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faits et des problèmes sont les seules qui soient à notre usage. Derrière le Journal des Economistes il n'y a ni noms d'hommes d'affaires ni influences politiques avouées ou cachées. Ce qui nous rallie le plus souvent, c'est la science. Ce qui nous divise quelquefois, c'est la science encore. Il n'y a chez nous que des émules de théorie, non d'intérêt, et nous ne nous préoccupons en tant que recueil que de la hausse et de la baisse des idées, heureux si la situation intellectuelle se liquide en hausse, affligés si c'est le contraire. Est-ce pourtant à dire que nous rejetions de cette revue l'élément pratique? Assurément non, et nous ferons nos efforts pour concilier une place plus considérable encore à lui accorder avec les exigences de la science économique, qu'il s'agit avant tout de maintenir et de propager. Par exemple, nous avons donné plus d'extension aux comptes rendus des événements industriels et financiers qui signalent la vie économique chaque mois à l'étranger. Rien n'empêche que cette espèce de bilan ne reçoive encore quelques développements. De plus, nous avons pensé qu'une sorte de chronique mensuelle, traitant des applications de la science à l'industrie, envisagées dans leur rapport avec le mouvement actuel ou possible de la richesse, pourrait présenter un intérêt d'un autre genre que celui qu'offre notre analyse des idées et des sciences morales, mais non moins grand et peutêtre plus propre encore à nous concilier des sympathies dans les classes industrielles et parmi des lecteurs peu habitués à s'en tenir à la pure science. Nous introduirons donc cet élément nouveau avec le plus de variété que nous pourrons dans cette revue. Enfin, les questions d'industrie et de crédit méritent une plus grande place. Que les économistes qui sont assez praticiens, ou que les praticiens qui sont assez économistes pour les traiter avec un talent qui ait toute la sûreté de la science et tout l'intérêt de l'actualité, nous apportent leurs travaux; ils recevront ici un bon accueil. Le Journal des Economistes se refuse à tout ce qui abaisserait le niveau de la théorie, mais non à tout ce qui pourrait relever le niveau de la pra

tique. Aux hommes d'expérience et de savoir qui veulent y écrire, il ne demande qu'une chose, c'est de ne pas substituer des études purement empiriques au point de vue toujours général et toujours supérieur qui doit dominer les applications, sans les étouffer. Nous faisons donc appel à toutes les intelligences et à tous les genres de mérite, à toutes les bonnes volontés. Car c'est aussi dans cet ordre d'idées que nous désirons le rapprochement fécond des aptitudes, l'échange des services mutuels que peuvent se rendre la pensée et l'action, la fusion des efforts les plus divergents dans une même vérité et dans un même bien.

HENRI BAUDRILLART.

ÉTUDES

SUR

LE SYSTÈME DES IMPOTS.

(Suite'.)

DES IMPOTS SUR LE CAPITAL OU LE REVENU DES IMMEUBLES.

Lorsque les législateurs ont reconnu l'insuffisance ou la justice. imparfaite d'un système d'impôt sur les personnes (et cette conviction a pu être souvent contemporaine du premier établissement des taxes), ils se sont naturellement engagés dans la voie d'asseoir des contributions, soit sur la fortune privée des citoyens, soit sur certains actes qui leur ont paru des manifestations de leur aisance ou des occasions favorables pour les imposer. A l'égard de la fortune des contribuables, ils ont pu, soit la considérer en bloc et l'atteindre par des impôts généraux, soit la décomposer dans ses principales parties, et alors aucune partie de la richesse des citoyens n'a pu fixer leurs regards autant que la propriété foncière.

Ce sol, qui nourrit les générations humaines et qui donne à toutes les industries leurs matières premières, n'est pas seulement la principale source de la richesse des peuples; c'est pour quelques-uns d'entre eux la richesse presque tout entière, richesse évidente d'ailleurs, que d'irrécusables témoignages permettent de constater avec précision, et qui, sous ce rapport, exercera toujours une sorte d'attraction naturelle sur la pensée du législateur, occupé à chercher des ressources financières.

La propriété des terres consacrées à l'agriculture, celle des constructions qui s'élèvent au-dessus et dont la splendeur est souvent l'expression résumée de la fortune de ceux, qui les habitent, ce sont là les objets permanents et principaux de tout système de taxation directe développée dans la voie de la spécialité.

L'histoire de l'impôt foncier et de ses diverses branches est donc pour ainsi dire le point central de toutes les observations qui peuvent

1 V., pour la série de ces articles, les numéros des 15 septembre et 15 novembre 1857, des 15 janvier, 15 mai, 15 septembre et 15 octobre 1858.

être dirigées sur l'organisation des impôts directs chez les peuples civilisés.

Il n'est peut-être aucune taxe aussi universelle et aussi répandue. Son absence est une exception rare dans l'histoire économique des sociétés, et l'impôt foncier s'y produit en quelque sorte avec la distinction même de la propriété privée.

Il est probable que sa première forme a été la dîme de l'Orient, qui s'est continuée de nos jours dans les institutions de la Turquie, et qui donne 220 millions de piastres au Trésor de cet empire 1.

La Bible mentionne le droit acquis par les souverains de l'Egypte. au cinquième des fruits. D'après un savant qui a étudié l'ancien état de cette contrée, le tiers du sol affecté à la caste des guerriers était grevé d'une taxe dont les parties cultivées par le propriétaire luimême étaient seules exemptes. Sous les Ptolémées, les prêtres y furent aussi soumis pour leurs propriétés. Le montant de la taxe était, dit-on, du cinquième du revenu. Reynier, que nous citons 2, conjecture qu'il s'agissait du revenu net.

L'impôt ne s'appliquant qu'aux terres fécondées par l'inondation du Nil, la caste des prêtres, chargée de répartir annuellement la jouissance du sol fertilisé par le fleuve, veillait aussi à la perception de l'impôt.

Dans la Perse, les taxes territoriales, livrées soit en argent, soit en nature, ont existé très-anciennement, et l'histoire mentionne l'ordre donné par Darius de mesurer le sol des colonies grecques de l'Asie Mineure et d'y asseoir l'impôt par parasanges 3. Une nouvelle répartition de l'impôt y eut lieu sous Chosroès Ier.

Aristote fait allusion dans sa Politique à l'impôt foncier de Sparte. Cette même contribution exista sous plusieurs formes dans l'empire romain. Dans l'origine, l'ager romanus était assujetti au cens de Servius. Il en fut déchargé plus tard, et une seule partie de l'Italie (Italia annonaria) dut acquitter des redevances en nature. Les provinces conquises acquittèrent un impôt, soit en argent, soit en nature; mais on établit ultérieurement l'uni

1 Revue des Deux-Mondes, novembre 1850, article de M. Cor sur le Budget de la Turquie.

Economie publique et rurale des Egyptiens, p. 190, et Genèse, 47, verset 26, chap. XLVII.

3 Reynier, Economie publique des Perses et des Phéniciens, p. 174.

C'est à cet état de choses que parait se rapporter le passage d'Hygin, cité à la fois et par M. de La Malle, et par M. Giraud, Essai sur l'histoire du droit francais, t. I, p. 99.

formité de l'impôt dans tout l'empire, et, à l'époque de Constantin, le sol avait été réduit à un certain nombre d'unités contributives ou cadastrales, appelées capita ou juga, d'où venaient pour l'impôt les noms de capitatio et de jugatio. Chaque caput se composait, soit d'un certain nombre d'arpents de pré, de terres labourables, de pâturages ou de bois, soit d'une certaine quantité de vigne mesurée par le nombre des ceps, soit d'une terre d'oliviers évaluée tout à la fois par la surface du terrain et par le nombre des arbres'. Ces diverses cultures se remplaçaient l'une l'autre pour la composition du caput, suivant une loi d'équivalence dont nous ignorons les détails. Le caput ou jugum comprenait ainsi une superficie dont l'étendue variait en raison de la fertilité du fonds, mais dont la valeur fixe et uniforme, soit qu'elle correspondit à des prix de vente. ou à un certain multiple du revenu net, était de 1,000 solidi en capital (15,100 francs, selon le calcul de M. de La Malle, et 11,850 francs seulement selon M. de Savigny) 2.

Lorsqu'on voit l'impôt atteindre normalement le taux de 7 aurei par caput, ou de 7 pour 1,000 par rapport à la valeur du fonds, et s'élever quelquefois jusqu'à 25 pour 1,000, comme Ammien Marcellin le raconte de l'impôt perçu dans les Gaules par Julien, on est porté à penser que les évaluations étaient très-inférieures à la réalité, ainsi que le mode usité pour l'assiette de la contribution permet d'ailleurs naturellement de le supposer 3.

C'était, en effet, la déclaration du propriétaire, professio censualis, qui, sauf examen contradictoire de l'administration, servait de base à l'établissement du cadastre, révisé par période de dix ou de quinze ans, soit pour corriger les erreurs précédentes, soit pour marquer les mutations qui s'étaient opérées *.

Dans certaines localités, telles que l'Egypte, le payement de l'impôt en nature s'était continué comme dans les temps les plus anciens. Ailleurs des prestations annonaires étaient imposées comme accessoire de la taxe foncière, répartie sur les capita.

1 V. J. 4, D. De censibus. On exige dans cette même loi la désignation des fonds par leur nom, leur emplacement, leurs aboutissants, On autorise les dégrèvements pour cas fortuits ou impossibilité de jouissance.

Giraud, Essai sur l'histoire du droit français au moyen âge, t. I, p. 101 à 104; Dureau de La Malle, p. 407 et 408.

'V. la discussion insérée dans le Compte rendu de l'Académie des sciences morales et politiques, t. VII, p. 99 et suiv.

Giraud, p. 112.

P. 107.

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