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joie; mais quand il sent qu'il est sorti de cette union, qu'il le regrette, qu'il soupire, qu'il gémisse et de nouveau qu'il se recueille dans son intérieur, et toujours ainsi. Peut-être, au commencement, trouverat-il l'ennui de quelque difficulté? Que ce ne soit pas une raison pour l'arrêter. Il n'est pas rare, vous le savez, que ce qui, dès le début, se faisait péniblement et exigeait de la violence, devienne, dans la suite, facile et se fasse même avec grand plaisir, pourvu qu'on persévère dans ce qu'on a commencé.

Enfin, pour ne pas allonger outre mesure, voulezvous faire vraiment des progrès? Ecoutez toujours la voix de votre bon Père, comme s'il était là, parlant, devant vous. N'est-il pas très présent, en effet? Que ses paroles résonnent à votre oreille : « Mon fils, « rentre dans ton cœur; dégage-toi, autant qu'il est << possible de toutes choses; recherche la pureté du «< cœur; préserve ton intelligence des images des « réalités inférieures; soustrais ta volonté et ta pas«sion à l'amour des biens visibles »>.

Ajoutez à cela qu'il vous faudra tenir constamment votre mémoire fixée en Dieu par une douce affection, toujours; vous devrez adhérer au souverain Bien, sans intermédiaire, par un amour ardent, et c'est ainsi, comme je l'ai déjà dit, que toute votre âme ayant réuni et concentré toutes ses puissances, toutes ses activités, ne fera qu'un seul esprit avec Dieu.

Voilà la somme de toute sainteté, voilà le moyen d'atteindre facilement le but suprême et la fin de la véritable perfection. Hélas! un sur mille à peine y

aspire. La plupart des hommes perdent leur temps et consument leurs forces dans des moyens qui ne portent que peu de fruits. Ils passent inutilement de longues années sans le moindre progrès pour leur esprit, et ils négligent malheureusement ce bien incomparable.

Par conséquent, désirez-vous le bonheur d'être pardonnés de tous vos péchés ? aspirez-vous à être ornés de toutes les vertus ? retirez-vous toujours en Dieu et demeurez en Lui. Dressez en Dieu votre tente et vous serez vainqueur dans tous les combats. Car, plus un homme connaît parfaitement son impuissance, sa faiblesse, sa misère et offre, donne à Dieu toutes ses actions sans en retenir pour lui-même la moindre part, et plus lui et ses actes sont rendus divins.

Que dirai-je encore? Renonçons à nous mêmes, au ciel et à la terre, et à tout ce qu'ils contiennent et jetons tout en Dieu. Restons en Lui, habitons en Lui et soupirons à cette union que j'appellerais (si je ne craignais d'aller trop loin) l'union essentielle. Pourquoi, je vous le demande, mettons-nous, par un renversement de l'ordre, notre amour et notre plaisir dans les créatures mortelles, puisqu'enfin nous ne pouvons pas nous unir à elles? tandis que nous pouvons, en quelque manière, nous transformer en Dieu ? Offrons-nous donc à Dieu, et avec nous offronslui toutes les créatures avec leur amour et leurs affections, et, pour procurer sa gloire, abandonnonsnous à sa volonté.

Soyons-en sûrs, en agissant ainsi nous obtien

drons bien plus de véritable avancement, en un seul jour, que nous n'en obtiendrions pendant trente ans et davantage avec la propriété de nous-mêmes (1).

(1) Est-il besoin de faire remarquer tout ce que ces chapitres contiennent de lumière sur la vraie mystique ? Le lecteur l'a déjà constaté. Trop longtemps, on nous a représenté Tauler et toute l'école à laquelle il appartient, comme un fouillis de conceptions vagues, d'idées outrées, obscures, prêtant à toutes les interprétations du philosophisme le plus panthéiste, et da mysticisme le plus déséquilibré. Qu'y a-t-il de plus clair, de plus rationnel, et, osons le dire, de plus strictement théologique ? Sans doute, les sommets où ils nous conduit, provoquent parfois le vertige; nous ne comprenons pas ce qui se passe dans cette union ineffable de l'âme avec Dieu. Il y a là des obscurités rayonrantes et des ténèbres éblouissantes. Mais, après nous avoir élevés si haut, comme il sait redescendre; montrer l'infirmité de la nature humaine, sans méconnaître, toutefois, un instant, sa prodigieuse grandeur ! Il nous parle, avec une richesse d'expressions qu'on ne niera pas, de cet esprit, de ce « mens » ouvert à tous les rayonnements de la divinité, et fécondant au-dessous de lui tout ce qui est de l'homme et dans l'homme, sans que l'homme ni aucune créature puis-e s'élever jusqu'à lui pour le comprendre. Homo non percipit hoc, suivant un mot prêté à saint Thomas et que nous aimons à rappeler. Est-ce la faute à saint Thomas, à Tauler et aux mystiques du Moyen-Age, si on n'a pas pu ou voulu, dans nos temps de positivisme ou plutôt de matérialisme et de déification de la matière, s'élever jusque-là? Il faudra qu'on y revienne. On n'étouffe pas l'enseignement de l'Evangile, pas plus qu'on n'étouffe les aspirations de l'esprit humain. Or, il se trouve on en conviendra peut-être que nos grands mystiques, qui étaient à la fois grands philosophes, interprètent admirablement l'Evangile, tout en nous révélant nous-mêmes à nous mêmes, dans une psychologie qui n'est pas de circonstance, mais qu'ils empruntent à Piaton, à Aristote et à Proclus.

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CHAPITRE XXVI

Toute la doctrine de Tauler résumée en trois points. Comment nous devons cesser d'être à nous-mêmes pour nous perdre en Dieu d'une manière parfaite.

Il ne sera pas inutile de réunir ici en trois points, comme en résumé, tout ce qui est contenu au long dans cet ouvrage.

1. Et d'abord, quiconque aspire à un haut degré de sainteté, à une amitié toute spéciale avec Dieu; quiconque désire aimer Dieu de toutes les forces de son âme et son prochain comme soi-même, quiconque enfin veut, dès ce monde, sentir Dieu, vraiment, au fond de lui-même, doit éteindre parfaitement en lui et conserver éteints toute délectation et tout plaisir pour les créatures, quelles qu'elles soient, en dehors de Dieu. N'importe quel objet, en effet, dans lequel la nature, soit au dedans soit au dehors, trouve sa délectation et son plaisir, en se recherchant et se caressant elle-même d'une manière désordonnée, c'està-dire sans que Dieu en soit le motif et sans qu'il y ait pour nous la moindre nécessité, quel que soit l'état dans lequel nous nous trouvions, tout objet, dis-je, recherché de la sorte doit être absolument rejeté; il n'est permis de mettre son bonheur ou le plaisir de ses sens dans aucune chose créée. J'entends évidemment parler ici de ce qu'on désire se procurer

par pure délectation, sans qu'il y ait vraiment une nécessité raisonnable.

2. En second lieu, celui qui veut arriver, soit dans ce monde soit dans l'autre, à la connaissance de la Vérité suprême, devra également s'abstenir et se dégager, intérieurement, de toute délectation de l'esprit dans tout sujet où il pourrait se chercher lui-même ou du moins y trouver son compte. Il arrive très souvent, en effet, qu'après avoir renoncé aux choses extérieures, intérieurement, dans l'esprit, naissent de grandes jouissances à l'occasion de travaux ou d'exercices intellectuels. L'esprit s'arrête à ces images et s'y complaît; il s'établit lui-même comme le centre et le but de ses études, et ainsi il ferme l'entrée à la vraie lumière, de sorte que celle-ci ne peut pas resplendir parfaitement, ni d'une manière excellente, précisément à cause de cette délectation qui se mêle à ses exercices. Car l'esprit cherche sa satisfaction dans sa nature propre ou dans les actes qu'il fait. C'est là un désordre. Quels que soient, en effet, ces actes, qu'il s'agisse de contemplation, de méditation, d'images ou de formes, de modes ou d'exercices quelconques, du moment qu'il lui arrive de sentir et d'éprouver une complaisance et un repos délicieux dans les objets intellectuels ou les travaux auxquels il se livre, ce n'est plus Dieu qu'il a uniquement pour objet et pour fin, ce n'est plus Dieu qui est cherché et touché de tout cœur, purement et sincèrement (1).

(1) C'est là un danger, est-il besoin de le faire remarquer? auquel sont très exposés les théologiens en particulier. Ils trai

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