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stances de neuf vers chacune: c'est L'ALBION, caprice héroï comique dédié à monseigneur le maréchal de Bassompierre. Voici le début :

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Vive gloire de la France,

Unique amour des Neuf Sœurs,

Qui, malgré tes oppresseurs,
Consolèrent ta souffrance :

Grand héros que, sans raison,
Une insolente saison.

A battu d'un long orage,
Et dont pourtant le courage
Triomfoit de sa prison.....

Bassompierre, pour tout dire,
Toy qui dans les hauts emplois
As vu ce que de l'anglois
Peut desgoizer la satyre;
Toy, dis-je, qui mieux que tous,
Au drosle as tasté le pous,
Sous Bellonne et sous Minerve,
Permets que de luy ma verve
T'escrive en feuilles de hous.

Cette pièce, en style burlesque, fut composée après le Typhon, dont le privilége fut signé le 20 décembre 1643, et qui valut à Scarron le titre usurpé de Père du burlesque.

Si le burlesque n'avoit pas toujours existé dans les chansons populaires, dans ces récits goguenards qu'on sait improviser dans la rue, et s'il falloit mettre un nom devant tous ceux qui ont dû quelque célébrité à l'emploi plus ou moins heureux du genre burlesque, ce n'est pas Scarron, c'est Saint-Amant què je choisiróis.

C'est ici une question de date: c'est donc par une date que j'appuierai mon dire. Le Passage de Gibraltar, qui parut en

1641, chez le libraire Quinet, est précédé d'une préface fort curieuse. Après avoir donné ses louanges à la secchia rapita du Tassone «< où l'héroïque est admirablement confondu avec le burlesque,» Saint-Amant ajoute: Il est vray que ce genre d'écrire, composé de deux génies si différents, produit un effet merveilleux, mais il n'appartient pas à toutes sortes de personnes de s'en mêler, et si l'on n'est maistre absolu de la langue, si l'on n'en 'sait pas toutes les galantériés, toutes les propriétés, toutes les finesses, voire mesmes jusqu'aux moindres vétilles, je ne conseillerai jamais à personne de l'entreprendre. Je m'y suis plu de tout temps, parce qu'aimant la liberté comme je fais, je veux mesme avoir mes coudées franches dans le langage. Or, comme celuy-là embrasse sans contredit beaucoup plus de termes, de façons de parler et de mots que l'héroïque tout seul, j'ay bien voulu en prendre la place le premier, afin que si quelqu'un y réussit mieux après moy, j'aye à tout le moins l'honneur de l'avoir commencé. » Plus loin il dit que son poème fut composé dans la nuit même où le détroit fut passé, c'est-à-dire en 1637. Voilà donc le burlesque créé en 1637, inauguré solennellement par la presse en 1641, et le droit de première possession revendiqué par Saint-Amant: - Scarron n'est pas le créateur du burlesque.

C'est un mérite à mes yeux d'avoir inventé le burlesque, ce style a eu sa raison d'être ; il étoit nécessaire pour faire perdre à notre langue ces allures de grande dame qu'elle avoit prises depuis le commencement du siècle, cette roideur que lui avoit imposée Balzac, cette marche compassée qu'elle n'osoit quitter pour s'ébattre. Et que de tours nouveaux. a apportés l'école des Saint-Amant et des Scarron ! Que de mots elle a conservés, que d'expressions elle a trouvées ! Cent ans plus tôt, le burlesque eût été déplacé, puisque la langue n'avoit rien perdu de sa verve badine, de son entrain capricieux, de sa malice naïve, puisque Marot vivoit; cent ans plus tard, il ne pouvoit plus exister, parce que la langue assouplie se plioit de bonne grâce à toutes les fantaisies de l'écrivain; mais après

Balzac, après Malherbe, le badinage, même exagéré, ne pouvoit qu'enrichir la langue.

Le malheur est qu'on abusa de cette marotte que manioit si bien Scarron, et de là cette défaveur avec laquelle sont justement accueillis presque tous les écrits contemporains; je ne fais pas même grâce au poème que j'analyse.

Après la dédicace que je viens de citer, Saint-Amant trace le portrait des Anglois ; il leur reproche leur humeur inquiète et turbulente, leurs révoltes contre le meilleur des princes.

Eh! quoi, c'est le roi, c'est la 'religion que vous attaquez ! Mais vous en souffrez vous-mêmes: voyez ces deux vaisseaux, autrefois si fiers de leurs superbes voiles, croupir aujourd'hui dans la boue; c'est l'effet de vos discordes, et d'ailleurs,

Il faut que tout se rapporte
Dans un semblable malheur;

quels ornements pourroient-ils conserver,

Tandis qu'un si bon monarque
N'a qu'un pietre vestement?

Quelques uns me pourront dire
Que chasque terre a ses lois,
Et qu'en tous lieux tous les rois
N'ont pas un esgal empire....

Je confesse qu'à cet ordre
De tel est nostre plaisir.
Tous, au gré de leur désir
N'ont pas le pouvoir de mordre:
Mais je n'approuveray point
Que pour débattre ce point

Par la seule violence,

On en vienne à l'insolence

De mettre un prince en pourpoint.

Cette manière d'approuver à demi que tous les rois n'aient pas à leur gré le pouvoir de frapper du tel est nostre plaisir, auroit peut-être un peu senti le fagot sous Richelieu, mais il n'étoit pius, et d'ailleurs ce poème est resté manuscrit.

Saint-Amant, fidèle à la règle que lui imposoit son admiration pour le mélange du burlesque et de l'héroïque, relève parfois son style; ainsi, il plaint sérieusement la reine et les princesses de sa suite; mais de quoi les plaint-il? De n'avoir plus leurs habits somptueux, ni leurs diamants. Ce ne sont pas de telles pertes qui rendent intéressante une mère séparée de sa fille, une femme dont le mari est en danger, une reine sans royaume. Saint-Amant a pu voir cette princesse, si sublime dans l'œuvre de Bossuet, et voyez ce qu'il a retenu de ses conversations:

Sa bouche royale et franche
M'a conté tres volontiers
Comme en neuf soleils entiers

Son dos ne vit toile blanche.....

Non, ce n'est point ainsi qu'on plaint le malheur ! quand la pitié s'exprime ainsi, la pitié est une insulte. La strophe suivante est plus digne, à un vers près :

Race à tout vice portée,

Peuple rogue et mal nourry,.

La fille du grand Henry

Doit-elle estre ainsi traittée ?

Ne craignez-vous point qu'un jour
L'astre qui de nostre cour
Est l'espérance et la joye,
Pour la venger ne déploye

Et sa haine et son amour?

Suivent des menaces, des injures au peuple anglois, peuple inhospitalier, peuple sans foi, peuple hérétique plus que

Luther et Calvin, peuple chez qui la musique est mauvaise, le vol fréquent, le gibet toujours prêt. - Honneur à notre Jeanne qui l'a vaincu !

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J'aime à voir ainsi le cœur de Saint-Amant s'animer, son vers s'ennoblir aux souvenirs des gloires de la patrie. Mais pourquoi ne pas continuer sur ce ton? Pourquoi tant se moquer de la poésie des Anglois ? Est-elle inférieure aux beaux.

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