voir le monde commerc financier s'exposer à quelque danger de plus par l'usage et l'ab l'indépendance, que de le voir éternellement sauvegardé, mais auss travé par les interventions officielles inutile de dire que là-dessus sommes complétement de son avis.

J. E. HORN.

NÉCROLOGIE

MADAME MARCET

Une personne qui a compté avec distinction parmi les économist la Grande-Bretagne, madame Marcet, est morte il y a quelques mo Angleterre, à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Madame Marcet a exerce véritable influence sur les opinions de son temps sous plusieurs rapp Un homme qui occupe un rang élevé parmi les savants moderne, M.

Rive, de Genève, a consacré à madame Marcet une notice nécrologique fort intéressante dans la Revue universelle. Nous pensons être agréable aux lecteurs du Journal d'économie politique en reproduisant ici la partie de la notice de M. de la Rive, qui traite des travaux économiques de madame Marcet, et qui les apprécie avec une justesse et un tact remarquables. Nous signalons aussi à leur attention les observations courtes, mais pleines de sens, de M. de la Rive au sujet de ce que gagnent en stabilité les institutions d'un peuple lorsque chez lui les doctrines de l'économie politique sont suffisamment répandues.

...Avec les Conversations sur la chimie, aucun des ouvrages de ma lame Marcet ne produisit une aussi vive sensation que les Conversations sur l'économie politique. Née vers la fin du dix-huitième siècle, l'économie politique était encore, en 1815, renfermée dans le domaine restreint et abstrait de la spéculation. Nous avons déjà dit comment il se fit que les relations de madame Marcet l'amenèrent naturellement à s'occuper d'une science qui devait, par ses parties théoriques, plaire à un esprit lucide, et dont les applications ne pouvaient manquer de séduire un cœur généreux. Des vérités si justes, si utiles, si inconnues, à proclamer, à répandre, à rendre accessibles à toutes les conditions, c'en était plus qu'il ne fallait pour que madame Marcet prît la plume. Il y avait à la fois pour elle une grande science à exposer et une grande cause à faire triompher. Elle mit à accomplir ce nouveau travail toute son intelligence et toute son âme.

Aussi les Conversations sur l'économie politique sont-elles une œuvre éminemment originale; plus qu'ailleurs on y sent que l'auteur s'est assimilé les vérités qu'elle expose, et qui semblent émaner de ses propres pensées et de ses propres méditations, tout autant que de ses études et de sa mémoire. Ce livre, accueilli par la faveur populaire, fit également grand bruit parmi les économistes, et le succès en fut sanctionné par d'illustres suffrages. Diverses lettres de Malthus, de Say et de bien d'autres en font foi; tous admirent l'art qui a su rendre abordables des notions jusqu'alors considérées comme si ardues, ou sont frappés du développement nouveau de certaines idées, et de la rigueur des déductions pratiques. Nous trouvons aussi, dans une lettre écrite plus tard (en 1834) par mademoiselle Martineau, un hommage auquel madame Marcet dutêtre d'autant plus sensible qu'il lui était adressé par l'auteur distingué de tant d'ouvrages populaires sur les questions économiques. Mais, au milieu de tous ces témoignages d'estime, de reconnaissance ou d'éloge qui ont passé sous nos yeux, il en est un qui nous a particulièrement touché, et qui est dû à une femme non moins remarquable par la finesse que par la grâce de son esprit. Mais laissons parler lady Romilly, car c'est d'elle qu'il s'agit (c'était à mademoiselle Edgeworth qu'elle écrivait) :

« N'avez-vous pas été enchantée du livre de madame Marcet? Quel ouvrage extraordinaire pour une femme! Tous ceux qui comprennent le sujet sont dans un état d'étonnement, et ceux qui, comme moi, n'y comprennent rien, ou à peu près rien, sont ravis des connaissances qu'ils y puisent. L'un de nos anciens juges, sir J. Mansfield, qui, à quatre-vingt-trois ans, dévore encore tout ce qui paraît, a été charmé, et se lamente de n'avoir pas su, quand il était encore au barreau, tout ce que ce livre lui a appris. Quel bonheur ce serait 2 SÉRIE. T. XXI. ·15 avril 1859.

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pour le pays si pos juges, sans parler de nos hommes d'État, savai moitié de ce que contient cet ouvrage. Vous me direz que je hasard opinion trop téméraire, mais moi, je vous dirai en confidence qu'e m'appartient pas..... »

C'était en effet l'opinion de sir Samuel Romilly qu'exprimait avec une admiration l'aimable correspondante de mademoiselle Edgeworth. Et il do d'un grand poids, le suffrage de l'homme éminent qui, en sa double ca de législateur et de jurisconsulte a si vaillamment combattu en faveur d de réformes politiques et économiques. Il est mort au milieu de la ba Plus heurense que lui, madame Marcet a eu la joie d'assister à la vi et il est permis de dire qu'elle y a contribué par la diffusion des connaiss en économie politique, dont son livre fut à la fois la cause et le signal. Et puisque le nom de Romilly s'est rencontré sur notre chemin, n' point ici le lieu de rappeler qu'il était destiné à devenir particulièremen à madame Marcet? A cette époque, elle ne savait point encore tous les qu'il aurait à son affection ni quel dévouement filial elle trouverait dan de ces enfants qui grandissaient sous ses yeux; mais le hasard d'un he voisinage l'avait dès longtemps rapprochée d'une famille qu'il lui suf connaître pour l'aimer. La relation devint très-vite intime, et, fondée s sympathie, consolidée par l'épreuve, cimentée par les liens les plus ét elle occupa dans la vie de madame Marcet, et pour son bonheur, une pla jour en jour plus considérable.

Mais revenons au livre de madame Marcet, et tout en constatant son lég succès, n'oublions pas la part qui en revient au pays qui l'accueillit ave de faveur.

Si la natin anglaise a, mieux qu'aucune autre, su accepter les vérités nomiques et les appliquer, si, grâce à cette heureuse intelligence, il n'e aucune qui ait pu aussi bien traverser les crises politiques et sociales souffrir ni dans ses intérêts ni dans sa liberté, c'est que les doctrines de nomie politique ne peuvent réellement s'acclimater que chez un peupl comprend la liberté et qui sait la pratiquer. Car l'économie politique, c' liberté dans tout ce qui touche aux intérêts matériels de la société, et son application, c'est l'individu laissé à lui-même, sans que rien n'entra développen. nt de son activité, n'attendant que de lui seul sa fortune, demandant à son gouvernement que de protéger sa personne et de gar son indépendance. Or, pour que cette application fût possible, il fallai conditions morales, rares et difficiles à rencontrer, le respect des inéga qui résultent des succès des uns et des revers des autres, la soumission hiérarchies sociales, et non pas la soumission servile ou imposée, mais sonnée et volontaire, la haute moralité qui permet la concurrence sans ex la haine; autant de sentiments nécessaires aux nations qui veulent tro dans l'économie politique la science du bien-être et de la prospérité. Le g privilége de l'Angleterre est que ces sentiments ont pénétré assez profondér chez elle avec l'esprit de liberté, dont ils sont le contre-poids indispensable la rendre capable de mettre en pratique, dans toute leur étendue et pour plus grand bien, les vérités économiques.

Après les Conversations sur l'économie politique, et quelques années plus t madame Marcet fit paraître, sous le titre de John Hopkins, et sous la form

contes populaires, une exposition plus familière des doctrines de cette science. si nous signalons cet ouvrage au milieu de beaucoup d'autres que nous sommes forcé de passer sous silence, c'est principalement parce qu'il provoqua une lettre de Malthus d'un grand intérêt rétrospectif. Tout en s'y prononçant pour le libre commerce des céréales, le célèbre économiste semble reprocher à madame Marcet d'en avoir quelque peu exagéré les avantages. Il craint que l'abaissement dans le prix du blé n'entraîne une diminution dans le taux des salaires, et ne produise par conséquent, après tout, qu'une amélioration insensible dans le sort des ouvriers. Nous devons remarquer ici que, si c'était la l'opinion du plus hardi des théoriciens, il est naturel de supposer qu'elle était partagée par la plupart des hommes qui s'occupaient des questions économiques, et nous citerons en particulier lord John Russell qui, à peu près dans le même temps où Malthus écrivait à madame Marcet, exprimait dans un discours public des craintes analogues. Et pourtant, vingt ans plus tard, l'expérience donnait raison à madame Marcet; loin d'être exagérées, ses prévisions étaient dépassées, et à la suite de l'abolition des droits sur les céréales, les salaires, au lieu de diminuer, tendaient à s'élever, par suite de l'augmentation du capital et de l'aisance genérale qui avait été la conséquence de cette mesure. Ainsi une femme avait prévu avec netteté et prédit avec assurance un résultat que les économistes les plus habiles et les politiques les plus libéraux n'avaient osé entrevoir qu'avec hésitation et avec défiance. X...

SOCIETE D'ÉCONOMIE POLITIQUE.

Réunion du 5 avril 1859.

L'ÉCHELLE MOBILE DES DROITS SUR LES BLÉS (Deuxième discussion.)

M. Ch. Dunoyer, membre de l'Institut, a présidé cette réunion, à laquelle avait été invité M. Bello, secrétaire de la légation du Chili, et à laquelle assistaient M. Buffet, ancien ministre, et M. Demetz-Noblat de Nancy, membres de la Société, qui n'habitent pas Paris.

M. Léonce de Lavergne, membre de l'Institut, qui n'assistait point à la deuxième réunion, ayant demandé à présenter quelques observations au sujet de la discussion sur l'échelle mobile, une partie de la soirée a été encore consacrée à cet important sujet.

M. de LAVERGNE s'associe pleinement à ce qui a été si bien dit ici à ce sujet par MM. Wolcwski, Modeste et de Kergorlay: mais il croit nécessaire d'ajouter deux observations que la lecture de la discussion lui a suggérées.

La première porte sur une affirmation échappée à M. Modeste. «La France, aurait-il dit, ne produit pas assez pour se nourrir, mais importe plus, et à mesure que nous avançons, toujours plus, jusqu'ici du moins, qu'elle n'exporte. » C'est une erreur. Il est vrai que, sous l'empire de

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