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du christianisme, la nécessité du droit canonique et les fruits de la réforme. Il faut examiner ici comment s'est développée dans la tête des penseurs la sociabilité du christianisme, et les théories politiques qui sont sorties tant de l'ancienne de la nouvelle.

loi

que

Evidemment une doctrine qui contenait l'abolition virtuelle de toute inégalité contraire à la nature des choses, qui niait la légitimité de l'esclavage, fondement de la société antique, portait dans son sein une suite inépuisable de révolutions. Mais pensant que chaque jour suffit à sa peine, marchant avec patience et naïveté dans sa large voie, le christianisme s'accommoda longtemps des institutions au milieu desquelles il fut obligé de passer son enfance et sa première jeunesse. Jésus avait dit : Rendez à César ce qui appartient à César. On avait tenté de faire de lui un tribun politique; il ne donna pas dans le piége: il rendait à César ce qui lui appartenait, parce qu'il avait l'ambition de fonder quelque chose de plus grand que César.

Saint Paul consulté par des chrétiens qui ne savaient comment accorder leur nouvelle doctrine avec la domination qui pesait sur eux, Romains opprimés par Tibère, Claude et Néron, et qui avaient encore quelques souvenirs de la li

berté antique, leur recommande d'obéir aux puissances du monde :

« Omnis anima potestatibus sublimioribus sub>> dita sit : non est enim potestas, nisi à Deo ; quæ » autem sunt, à Deo ordinatæ sunt.

>> Itaque qui resistit potestati, Dei ordinationi >> resistit. Qui autem resistunt, ipsi sibi damna» tionem acquirunt :

>> Nam principes non sunt timori boni operis, » sed mali. Vis autem non timere potestatem? >> bonum fac et habebis laudem ex illa:

>> Dei enim minister est tibi in bonum; si au» tem malum feceris, time : non enim sine causa » gladium portat. Dei enim minister est; vindex >> in iram ei qui malum agit.

» Ideò necessitate subditi estote, non solùm » propter iram, sed etiam propter conscien

» tiam.

>> Ideò enim et tributa præstatis; ministri enim >> Dei sunt, in hoc ipsum servientes.

» Reddite ergò omnibus debita : cui tributum, >> tributum ; cui vectigal, vectigal; cui timorem, » timorem; cui honorem, honorem.

>> Nemini quidquam debeatis, nisi ut invicem

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>> diligatis; qui enim diligit proximum, legem implevit *. »

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Ainsi tout pouvoir vient de Dieu, et les supériorités sociales proviennent de la nature des choses. Résister au pouvoir, à l'idée de pouvoir, c'est résister à ce qui a été décrété par Dieu, et prononcer ainsi soi-même sa propre condamnation, Il n'y a pas à craindre les puissances de la terre, quand on veut faire une bonne oeuvre, mais seulement quand on veut en faire une mauvaise. Voulez-vous donc n'avoir rien à appréhender du pouvoir? faites le bien, et vous serez loué par cette même puissance. Ainsi donc prenant votre position dans la nécessité politique, soumettez-vous au pouvoir de fait, non-seulement à cause des dangers que pourrait faire courir la colère du prince, mais en vertu du principe même de la moralité intérieure. Rappelezvous que ce que vous devez constamment à votre prochain est de l'aimer. Dans cet amour sont compris tous les devoirs et la plénitude de la loi.

On le voit, saint Paul ne voulait pas engager les destinées de sa doctrine dans les sentimens et dans les chances de la résistance. En disant :

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Soumettez-vous aux puissances, car toute puissance vient de Dieu, il n'était pas sans penser qu'il viendrait un jour où sa propre doctrine deviendrait aussi une puissance, où alors en vertu de ce principe juste et vrai, quand on l'entend philosophiquement, omnis potestas à Deo, qui cherche la raison du pouvoir dans la raison générale, elle fonderait quelque chose d'autrement novateur et d'autrement subversif de l'antiquité, que s'il appelait ses sectaires à une insurrection immédiate. Cette politique de saint Paul, tout ensemble prudente, transitoire, philosophique et générale, anima constamment l'Eglise chrétienne; cette cité de Dieu s'accommode des misères et des nécessités de la cité terrestre, en attendant l'heureux moment où elle pourra la régir et la dominer; et le principe de saint Paul, omnis potestas à Deo, sera tour à tour disputé et commenté par la théocratie, le génie monarchique et les théories républicaines.

En 354 naquit un Africain qui devait donner à l'Eglise chrétienne un corps complet de doctrine, combiner le néoplatonisme et l'Evangile, passer neuf ans dans le manichéisme pour le répudier et le combattre, et doter son siècle d'une philosophie religieuse où les faibles comme les forts pourraient trouver nourriture et consolation. Nous n'avons pas à nous occuper de la théo

logie même de ce grand homme. Mais il a consigné dans une œuvre capitale le précieux témoignage de la pensée des chrétiens sur leurs rapports sociaux : la Cité de Dieu est un poème véritable. Je considère le fond et non pas le style, il est clair que saint Augustin n'écrit pas le latin comme Cicéron; mais sans nous embarrasser de ces soucis de rhéteur, cherchons l'esprit et la raison de la Cité de Dieu. C'était une rumeur générale qu'il fallait attribuer la décadence de l'Empire à ces chrétiens qui avaient renversé le culte des dieux, et qu'ils étaient coupables aussi bien de la détresse de la vieille société que de l'inondation des Barbares. Dans les dix premiers livres de la Cité de Dieu saint Augustin répond à cette calomnie. Il accuse à son tour le paganisme, lui demande compte de ses doctrines et de ses actes, le poursuit dans les idées et les vertus dont il se glorifiait le plus, insulte à ses ruines par une polé mique victorieuse; puis il établit que dans la nature des choses il y a deux cités, la cité de Dieu et la cité de l'homme; que celle de l'homme a été enfantée par le mauvais génie de l'orgueil; qu'au contraire celle de Dieu, incorruptible et pure, dont l'origine remonte aux premiers jours célébrés par l'Ancien Testament, est arrivée peu à peu à descendre sur la terre par le christianisme. « Deux amours ont bâti deux cités, l'amour de

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