Obrazy na stronie
PDF
ePub

sans être chaude; l'autre est éclairée et chaude tout à la fois.

1. L'humilité purement éclairée est celle qui procède de la raison plus encore que de l'amour. Lorsqu'en effet, l'homme contemple la grandeur de Dieu et sa propre petitesse, la fidélité de Dieu et sa propre ingratitude; ce qu'est Dieu, les bienfaits immenses qu'il en a reçus, et ce qu'il est, lui, tous les outrages dont il l'a comblé; que de grandes et puissantes raisons, il trouverait, s'il le voulait, pour s'humilier, à juste titre, et se confondre dans son néant! Mais parce que cet homme s'applique à ces considérations par la raison, plus encore que par l'amour, il se trouve que son humilité peut bien être éclairée; elle n'est pas fervente. Sans doute, à la vue de tout cela, il se méprise et à bon droit; mais il ne saurait supporter, avec la même facilité, que les autres le méprisent. Et si cela lui arrive, il en est troublé et ému, sa raison s'obscurcit, et, oubliant ce que celleci lui démontrait tout à l'heure, comment il est digne de tous les mépris, s'il les reçoit il s'irrite. Il n'est pas douteux que l'humilité, comme d'ailleurs toutes les autres vertus, est un acte de volonté. Par la raison nous connaissons ces vertus, mais elles ne nous plaisent que par l'amour. Sans charité, il n'y a pas de vertu qui ait une saveur surnaturelle.

2. L'autre humilité que nous avons appelée éclai rée et fervente procède de l'amour plus encore que de la raison, bien que celle-ci ne lui soit pas étrangère. Lorsqu'en effet un homme vraiment humble recueille toutes ses puissances dans l'amour et qu'il

se tourne vers Dieu de tout son être (ex toto); lorsqu'il est mû et entraîné divinement à considérer ce qu'est Dieu, comme il lui apparaît admirable et ineffablement grand, puisque toutes les créatures ne peuvent pas le contenir ! Comme, seul, il est Puissant et élevé, puisqu'il a fait toutes choses de rien et qu'il peut tout ce qu'il veut; puisqu'il nous a créés nousmêmes et choisis pour nous revêtir d'une dignité telle qu'aucune créature ne peut la concevoir, et qu'il nous est impossible à nous-mêmes d'imaginer comment Il aurait pu, avec sa toute puissance, nous élever à une dignité plus haute. Car enfin Il ne pouvait pas faire de nous des dieux par nature (cela n'appartient qu'à Lui seul), et alors, Il a fait de nous des dieux par grâce, nous appelant à posséder, avec Lui et en même temps que Lui, dans un amour éternel, la même béatitude, la même joie, le même royaume ! Et voilà pourquoi il nous a faits à son image et à sa ressemblance, afin que par cette image nous soyons capables de Lui (capaces ipsius), et rendus semblables à Lui, en forces et en vertus, autant, du moins que le permet la condition humaine (1). Pour

(1) Nous voulons encore une fois souligner cette doctrine fondamentale. L'homme est fait à l'image de Dieu et voilà pourquoi il est capable de Dieu, de le voir et de le posséder. Mais cette image n'est pas dans l'homme tout entier, pria indistinctement dans sa nature, elle n'est pas dans son corps, elle n'est pas même dans son âme, forme du corps ou príncipe de ses opérations raisonnables et strictement humaines; elle n'est que dans le fond de cette âme, dans la partie exclusivement spirituelle et qui n'a rien à voir avec le composé, dans le « mens » in mente.

nous encore, pour notre usage et notre service, Il a créé le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent, afin qu'à notre tour, nous ne servions que Lui seul et qu'en observant ses préceptes nous arrivions avec Lui à la jouissance de l'éternelle béatitude. Mais, lorsque, par notre désobéissance, nous violons sciemment et volontairement ou par malice, ses préceptes, nous méritons par le fait même d'être privés de la suprême béatitude et de devenir des tisons éternels de l'enfer.

Et c'est précisément cette vue, la certitude que nous étions voués à la damnation éternelle et qu'aucune créature ne pouvait nous racheter, c'est cette vue qui a touché de compassion le Maître du ciel et de la terre. Il n'a pas épargné son Fils propre et unique, ce Fils qui est l'incompréhensible lumière dans laquelle Dieu le Père se connaît Lui-même et connaît toutes choses, par laquelle toutes choses ont été faites; ce Fils qui est une seule et même nature, une seule et même essence avec Lui, l'exemplaire et le prototype de toutes les créatures, le miroir sans tache de la majesté divine (speculum sine macula): il ne l'a pas épargné, vous dis-je, mais il l'a livré pour nous (Rom., 8), jusqu'à la mort et à la mort de la croix. Et cela pour

Et cette partie transcendantale que l'homme d'ordinaire ne saisit pas est la seule qui se prête aux illuminations divines, à la vision, à la possession de Dieu. Et quand ce fond de l'âme est divinement éclairé et possédé, l'acte produit est encore vital, il vient de nous, des profondeurs de notre âme qui en était capable parce qu'elle était déjà naturellement l'image de Dieu. C'est toute la doctrine de Tauler.

T. VIII.

8

nous sortir de l'exil et nous ramener à cette éternelle félicité pour laquelle il nous avait créés dès le commencement.

Lors donc, comme je commençais à vous le dire, qu'un homme vraiment humble et embrasé de l'amour de Dieu, considère avec les yeux de cet amour cette excessive fidélité et cette magnanimité sublime, lorsqu'il voit ce qu'est son Dieu, ce qu'il a fait pour nous, et pourquoi il l'a fait, c'est-à-dire par pur amour, puisqu'il n'avait rien à attendre pour sa propre félicité; lorsque, par contre, il se voit lui-même, ce qu'il est, le nombre incalculable de ses péchés et de ses ingratitudes, alors, cet homme descend profondément en lui-même et il conçoit un tel mépris, un tel dédain pour sa personne, qu'il ne sait plus que penser. Non, il n'y a pas de lieu assez bas et assez abject pour se cacher, il ne connaît pas de vilenie comparable à la sienne, non, la dernière place est encore trop bonne pour lui, le dernier mépris ne saurait atteindre sa bassesse; et il s'étonne, il admire de ne pouvoir se mépriser davantage, et, inquiet, il cherche ce qu'il pourrait faire pour cela. Tout bien examiné, il ne voit pas de meilleur moyen que de se plaindre amoureusement à son très fidèle ami et à son Seigneur : puis, s'abandonnant tout entier et sans réserve à sa très sainte volonté, il se renonce à fond lui-même, et il laisse à Dieu le soin de faire de lui et de toutes les créatures ce qu'Il voudra. Et c'est là qu'il trouve la vraie paix que rien ne peut troubler. Il est tellement descendu dans l'abîme de son néant que personne ne peut plus le trouver. Si cependant il arrivait

qu'une créature vint le rejoindre jusque là, pour l'humilier et le mépriser encore, il se peut qu'il en soit ému tout d'abord (ils sont si rares ceux qui ne se laissent jamais atteindre par la douleur et la tristesse!). Cependant il devrait recevoir cette humiliation comme un excellent bien lui venant de la main de Dieu et non pas d'un pauvre homme. Celui-ci ne sert que d'instrument pour laisser agir Dieu. Voilà pourquoi il devrait se répandre humblement en actions de grâces, et se réjouir grandement de ce que Dieu éternel daigne se souvenir de lui. Dans ce monde, en effet, sentir la tribulation et être en butte aux épreuves, est infiniment plus sûr que d'en manquer. Car « le Seigneur est tout près des cœurs affligés » (Ps., 33) et rien ne nous conduit plus vite à la connaissance de nous-mêmes que le malheur. Or, se connaître est plus utile que de savoir comment va le ciel ou tout ce qui s'agite sous lui.

Cependant, dès qu'un homme humble et aimant Dieu se sent de nouveau poussé par Lui à le louer et à lui rendre grâces et que, sous l'empire de ce sentiment, il fait tous ses efforts pour y satisfaire, l'amour divin l'embrase.

Alors, considérant avec un grand soin tout ce que ce Dieu de majesté a daigné faire dans la nature humaine, il s'en pénètre; il est dans la stupeur de voir comment un Dieu si grand, par amour pour nous, s'est fait le plus pauvre, le plus abject, le plus méprisé de tous les hommes. Puis, il contemple la conduite de son divin Sauveur, conduite la plus humble, la plus dévouée, la plus remplie de verite

« PoprzedniaDalej »