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CHAPITRE V

De quelques obstacles à notre avancement spirituel et de quëlques moyens, au contraire, qui nous conduisent à une haute perfection.

1. Le premier obstacle qui se dresse entre nous et Dieu ou sa sainte grâce, c'est la nature immortifiée et corrompue qui met son amour et son plaisir, d'une manière désordonnée, dans les choses créées. Quiconque est dominé par cette nature, se sent impressionné par tout ce qui arrive; il obéit aussitôt à l'amour ou à la haine, suivant les circonstances. C'est ainsi qu'il perd l'affection divine et qu'il persévère dans ses passions et ses vices, sans jamais se mortifier.

2. Un second obstacle, c'est l'amour de soi, la volonté propre, le sens propre, la recherche propre. Autant de choses qui enlèvent le plus souvent la paix et divisent les cœurs. Quiconque, en effet, n'aime pas et ne cherche pas Dieu, plus que tout le reste et plus que lui-même, ne tarde pas à négliger l'honneur divin, toutes les vertus et à se déclarer indifférent à l'égard de Dieu même. Insouciant, il n'a d'attention que pour lui. Il ne pense qu'à son bien-être, à sa réputation, à son plaisir. Aussi avec quelle facilité devient-il la proie de toutes les tentations et de toutes les erreurs !

3. Un troisième obstacle, c'est la facilité avec

laquelle nous nous laissons extérioriser par les sens, le goût que nous prenons à la société des hommes, l'abus que nous faisons des conversations, l'ingérence dans une foule de choses auxquelles nous nous mêlons sans nécessité; autant de manières de faire qui nous privent de la douce et intime familiarité de Dieu.

4. Un quatrième obstacle, c'est notre violence. Nous sommes ardents; nous ne doutons de rien. Les petites fautes, les légers défauts passent pour nous inaperçus et insignifiants. Tout cela nous fait perdre la paix et la pureté du cœur.

5. Un cinquième obstacle, c'est que nous nous glorifions immédiatement des vertus et des bonnes œuvres qui cependant ne sont pas, à proprement parler, à nous; nous nous y complaisons, nous en tirons vanité, et, par un fond d'orgueil, nous voulons être tenus en haute estime par les autres. C'est là, évidemment, perdre la véritable humilité et nous exposer à être abandonnés par Dieu.

6. Un sixième obstacle, c'est notre promptitnde à juger ce que nous voyons ou entendons, notre tendance aux mauvais soupçons, à la jalousie, ce qui détruit en nous la charité fraternelle.

7. Un septième obstacle, c'est notre paresse et notre tiédeur dans l'oraison; aussi voyons-nous s'évanouir très vite nos désirs et nos aspirations vers Dieu.

8. Un huitième obstacle, c'est notre manque d'attention sur notre fond intérieur; nous n'y pensons pas; nous ne faisons aucun effort pour répon

dre aux instincts divins, en réprimant les nôtres ; nous ne nous tenons pas en la présence de Dieu avec assez de force. Et c'est ainsi que détournant notre esprit (mentem) de cette lumière très simple qui est an-dedans de nous, nous le portons au dehors, vers la multiplicité. Voilà pourquoi nous ne sommes ni illuminés par Dieu, ni éclairés sur nous-mêmes, nous restons, intérieurement, compliqués (multiplices) et instables; au dehors, insatiables dans nos

sens.

9. Un neuvième obstacle, c'est que nous accomplissons toutes nos œuvres, bien plus par l'effet d'une bonne habitude que par un amour intérieur et un sentiment intime. Nous faisons plus de cas de certaines pratiques ou dévotions singulières et de bonnes œuvres éclatantes ou multipliées, que de l'intention pure et de l'amour fervent pour Dieu. Aussi bien ne comprenons-nous pas comment Dieu peut résider en nous avec la plénitude de sa grâce.

10. Le dixième obstacle c'est que nous recevons <comme venant des créatures ce que nous ne devrions recevoir que de Dieu seul. L'attention et la sollicitude que nous portons sur elles, nous absorbent tout entiers. Aussi ne savons-nous plus nous appuyer sur Dieu avec une véritable confiance. De là vient que nous ne pouvons jamais trouver une résignation sincère et la vraie paix du cœur.

Par contre, il y a certains caractères d'une grande perfection. Ceux qui s'appliqueront par leur conduite et leur vie à pratiquer ces différents points en retireront un profit immense.

1. C'est d'abord de chercher Dieu en tout, de faire en tout temps abnégation de soi et de ne jamais se rechercher soi-même en rien.

2. C'est, en second lieu, d'interpréter toutes choses en mieux et de tirer de tout ce qu'on voit ou entend un avancement pour son salut.

3. C'est, en troisième lieu, d'aimer indistinctement tous les hommes, de les regarder tous comme des frères et de ne rien dire d'un absent qu'on ne put dire en sa présence.

4. Quatrièmement, c'est de tout recevoir uniquement de la main de Dieu, de s'offrir à Lui avec toutes les créatures et de Lui rapporter toutes choses dans un perpétuel sacrifice de louanges et d'actions de grâces. N'en doutez pas, Dieu lui rendra la pareille,

et ainsi, cet homme conservera toujours la

paix.

5. Cinquièmement, c'est de rester pacifique et patient dans les épreuves que Dieu lui envoie, de manière à ne se plaindre jamais pour aucun motif, ni de Dieu ni des hommes. Qu'il n'aille pas dire qu'on lui en fait trop ou pas assez, mais qu'il soit content de tout, sans affirmer intérieurement aucune préférence, restant indifférent à toutes choses. Ainsi, il jouira de la paix et de la joie.

6. En sixième lieu, il doit être disposé et ordonné de telle sorte qu'il soit tout à Dieu, en toutes choses, et que Dieu soit de son côté tout pour lui. Qu'il reconnaisse et aime Dieu dans toutes les créatures, et toutes les créatures en Dieu. Qu'il contemple ces dernières par leur côté le plus sublime, c'est

à-dire telles qu'elles étaient en sortant de Dieu, leur origine.

7. Le septième point, c'est de tenir toujours son esprit (mentem) bien haut, bien pur, bien immobile, en Dieu, au-dessus de toutes les choses mesquines et passagères. Qu'il reste toujours seul, unique, sans division en lui-même, et qu'il persévère, toujours ferme et fervent, dans ses exercices. Qu'il s'attache intérieurement, de tout son amour et de toutes ses forces, à Dieu tout-puissant, de manière à servir d'exemple à tous les hommes par le spectacle de ses vertus et de sa vie sainte, de manière aussi à les ramener tous à Dieu par ses paroles, par ses œuvres, par toute sa conduite et toute sa vie. Que, de plus, il soit volontairement pauvre, patient dans les adversités, dépouillé de toute volonté propre; qu'il obéisse à Dieu, sans réserve, et qu'il entoure ses ennemis eux mêmes de son amour. Voilà vraiment ce qui manifeste la charité divine et la perfection de la vie spirituelle cachée dans l'homme.

Mais afin de pouvoir acquérir avec plus de facilité et conserver plus fidèlement cette perfection, voici quelques pratiques qui pourront être utiles.

Cet homme élèvera souvent son cœur vers Dieu, dans une fervente prière, lui demandant sa divine grâce et son secours, car de lui-même il est incapable de tout bien. S'il tombe dans quelque péché même véniel, aussitôt il se recueillera très attentivement dans son fond intérieur, et se retournera vers Dieu avec le ferme propos de se confesser et de faire tous ses efforts pour se corriger. Tous les jours, il assis

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