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sent admirablement l'esprit, la manière, le génie de l'auteur des sermons regardés comme authentiques et que, tout compte fait, il vaut mieux les lui attribuer, comme d'ailleurs on l'a fait depuis des siècles, plutôt que de déclarer ces ouvrages aprocryphes ou d'en faire honneur à un compilateur et un plagiaire qui, pour nous mystifier comme Rulmann Merswin, aurait composé des chefs-d'œuvres.

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Quoiqu'il en soit nous aurons à revenir sur ces considérations tous les vieux documents qui ont servi à M. Charles Schmidt comme à tous les copistes qui l'ont précédé, ne sont plus; de sorte que le contrôle est impossible pour l'un aussi bien que pour les autres. Il semble donc qu'en stricte justice et en vertu même des lois de la critique, tous ces copistes, sans distinction, devraient être ou également admis ou également rejetés, rejetés surtout, puisqu'enfin toute copie de quelque côté qu'elle vienne est sujette à caution et ne remplace jamais l'original.

Voilà pourquoi, si nous osions faire une simple remarque à M. Ferdinand Vetter, nous lui dirions qu'il s'est montré trop large en admettant dans son ouvrage la copie de 45 sermons qui, n'ayant plus leur manuscrit original pour les garantir, peuvent, à la rigueur, être considérés comme suspects, et apocryphes, au même titre que les autres ouvrages dont nous parlons et dont on récuse la valeur. Le volume déjà si réduit des œuvres authentiques devrait donc, en se plaçant au point de vue de la critique absolue, être encore diminué de plus de la moitié, et au lieu de 81 sermons qu'il contient, se borner à nous en

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offrir 36; car, si on excepte les quatre enfermés dans les manuscrits de Vienne et qui n'ont pas été reproduits, ce sont les seuls qui subsistent avec certaines pièces d'identité, les seuls sur lesquels on puisse établir une confrontation rigoureuse. Tous les autres manuscrits ont disparu, y compris ceux de Strasbourg, brulés en 1870, et leur absence, par là même, laisse planer un doute sur les reproductions qui en ont été faites et dont une critique qui veut être absolument sûre d'elle-même, ne peut pas et ne doit pas se

contenter.

L'on aurait tort de voir dans cette remarque la moindre ironie. Personne n'admire autant que nous le travail consciencieux et énorme qu'a demandé cette collation de textes, pour ne pas en laisser passer un seul de ceux qui se sont introduits dans les éditions populaires, sans l'avoir examiné, contrôlé, confronté avec l'original et savoir ainsi s'il doit être banni, comme interpolé, ou conservé comme authentique. Il n'y a pas d'hommage plus grand pouvant être rendu à un homme que ce respect des savants mettant leur patience et leur génie à recueillir très exactement tout ce qui est tombé de sa plume et de sa bouche, comme autant de reliques du passé.

Une seule chose pourrait avoir plus de prix que la collection des manuscrits de seconde main attestant l'enseignement d'un maître, ce serait la possession même et la conservation des autographes.

Cependant, si précieux que soient ces documents de l'antiquité, ils ne sont que des reliques : le temps les emporte une à une comme il emporte la cendre

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des morts. Les vieux parchemins comme tout ce qui est fait de matière s'altèrent et tombent en poussière. Déjà, la plupart de ceux qui concernaient Tauler il n'est personne, que je sache, à le mettre en doute - n'existent plus, et un jour viendra il faut s'y attendre où il ne subsistera plus rien des trois ou quatre derniers témoignages rigoureusement authentiques rendus par ses contemporains au grand prédicateur et au grand mystique. Un incendie, comme celui de Strasbourg, en 1870, suffira à les faire disparaître. Faudra-t-il dire alors que l'œuvre tout entière de Tauler a disparu et qu'il n'en reste plus rien? Rien de sa vie que racontait autrefois un vieux manuscrit et devenue une légende; rien des traités que jadis on affirmait avoir été édités ou traduits d'après de très anciens documents et dont la critique aujourd'hui que ces documents ne sont plus, se désintéresse; rien même des sermons qui constituent encore le dernier legs authentique? Cet héritage déjà si réduit, perdra-t-il toute sa légitimité quand les pièces qui l'authentiquent n'existeront plus? et devra-t-on renoncer, à tout jamais, à cette propriété sacrée du jour où on ne pourra plus montrer un seul des vénérables parchemins qui l'appuyaient? Ces titres, une fois anéantis, n'y en aura-t-il plus aucun pour permettre aux descendants appauvris de garder en paix un bien précieux dont les anciens munis de tous leurs actes notariés jouissaient sans conteste?

Non, nous ne croyons pas à cet appauvrissement progressif et nécessaire des derniers venus dans le

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monde de la pensée. S'il y a un domaine impérissable et transmissible, en dehors de telle ou telle forme juridique et documentaire, c'est celui de la vérité. La vérité porte avec elle ses titres de créance, et il serait trop malheureux, vraiment, s'il fallait y renoncer parce qu'elle ne se présente plus avec le seing et le contreseing dont elle était revêtue à l'origine, quand l'auteur lui-même écrivait ou que des auditeurs recueillaient et mettaient sur des pages les enseignements qui tombaient de sa bouche. Sans doute, les savants ont cent fois raison de recourir aux documents, de s'appuyer sur eux, de veiller à leur conservation avec un soin jaloux et d'invoquer leur incomparable autorité. Ils font une œuvre importante entre toutes, en mettant au dessus de toute discussion les écrits et les textes dont l'authenticité se trouve ainsi établie par ces témoins irrécusables. Cependant, avec tout le respect que nous leur devons, qu'il nous soit permis de leur dire que le point de vue auquel ils se placent, si louable et si méritoire soitil, ne doit pas être exclusif, comme s'il ne pouvait pas y en avoir d'autre. Il nous semble excessif, par exemple, de rejeter comme sans valeur, ou de déclarer comme du pseudo-Tauler, tous les sermons, traités, lettres ou opuscules que des éditeurs ou des traducteurs très consciencieux nous avaient donnés comme des copies ou des versions fidèles sur d'anciens manuscrits reconnus jadis comme bons, mais malheureusement disparus. Nous avons du mal à admettre que tout cela n'offre aucune garantie et que, par conséquent, on doit y renoncer purement et

simplement pour s'en tenir désormais exclusivement au texte contrôlé et éclairé par les sources actuellement existantes. Que la disparition des documents primitifs soit infiniment regrettable et mette les livres dont les originaux n'existent plus dans un degré inférieur d'authenticité, de manière à empêcher une démonstration évidente, palpable, scientifique, au sens que veulent les savants, nous n'y contredisons pas; libre à ces derniers de garder leur méthode et leur manière de voir : nous n'y trouvons que du bien; mais peut-être n'est-il pas nécessaire, ni utile d'imposer à tous, indistinctement, leur très noble point de vue comme s'il devait être l'unique.

On s'est beaucoup étonné, indigné presque, qu'ayant à notre disposition le volume de M. Ferdinand Vetter contenant << l'œuvre de Tauler dans sa physionomie propre et ses traits véritables, ni pieusement augmentée ni faussement amoindrie, mais absolument authentique », nous ne nous en soyons pas contenté pour faire notre traduction. « Faire la version d'une version quand on a sous les yeux l'original semble un anachronisme ». A cela nous répondrons bien modestement que nous laissons à d'autres le soin de mettre en français l'œuvre savante du célèbre professeur de Munich.

Celui qui entreprendra ce travail fera sûrement un livre qu'on pourra consulter avec profit. Quant à nous, il nous a paru et il nous paraft encore que cette entreprise ne répondrait nullement au but que nous nous proposions. Nous voulions procurer aux âmes pieuses une nourriture spirituelle, abondante

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