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et nouveau Testaments, dont vous obligerez les ecclésiastiques, protestants et peuple de se servir à la collation et réception des sacrements. Or, en ceste, réforme, continue-t-il, gardezvous bien de vous servir de moines et de religieux, parce que leur intempérance a forgé une infinité de superstitions et qu'il y a lieu de poursuivre leur suppression, etc., etc. »

Tels sont les Codicilles de Louis XIII. Le simple aperçu et les quelques extraits que je viens d'en donner devroient suffire pour que l'on appréciât sous son véritable jour cette sin-· gulière composition. Essayons néanmoins, et en peu de mots, de faire encore mieux conneître dans quel esprit ont été rédîgées ces prétendues dispositions de Louis-le-Juste.

Deux classes bien distinctes se dessinent entre ces hommes qui, de leur autorité privée, ont voulu s'ériger en réformateurs d'un Etat, ou de la société qui en est la personnification.

Dans la première catégorie, nous placerons les utopistes proprements dits, tous ceux dont le nom se rattache à des expériences d'organisation sociale, qui puisent leurs inspirations dans des créations idéales, dans de vaines fantaisies et voudroient ainsi substituer un monde meilleur à celui qui ne saurbit admettre leurs vaniteuses prétentions. Tels nous apparoissent Platon, dans sa République imaginaire; Thomas Morus, dont toute la doctrine se résume en ceci : User de tout et n'abuser de rien; Campanella, alliant un certain caractère de grandeur à la création la plus fantastique; Harington, révant dans l'Oceana le plus haut point de liberté où puisse prétendre un Etat. Tels se présentent encore le chancelier Bacon, l'abbé de Saint-Pierre, Morelly et d'autres réformateurs vivant de nos jours, que nous croyons inutile de nommer, et qui tous constituent une société au gré de leurs tendances et de leur imagination.

Dans la seconde classe, figurent ces esprits moins hardis qui em principe, s'accommodent assez des éléments fondamentaux et constitutifs de la société, mais qui néanmoins dirigent con

stamment leurs efforts vers le but d'en modifier l'application. Tous les auteurs des Testaments politiques peuvent être mis dans cette catégorie. Ceux-ci, en apparence, respectent l'ordre établi, mais ils prescrivent pour le conserver de telles conditions, que la société ne pourroit les admettre sans arriver, par une voie plus lente et plus détournée, au résultat où de prime abord l'entraîneroient les premiers réformateurs.

A laquelle de ces deux classes appartient l'auteur des Codi cilles?

Si je ne me trompe, on ne peut pas dire qu'il appartienne exclusivement à la première ou à la seconde. Il rédige, il est vrai, une loi salique à sa manière; dans cette loi, les princi pales institutions, sans lesquelles il n'y a plus d'Etat organisé, sont, et demeurent maintenues, mais avec des innovations tel lement extraordinaires que l'auteur dépasse évidemment les limites dans lesquelles se renferment les réformateurs de la seconde catégorie. Chez lui nul principe bien arrêté, nulle fixité de doctrine dans les diverses branches de l'administration. Il veut une monarchie despotique, entourée néanmoins d'institutions républicaines; une religion qui se rapproche tantôt du pur déisme, quelquefois du catholicisme, souvent du protestantisme; ici, l'aristocratie est l'objet de ses faveurs et de ses complaisances; un peu plus loin, les principes les plus démocratiques sont préconisés et exaltés. Son but principal est de renverser ce qui existe, de s'insurger contre l'ordre établi, et de gouverner le peuple en dirigeant constamment sur sa tête la menace et l'intimidatiou.

Notre réformateur ne cesse de tonner contre les impôts, et de vouer les traitants à l'exécration publique; mais en même temps, par une de ces contradictions si fréquentes chez les novateurs, il établit une série de contributions inusitées ! Au surplus, les doléances de l'auteur des Codicilles peuvent être considérées comme le premier essai, comme le prélude de ces innombrables satires que devoit enfanter la Fronde cinq ou six ans plus tard. On sait que, dans ces libelles, un peu d'esprit et

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de raison est noyé dans des flots de mauvaises plaisanteries et d'absurdités révoltantes. N'oublions pas que les édits bursaux furent le signal de la rupture entre le parlement et la cour, la cause ou le prétexte de ces funestes dissensions qui troublerent la minorité de Louis XIV. Alors on vit les députés de la magistrature aborder hautement la question des réformes administratives, solliciter la révocation de tous les intendants, ordonner d'actives poursuites contre les traitants, provoquer enfin l'abolition de nombreux impôts précédemment enregistrés.

Maintenant, il seroit curieux de découvrir quel a pu être l'auteur des Codicilles de Louis XIII. Je hasarderai ici une opinion que je suis bien éloigné de présenter comme positive, et qu'en l'absence de tous documents précis, je ne puis fonder que sur des conjectures.

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J'ai recherché, parmi les écrivains de l'époque, celui dont les tendances présentent le plus d'analogie avec les points généraux contenus dans les Codicilles, celui dont la conduite et les ouvrages décèlent d'une manière non équivoque l'indépendance en politique comme en religion, le désir hautement avoué de signaler ce qu'il croyoit être les injustices du temps, celui enfin qui s'érigea surtout en adversaire constant des tailles et des impôts en général.

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Je trouve dans l'historien Mézerai ces principaux traits que je signale. Qu'il me soit permis de retracer en peu de mots ce que nos biographes racontent de cet écrivain.

Professant la plus grande liberté d'opinion, Mézerai étoit un de, ces esprits que les troubles de la France avoient amené à concevoir l'espérance de notables changements dans la constitution de l'Etat; aussi avoit-il publié contre Mazarin un assez grand nombre de pamphlets. Il se piqua, dit M. Thierry dans sa quatrième lettre sur l'histoire de France, d'aimer les vérités qui déplaisent aux grands et d'avoir la force de les dire; il ne visa point à la profondeur ni même à l'exactitude historique. Plutôt moraliste qu'historien, il parsema de réflexions énergi

ques des récits légers souvent controuvés; sa qualité d'historiographe ne l'empêcha point de s'élever vivement contre diverses institutions de son pays. Aussi, la pension qu'il recevoit fut d'abord suspendue, puis totalement supprimnée par Colbert, à cause de ses réflexions par trop libres sur l'origine des tailles, de la gabelle et de tous les genres d'impôts. On attribue à Mézerai une histoire de la maltôte qui n'a pas vu le jour; il y exprimoit le désir que le Dictionnaire de l'Academie, au mot comptable, recueillît le proverbe populaire : Tout comptable est pendable. On lui prête encore le propos suivant, qu'il répétoit avec complaisance: Je me promets d'acheter fort cher une loge, lorsqu'on pendra quelque financier en place de Grève. Ajoutons que Mézerai vécut dans la plus complète iudépendance, en matière de religion. Son incrédulité ou mieux son indifférence, dit la Biographie de Michaud, étoit plutôt l'effer de son caractère insouciant et de son humeur enjouée, que le résultat de la conviction. Terminons notre esquisse par ces paroles de Bayle: «Mézerai fut celui des historiens qui flatte le plus le peuple contre la cour, il se fait un plaisir de relever, tout ce qu'il trouve d'injuste ou de honteux dans l'administration de la France. >

En comparant ce portrait avec les Codicilles de Louis XIII, en le rapprochant surtout du véritable esprit qui anime cet ouvrage, ne trouve-t-on pas des rapports assez frappants?

Sans doute, les Codicilles renferment une infinité de détails que la gravité de l'historien ne sauroit admettre; mais l'histoire littéraire nous offre divers exemples d'écrivains sérieux qui, sous une forme légère, capricieuse, invraisemblable même, ont voulu dissimuler les observations et les préceptes qu'ils avoient surtout pour but de signaler à l'attention de leurs lecteurs.

Il y a plus, la grande histoire de Mézerai, (dont le premier volume fut publié en 1643, l'année même où parurent les Codicilles), présente des points de ressemblance assez fréquents

fréquents avec les principales opinions émises dans les prétendues dernières dispositions de Louis XIII.

Je ne prétends pas me livrer ici à ce travail de comparaison, que chacun peut faire d'ailleurs, en vérifiant dans l'édition originale de l'histoire de Mézerai, publiée en 3 vol. in-fol., 1643-1651, les passages qui concernent la noblesse, les finances, les ecclésiastiques, la superstition, les tailles et impositions, la magistrature, les moines, le luxe des gens d'église, etc.

Je me bornerai à quelques courtes citations: au sujet des ecclésiastiques et des moines, Mézerai déclame en plusienrs endroits contre leur luxe et leur ambition. Il prétend que les prêtres portoient des diamants jusques sur leurs souliers et faisoient briller sur leurs épaules la pourpre et la soye, despouilles du peuple ou patrimoine des pauvres (t. I, pag. 224). « Les ecclésiastiques, dit-il ailleurs, qui tenoient les plus riches possessions et plus des deux tiers du bien de l'Europe, usurpoient une rude domination sur les autres membres et, s'efforçant de se faire obéir dans les choses temporelles par leur pouvoir spirituel, ils appesantissoient le joug de J.-C. sur la teste de ses enfants.... Les peuples disoient qu'il s'estoit glissé quantité de dangereux abus dans l'église et plusieurs encore accusoient les ecclésiastiques de les y avoir introduits par intérest et considération humaine, etc. (t. I, pag. 397).

Voici comment il s'exprime sur les financiers: Pour remplir sa bourse d'une façon qui ne foulast point le peuple, il (le duc de Bourgogne) fit rechercher les concussions et les voleries des financiers au grand contentement du peuple qui n'estime pas qu'on puisse faire injustice à ces gens-là, de quelque façon qu'on les traite » (t. I, pag. 997).

Enfin il dit en parlant des impôts: Grand nombre de seigneurs et de bourgeois tiroient de France telle pension qu'il leur plaisoit, il falloit de l'argent; et, l'espargne étant vide, on employa les plus rudes moyens et cette forme d'en recouvrer qui escorche la langue seulement à la prononcer, la maletoute,

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