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blèrent sur les conséquences qu'il devoit avoir pour lui, en considérant les peines sévères et arbitraires que les ordonnances alors en vigueur portoient contre les coupables de lèsemajesté divine, Bientôt Nicolas Rapin, prévôt de la connétablie, et dont la fermeté et le zèle dégénéroient quelquefois en rigueur excessive, Rapin dénonça Vallée, le fit arrêter et ordonna en même temps la saisie de tous les exemplaires de l'ouvrage incriminé. On transféra d'abord l'auteur au Châtelet, puis dans les prisons du parlement. Ainsi détenu, Vallée n'étoit pas très malheureux; il lui étoit même permis de recevoir ses amis qui ne cessoient de solliciter en sa faveur; ils demandoient qu'on regardât, Geoffroy non comme un athée, ni un hérésiarque; mais comme un véritable insensé, et qu'atteint et convaincu de folie, il fût renfermé pour le restant de ses jours. Tout fut inutile. Une sentence, rendue au Châtelet le 2 mars 1573, condamna le malheureux à être pendu et son corps réduit en cendres, Sur l'appel qui fut émis, le parlement hésitoit à se prononcer. Après un examen attentif de l'ouvrage, les juges, penchant vers la clémence, paroissoient disposés à ne condamner Vallée qu'à une détention perpétuelle, mais un zèle malentendu donna à l'affaire un résultat, bien plus funeste,

Arnaud Sorbin, évêque de Nevers, étoit alors le confesseur de Charles IX. Ce prélat, ardent ennemi de la réforme, est connu par des ouvrages de controverse écrits avec passion. Il n'avoit pas craint, dans un sermon auquel assistoit le duc de Nevers, de le censurer publiquement, en disant qu'il écoutoit avec trop de complaisance les courtiers des hérétiques; tel étoit le nom que donnoit Sorbin aux magistrats du parti du roi, Or, cet évêque représenta à Charles IX qu'un grand scandale avoit été donné, que l'irréligion ne devoit pas demeurer plus longtemps impunie et qu'il étoit temps d'infliger un juste supplice à un athée détenu dans les prisons de la Conciergerie, bravant la justice divine et humaine. Docile à cet avis, le roi donna ordre au parlement de rendre, sans plus de retard, une déci¬ sion définitive.

Cet arrêt fut prononcé le 8 février 1574. Il est rapporté dans le tome 2 des Nouveaux mélanges de M. d'Artigny, qui l'avoit pris dans le manuscrit 137 de la collection de Dupuy. Nous en relatons les principales dispositions :

<< Veu par la Cour le procès criminel fait à l'encontre de Geoffroy Vallée, prisonnier ès prisons de la Conciergerie du palais, appelant de la sentence par laquelle, pour réparation des cas mentionnés audit procès, ledit Vallée auroit été condamné à estre mené du Chastelet, dedans une charrette, depuis ledit Chastelet jusques au-devant de la principale porte de l'église de Paris, et illec étant nuds pieds, nuë tête, en chemise et à genoux, ayant la corde au col, tenant en ses mains une torche de cire ardente du poids de deux livres, dire et déclarer que, témérairement, malicieusement et comme mal avisé, il auroit faict, composé, faict imprimer et exposer en vente un livre intitulé: la Béatitude des chrestiens, etc, proféré, dict et maintenu les blasphêmes et propos erronés, mentionnés au procès, contre l'honneur de Dieu et de notre mère Saint-Eglise, dont il se repentoit.... en la présence duquel seroient les livres scandaleux et erronés trouvés en son hostel, pris et brûlés devant ladite église. Ce faict, seroit mené et conduit en place de Grève, et en icelle, pendu et étranglé à une potence, qui, pour ce, seroit dressée audit lieu, et son corps brûlé et réduit en cendres: ses biens déclarés acquis et confisqués à qui il appartiendroit...... Requeste présentée à ladite Cour.... au nom du curateur dudit Vallée, tendant afin d'être reçu appelant des procédures faictes.... Ouï et interrogé en icelle Cour, ledit Vallée, pour ce mandé à plusieurs et diverses fois; le rapport des médecins, en la présence desquels ledit Vallée auroit derechef été interrogé par aucuns conseillers d'icelle à ce commis... Tout considéré, dict a esté, sans avoir égard à laditte requeste, que mal et sans grief, ledit Vallée a appellé, et l'amendera.... et outre, ordonne la Cour, que inhibitions et défenses seront faites à toutes personnes, de quelque état, qualité ou conditions qu'ils soient, d'avoir et

retenir par devers eux aulcuns exemplaire dudit livre... Ains leur enjoint d'iceulx apporter dedans vingt-quatre heures, au chef criminel de ladite Cour, pour estre à l'instant ars et brûlés, sus peine à ceux qui en retiendront aucuns, d'estre déclarés fauteurs, adhérans, et punis de pareille peine que ledit Vallée, etc. »

L'arrêt ne fut rendu qu'à une faible majorité, parce que plusieurs membres du parlement opinèrent pour renfermer Vallée dans un monastère, comme insensé. Cette qualification ne ressort-elle pas, en effet, des termes mêmes de la sentence? Eh quoi! elle constate l'existence d'un curateur donné au malheureux Geoffroy, elle atteste encore son interrogatoire en présence des médecins, donc il auroit fallu conclure que Vallée ne jouissoit pas de plénitude de sa raison. De grands doutes s'élevoient du moins sur sa culpabilité et sur le point de savoir s'il avoit agi méchamment et malicieusement, aux termes de l'arrêt. Conduit au supplice, le lendemain 9 février, le condamné ne tint que des propos désordonnés, criant tout haut, dit le journal de l'Etoile, année 1574, que ceux de Paris faisoient mourir leur Dieu en terre, mais qu'ils s'en repentiroient, et qu'ils gardassent hardiment leurs vignes ceste année. « Le feu qui purge tout, dit encore le P. Garasse, purifia par ses flammes les puretés prétendues de cette impure créature, car, par le commandement du roi, on en fit un beau sacrifice a Dieu en place de Grève et fut brûlé à demi-vivant. >

Les bibliographes dont nous avons cru devoir signaler les erreurs sur le nom de Vallée et sur la doctrine de son livre, se sont encore mépris pour la plupart en ce qui concerne la date de son supplice qu'ils ont placé : les uns en 1571, les autres en 1572 ou 1573; ceux-ci à l'époque de Pâques, ceux-là au mois de juillet. L'arrêt ci-dessus doit fixer, d'une manière précise, l'époque de la mort de Geoffroy.

Il y a plus, indépendamment de la note de Lamonnoye, notre exemplaire du Fléo de la Foy, contient encore au frontispice une indication manuscrite, probablement de la part d'un des

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témoins de l'exécution. Cette indication est conçue en cés termes :

D

Il fust condamné a estre pendu et son corpsredduit en cendrés le 2 mars 1573 au Chastelet de Paris et fut ici jugé ledict Vallée, Par arrest du parlement fust la sentence approuvée. LE 9* JOUR DE FEBVRIER place de Grêve a abjuré son erreur publiquement cognessant sa faute.

La cruelle expiation qu'on fit subir à Vallée ne parut pas suffisante, et on voulut encore perpétuer le souvenir de ses folles erreurs.

On lit, en effet, dans le journal de l'Étoile :

Son tombeau fust fait par ung des hommes de mes amis et est tel :

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Impius esse deos cum credere Valla negaret

Bellaque naturæ indiceret atque Deo,
Triste onus è furca colliso gutture pendens
Evomuit fædam, fædior ille animan.
Posi ubi mors oculos supremaque lamina claussit,
Membra ferunt rapidis diripienda focis.

Sic petit gemitu, tenebrisque horrentia regna,

Supremi fugiens regia tecta Dei.

Quamque Deum ut vivus potuisset credere, functus

Tam nullum vellet credere posse Deum.

A Dieu ne plaise que je veuille justifier Geoffroy Vallée, ni prendre la défense de son indigne rapsodie. Livrons au mépris de semblables doctrines. Toutefois, ces actes de rigoureuse justice, ces supplices barbares ont-ils tari la source des criminelles erreurs, et la flamme du bûcher a-t-elle consumé le mal jusque dans ses racines ? Il est permis d'en douter, quand nous voyons le scepticisme lever hardiment la tête au XVIe siècle ét pendant la première moitié du xvII. Plus tard, il est vrai, un changement notable s'opèrera dans les esprits, des doctrines sages et solides succèderont à ces systèmes désordonnés. A quelles causes attribuer cette heureuse régénération? Laissons parler un écrivain célèbre : Les temps étoient venus, a

dit M. Cousin, dans un article consacré à Vanini, Revue des Deux-Mondes, 1843, l'œuvre du xvi° siècle se trouvoit accom. plie; deux hommes ont paru qui ont clos le passé et commencé une ère nouvelle. Richelieu fondoit des séminaires où le clergé pouvoit recevoir une in struction digne de sa haute mission; à côté de la religion, Descartes créoit une philosophie qui la servoit sans en dépendre, et consacroit les droits de la raison, sans entreprendre sur ceux de la foi.

MOUAN,

Avocat, Sous-Bibliothécaire d'Aix.

NOUVELLES.

Il y a tantôt un an (cahier de mars 1851), que nous annoncions aux bibliophiles la publication de la première livraison des Annales de l'imprimerie elsevirienne, ou Histoire de la famille des Elseviers et de ses éditions, par Charles Pieters, qui doit en former trois; aujourd'hui nous avons la satisfaction de les informer que M. Pieters, persévérant dans le rude labeur qu'il a entrepris, vient de faire paraître un deuxième cahier, de plus de 200 pages, qui contient la fin de la seconde partie, ou la suite de l'imprimerie elsevirienne de Leyde; la troisième partie en entier, c'est-à-dire l'imprimerie elsevirienne d'Amsterdam, les éditions datées d'Utrecht et le catalogue des faux elseviers. A ces précieux documents, M. Pieters a joint un supplément qui se divise en deux paragraphes dont l'un est intitulé Editions omises, et l'autre Additions et corrections. Le tout est terminé par une table des matières. Nous n'avons qu'à féliciter l'auteur de ces Annales d'avoir jusqu'à présent rédigé son ouvrage avec une si parfaite connoissance de la matière et une méthode qui n'est jamais en défaut. S'il s'est glissé quelques petites inexactitudes dans ce travail où l'on devoit craindre d'en rencontrer à chaque page, c'est un tribut payé à sa difficulté même, et l'on est heureux de penser que le nombre des erreurs est heureusement

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