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depuis qu'il a pu voir les premiers progrès de la monarchie macédonienne, écrivant dans cette disposition, d'une main mal assurée, une dernière œuvre incertaine, quelquefois incohérente, où son génie semble expirer de lassitude, et non pas recueillir ses forces pour se livrer tout entier une dernière fois.

Quoi qu'il en soit de la valeur de cette conjecture, c'est se tromper tout-à-fait que d'aller chercher dans les Lois le véritable esprit de la politique platonicienne *. Dans ce livre, Platon, après avoir montré l'importance des vertus morales, du courage, de la justice, met la législa

* Nous craignons que M. Cousin, par son éclectisme, n'ait été conduit à effacer un peu le caractère dogmatique et exclusif de la politique de Platon. Dans l'argument philosophique dont il a fait précéder les Lois, il nous paraît trop enclin à faire tourner Platon dans le cercle des idées ordinaires et des institutions grecques; ainsi il le compare à Montesquieu, dont le gouvernement aristocratique de l'Angleterre était l'idéal, comme celui de Lacédémone était l'idéal de Platon. Il va jusqu'à dire que les Lois sont, à proprement parler, le seul monument politique de Platon. Ce point de vue ne nous semble pas historiquement exact. Le vrai Platon n'est ni un parallèle de Montesquieu ni une nuance d'Aristote. Les draperies grecques ont trop caché à l'habile traducteur la statue égyptienne. Nous regrettons qu'il n'ait pas abordé le Politique ou la République avant les Lois; cette priorité eût été à la fois plus conforme à la hiérarchie rationnelle des théories platoniciennes et à leur développement chronologique. Une fois entré dans cette voie, le savant professeur n'eût plus prêté à Platon des idées de milieu et de transaction, ou des principes modernes tels que l'institution du jury.

tion en rapport avec l'imperfection humaine, fait des excursions historiques dans la Crète et dans Lacédémone, passe à la pénalité proprement dite comme conséquence de la justice et de l'éducation, dresse une espèce de catalogue des délits sociaux à punir, et finit par établir un pouvoir suprême qui devra conserver le principe constitutif de l'Etat et le sauver des révolutions. Il serait ingrat et insensé de méconnaître dans les Lois un riche trésor de faits et d'aperçus sur les mœurs et la législation de la Grèce, mérite précieux pour nous, et qui surtout avait frappé Montesquieu. Mais ce n'est pas là qu'il faut aller chercher le dogmatisme même de Platon; entrons dans sa République.

La République, partagée en dix livres, est sans contredit le morceau le plus complet qu'ait façonné la philosophie artiste du fils d'Ariston. La pensée y déploie toute son audace, la poésie toutes ses richesses, l'art toute son industrie; comme le temps n'était pas bien loin où Socrate avait bu la ciguë, la spéculation n'avait pas tort de chercher des voiles et des allégories. Le dialogue commence par une discussion sur le juste entre Glaucon, Polémarque, Adymante, Nicérate et quelques autres qui revenaient d'une fête célébrée au Pirée, et il se termine par un magnifique symbole de croyance et de foi à l'im

mortalité de l'âme. Quand Socrate a confondu les sophistes par une ironie aussi divertissante et plus profonde que la plaisanterie d'Aristophane, quand il a établi qu'il y a une justice indépendante des accidens humains et des caprices du paradoxe, il laisse entrevoir qu'il aurait à montrer un modèle de république où les hommes seraient parfaitement justes et heureux. Il est pressé peu à peu par ses amis de dérouler, de développer sa pensée; il est merveilleux de saisir comment, dans le dialogue de Platon, Socrate est toujours forcé dans ses retranchemens pour découvrir le fond de ses idées, pour se dévoiler lui-même, et comment ce qu'il y a de plus hardi et de plus novateur s'enveloppe et se sauve dans l'harmonie et la suavité des formes.

Mais laissons de côté ces délicatesses de l'art; brisons cette économie ingénieuse pour abstraire du dialogue même les idées fondamentales qui le constituent. Comment l'état dont vous parlez, Socrate, est-il possible? A cet interlocuteur, Socrate ne craint pas de répondre que peut-être cet état est vraiment impraticable, et que, si la république qu'il se représente est impossible, c'est que jamais on ne verra une société gouvernée par les philosophes. Cependant à la philosophie seule devrait être remis le gouvernement des choses humaines. Mais, poursuit Socrate,

bien que nous ne devions jamais voir une société ainsi réglée, construisons toujours une république que gouvernera la philosophie. C'est-à-dire que Platon ne craint pas d'élever une société idéale qui contrarie sur tous les points la légalité non-seulement athénienne, mais grecque.

Or la philosophie que Socrate appelle au gouvernail est la science du bien en soi, le triomphe de l'homme sur toutes les passions, la pureté la plus éclatante de l'âme, sa ressemblance la plus complète avec Dieu, avec le type éternel. C'est revêtue de cette gloire immortelle que la philosophie conduira la société, divisée en trois classes, les magistrats, les guerriers et le peuple. Les magistrats seront sages par excellence; les guerriers défendront la patrie; le peuple s'appliquera surtout à l'agriculture, méprisera les métiers et les arts mercenaires. Cette division découle de la triplicité des facultés morales; la raison est représentée par les magistrats, le courage par les guerriers, et les passions par le peuple : ainsi passions et peuple, courage et soldats, magistrats et raison, voilà la société idéale conçue par Platon. Vous êtes tous frères, dit Socrate aux citoyens de sa république ; mais le Dieu qui vous a formés a fait entrer de l'or dans ceux d'entre vous qui sont propres à gouverner, voilà pourquoi ils sont les plus précieux; il a mêlé

de l'argent dans la formation des guerriers, du fer et de l'airain en façonnant les laboureurs et les autres artisans. Εστὲ μὲν γὰρ δὴ πάντες οἱ ἐν τῇ πόλει ἀδελφοὶ ὡς φήσομεν πρὸς αυτοὺς μυθολογοῦν τες)· ἀλλ ̓ ὁ θεὸς πλάττων, ὅσοι μὲν ὑμῶν ἱκανοὶ ἄρχειν, χρυσὸν ἐν τῆ γενέσει συμένιξεν αυτοῖς, διὸ τιμιωτατοί εἰ σιν· ὅσοι δ ̓ ἐπίκουροι, ἄργυρον · σίδηρον δὲ καὶ χάλκον τοῖς τε γεωργοῖς καὶ τοῖς ἄλλοις δημιουργοίς *. Alors, dans une déduction subtile et laborieuse, Platon établit un rapport qui est parfait entre l'homme individuel et l'État. Καὶ δίκαιος ἄρα ἀνὴρ, δικαίας πόλεως, κατ' αυτὸ τὸ τῆς δικαιοσύνης εἶδος, οὐδὲν διοί σει, ἀλλ ̓ ὅμοιος ἔσται **. L'homme et l'État seront justes aux mêmes conditions. La justice de l'âme résultera de l'accord et de la subordination de la raison, du courage et des passions : τὸ λογι στικὸν, τὸ θυμοειδές, τὸ ἐπιθυμητικόν. La justice de l'État sortira de l'harmonie hiérarchique entre ceux qui pensent et gouvernent (τὸ βουλευτικὸν), ceux qui défendent la cité (τὸ ἐπικουρικόν, et ceux qui l'enrichissent (το χρηματιστικόν). La même trinité anime l'âme et la république : καὶ ἡμῖν ἐπιεικῶς ὁμολογεῖται, τὰ ἀυτὰ μὲν ἐν πόλει, τὰ ἀυτὰ δ' ἐν ἐνὶ ἑκάστῳ τῇ ψυχῇ γένη ἐνεῖναι καὶ ἴσα τὸν ἀριθμόν.

* De Republicâ, lib. III. ** De Republica, lib. IV.

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