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vent, corporellement ou spirituellement, des joies ou des malheurs, comme autant d'épreuves, ou bien que quelque affliction ou quelque opprobre fonde sur ses proches, aussitôt il juge de tout cela d'après sa justice toute sensuelle et corrompue, et il s'imagine bien faire. C'est ainsi qu'il tombe dans l'ignorance de ses propres défauts et qu'il accable son prochain sous des jugements sévères et outrés. Que quelqu'un essaie de lui résister, sa colère éclate; il se répand en invectives et en grossièretés. Toutes les fois qu'il reçoit un choc, même léger, une contrariété quelconque de la part de qui que ce soit, immédiatement, la paix entre lui et Dieu est troublée. Dieu pourra bien, par sa miséricorde infinie, rendre à cet homme sa douce paix, quand il le verra rentrer en lui-même, et se reconnaître avec douleur; mais tant que celui-ci gardera l'attache à son propre sens, il ne parviendra au fond d'aucune vertu, il n'obtiendra pas le goût parfait de la vérité qui lui est proche.

Au contraire, les hommes humbles et résignés se sont soumis, dans un sincère abandon, à Dieu et à toutes les créatures pour la volonté de Dieu. Sans doute ils sont très rares ceux qui, dans l'adversité, n'éprouvent pas une première impression pénible. Que dis-je ? Dieu permet souvent que ces premiers mouvements de révolte durent longtemps, afin de leur apprendre par là à s'humilier à fond, et ce n'est pas le seul avantage que leur procure sa divine providence.

Cependant, quelle que soit la contrariété qui leur

arrive, dans leur corps ou leur esprit, ces hommes ne tardent pas à se recueillir dans leur fond et à devenir aimables, doux et patients. Fixés en Dieu par une sainte espérance, ils résistent à tous les vices avec une charité sincère, ils meurent au dérèglement de leurs sens, en toutes choses; ils se jettent et se plongent dans leur fond patient, doux, pénétré d'amour et d'humilité. Et c'est alors que, là, le Saint-Esprit les inonde de la savoureuse science (sapida scientiâ) ou de la sagesse. Et cette sagesse leur sert de guide, de direction, de soutien : elle leur apprend toute vérité parfaite, comment ils doivent se conduire à l'égard de Dieu, vis-à-vis d'eux-mêmes et de toutes les créatures, bonnes ou mauvaises. Ils sont tellement enracinés dans les profondeurs de l'humilité, qu'aucune pensée de vaine gloire, aucun événement, ne peut leur nuire d'une manière sérieuse. Car, dès qu'une pensée de ce genre se présente, ils l'étouffent en s'abimant dans leur néant, et ils n'ont pas de mal ainsi à se rendre supérieurs à tous les événements. Ils combattent exclusivement pour la vérité : Dieu lui-même ne doit-il pas combattre pour eux? Ils se mettent à la dernière place, personne par conséquent ne saurait les mettre plus bas. Ainsi ils sont toujours plutôt en état de monter et de s'élever que de déchoir ou de descendre. Ils ont un profond sentiment de leur petitesse, aussi évitent-ils facilement de nombreuses tentations et les filets subtils du démon, tels les tout petits poissons qui s'échappent facilement des mailles, tandis que les gros y restent enfermés. Ils résistent et meurent à tous les vices et à tous les

mauvais penchants de la nature, au plaisir, au bienêtre excessif de la chair toute leur vie est employée à la mortification totale, à l anéantissement et à l'abnégation d'eux-mêmes.

Or, voici les trois pratiques en particulier qui les rendent supérieurs à tous les événements et les font triompher.

1. Tout d'abord ils veillent avec un soin jaloux sur leurs sens et ne leur laissent prendre aucune liberté. Bien au contraire ils les répriment et les tiennent continuellement en bride, à moins qu'il ne s'agisse de procurer la gloire de Dieu.

2. En second lieu, ils persévèrent constamment dans une prière fervente, et cette oraison, comme une eau très pure, lave et purifie sans cesse le fond de leur âme.

3. Ils se tournent enfin assidûment vers la Passion du Christ; ils tâchent d'imprimer amoureusement dans leur cœur son esprit, et c'est ainsi qu'ils étouffent toutes les mauvaises pensées, tous les désirs charnels et corrompus.

Dès qu'ils sentent, en effet, s'éveiller quelque affection sensuelle ou quelque révolte de la chair, ils se réfugient dans le Christ et se hâtent de se cacher dans ses plaies. Là, tous les mauvais désirs sont obligés de disparaître et ne sauraient leur nuire en aucune façon. Ils se délivrent de la sorte de toutes les images et de toutes les formes; ils acquièrent la vraie paix dans une conscience pure, et ils se trouvent enveloppés du souverain bien, d'une manière très simple, occulte et suressentielle, dans une sorte d'obscurité nue,

libre, dégagée de tout fantôme. Eux-mêmes se sontabandonnés, suivant le bon plaisir de Dieu, à ces saintes ténèbres, dans une abnégation parfaite, pour le temps et pour l'éternité.

Plongeons-nous donc nous-mêmes dans les blessures sanglantes de notre divin Sauveur. Intérieurement, gravons au fond de nos cœurs ses peines, ses souffrances et son amour; au dehors, protégeons notre front et notre poitrine par le signe salutaire de la croix. Nulle part, dans cette vie, vous ne trouverez et vous ne saurez imaginer d'arme plus puissante pour braver tous les dangers et surmonter toutes les tentations.

CHAPITRE VIII

+Comment nous devons user des dons de Dieu, et recouvrer la grâce perdue. De la for nue.

Dieu Tout-Puissant et infini n'accorde jamais ses dons uniquement pour que nous les possédions, mais pour que nous nous servions d'eux pour agir. Etudions donc à quoi servent les dons, de quelle utilité ou de quel profit ils peuvent être pour nous et ce que Dieu veut que nous fassions avec eux. Dieu, en effet, ne répand jamais sa semence que pour lui faire porter des fruits. Il n'accorde pas la consolation pour la consolation, mais seulement pour attirer l'homme, pour le détacher de lui-même et de toutes choses, afin qu'Il puisse ensuite se donner à lui.

Il est certain que s'il se trouvait un homme assez fidèle à Dieu, assez généreux, pour faire toutes choses sans joie et sans consolations, il rendrait par là même plus de gloire à Dieu, il serait plus utile et plus serviable à son prochain et, en même temps, il s'attirerait à lui-même un mérite plus grand et une récompense meilleure. Nager dans la joie et goûter le bonheur, n'est pas le partage de ce monde, mais celui de la vie future que nous attendons comme récompense. Ici bas, il faut refuser et mépriser tout salaire, car enfin le propre de cet exil c'est la désolation, le malheur ou l'affliction. Cette terre n'est pas la vallée de la consolation, mais des larmes. D'ailleurs il

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