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CHAPITRE XV

De la patience en toute adversité, à l'exemple du Christ et de tous les saints

De l'abnégation à la volonté propre dont nous avons parlé naît la patience, dont nous avons dit aussi quelque chose à propos de la résignation patiente.

La patience est une vertu qui nous fait supporter avec courage tous les malheurs, tous les troubles qui peuvent nous venir des persécutions et des injures. On a dit de la patience qu'elle était l'ouvrière de la paix; sans elle, en effet, il est impossible de goûter la vraie paix. Elle est la médecine qui guérit tous les maux. La chair a beau être affligée de toutes les croix, l'esprit vraiment patient demeure en repos et tranquille. Voilà pourquoi Notre-Seigneur a dit : « Vous possèderez vos âmes dans la patience (de votre corps). « (Luc, 21). Car la patience va jusqu'à adoucir et à soulager les peines et les souffrances du corps. N'est-il pas vrai que plus un homme est impatient dans son âme, insoumis et révolté, plus il souffre dans son corps? Celui-là donc qui serait rempli de la vertu de patience à un degré supérieur conserverait davantage la joie et une sorte de saveur divine au milieu des plus violentes persécutions et des plus sanglants outrages. Tous les malheurs, de quelque nature qu'ils soient, lui plaisent; il les goûte à cause de la gloire éternelle de Dieu.

Ah! si nous pouvions contempler les terribles afflictions qui ont pesé sur les saints, comme nous supporterions, je ne dis pas seulement avec patience, mais avec joie tous les malheurs, en voyant l'allégresse qui les remplissait au milieu de leurs affreux tourments. N'était-ce pas André, ce glorieux apôtre du Christ, qui, en voyant la croix sur laquelle il allait être suspendu, s'écriait plein d'enthousiasme : « 0 bonne croix, qui as été consacrée par le corps du << Christ et embellie comme par autant de pierres << précieuses par ses membres sacrés, je te salue. Je << viens à toi joyeux, pour que, joyeuse aussi, tu me « reçoives; pour que tu me retires du milieu des << hommes et me rendes à mon maître, etc... »? N'était-ce pas saint Vincent qui, dans des tortures atroces, souriait à son bourreau, en lui disant : « Continue, malheureux, laisse déborder toute ta rage: tu verras que par la force de Dieu, je puis plus pour souffrir, que toi pour me torturer. Quand tu crois déverser le plus ta colère contre moi, c'est sa miséricorde que je sens davantage ? »

Oui, si nous aussi nous étions vraiment patients, il n'y aurait rien qui nous fut plus familier que de nous voir persécutés et méprisés par tous. Plus les autres nous feraient du mal et plus nous jugerions qu'ils nous sont utiles et indulgents. Il n'est pas de souffrance, si petite soit-elle, courageusement acceptée pour Dieu qui ne nous soit plus utile que la possession de tout un monde. Pour la plus petite souffrance, en effet, supportée pour la gloire de Dieu, nous n'aurons pas d'autre récompense que Lui-même. Si

donc nous voulions considérer les saints et voir tout ce qu'ils ont souffert pour Dieu, eux, qui cependant étaient comme nous, des hommes faibles, si en même temps nous voulions bien réfléchir que le bras de Dieu ne s'est pas raccourci et qu'il peut nous apporter le même secours de la grâce dont il les a soutenus, si nous pensions à cela, nous serions, à bon droit, couverts de confusion non seulement pour ne pas pouvoir, mais pour ne pas vouloir souffrir la moindre chose pour Dieu. Il est bien cependant pour nous ce qu'il a été, autrefois, pour eux, toujours puissant et prêt à nous venir en aide.

Mais si, non contents d'examiner ce qu'ont souffert les saints, nous méditons sur la Passion du Christ exempte de toute consolation, sur sa mort ignominieuse, sur ses tortures tellement affreuses que jamais homme n'en endura de semblables; si nous considérons qu'il a été confondu avec les scélérats, qu'il a versé jusqu'à la dernière goutte de son sang et qu'il n'y a pas eu, dans tout son corps, de place qui n'ait été déchirée et mise en lambeaux; si nous réfléchissons à la dignité de celui qui souffre ainsi, au motif qui l'a porté à tant d'humiliations, c'est-àdire l'amour pur, et pour qui? pour les pécheurs, pour les bourreaux qui l'insultaient encore et qu'il avait créés de rien, pour les appeler à une immense gloire; si nous remarquons avec quelle tendresse, quel amour persistant il se tourne vers ses ennemis qui lui donnaient la mort, comment il étend ses bras pour les recevoir, comment il incline sa tête pour les baiser, comment il ouvre son cœur pour leur

permettre d'y entrer, et tant d'autres marques d'affection qu'il leur donne et qu'il serait trop long d'énumérer ici; quand, dis-je, nous voyons tout cela, il n'y a pas de spectacle qui puisse nous donner plus de forces, nous enflammer davantage pour la patience, que celui-là. Il serait bien étrange, vraiment, quand notre attention recueillie se porte sur toutes les souffrances qu'a endurées pour nous dans sa nature humaine cette majesté infinie, oui, il serait bien étrange que nous ne puissions pas supporter, par amour pour lui, les tourments les plus terribles, serait-ce même l'enfer. Eh! quoi? mais lui-même a d'abord souffert tout cela; il l'a souffert pour les iniquités que nous avions commises, nous; et c'est lui, le souverain Seigneur, le seul: il n'y en a point d'autres; lui, que nous avons offensé, lui, qui souffre! Ah! il n'est pas seulement pour nous un modèle de patience; il est la couronne de la victoire : il est la récompense. S'il veut, en effet, que nous souffrions quelque chose, ce n'est pas gratis et sans fruit. Non seulement il nous préparera une grande récompense pour les souffrances que nous aurons supportées, mais il nous fera participer au mérite et à la gloire de ses propres souffrances. C'est sur sa Passion surtout que nous devons nous reposer, sur elle que nous devons espérer plus encore que sur la nôtre, car nos douleurs ne nous sont utiles que par le mérite des siennes.

Puis donc que le Christ Jésus, notre ami toujours fidèle (que notre infidélité même ne peut pas détourner de nous), s'est renoncé totalement; puisqu'il a

souffert, je ne dis pas seulement avec patience, mais avec joie pour la gloire de Dieu son Père et pour notre salut, n'est-ce pas un devoir pour nous d'accepter patiemment, en son honneur, et comme nous venant de sa main, tout ce qu'il lui plaira de nous envoyer de souffrances, soit directement, soit par l'intermédiaire des hommes? Si nous sommes vraiment patients, rien ne pourra nous contrister. Ni la perte des biens temporels, ni celle de nos parents, de nos amis, de nos proches, ni l'infirmité, ni l'ignominie, ni la mort, ni la vie, ni le purgatoire, ni le démon, ni l'enfer, non, rien ne nous ébranlera, parce que nous nous serons déjà entièrement renoncés nousmêmes et abandonnés sans réserve à la volonté divine et à son bon plaisir. Quand on a conscience, en effet, de ne porter en soi aucun péché mortel et qu'on s'est remis tout entier aux mains du Seigneur, il devient facile de supporter tout ce qui lui plaira, pour le temps et pour l'éternité. Cette prière vient alors spontanément sur les lèvres : « Père, que votre volonté se fasse et non pas la mienne » (Math., 26) (1).

(1) Il faudrait avoir une idée bien préconçue pour confondre ces principes sur l'abandon total à Dieu et l'amour pur avec les principes de Mme Guyon ou de Fénelon, à plus forte raison avec ceux de Molinos. Le quiétisme de celui-ci ne tendait à rien moins qu'à une sorte d'impeccabilité et se rattachait aux théories plus que bizarres, grossières et infâmes des Béguards, contre lesquels Tauler s'est tant de fois insurgé. Le quiétisme de Fénelon et de Mme Guyon à Saint-Cyr est d'une nature plus éthérée, plus morale et plus pure. On y professe bien l'amour de Dieu qui élève toujours et ne peut jamais servir de prétexte aux turpitudes des plus bas instincts; mais là où la sentimen

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