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NIEBUHR.

1.

MACHIAVEL, à la fin du xve siècle, en commentant en politique et en homme d'Etat les Décades de Tite-Live, commença pour l'Europe l'étude sérieuse de l'antiquité romaine. Au xvie siècle, Paul Manuce et Sigonius la continuèrent en profonds érudits. Ce dernier surtout, par ses trois ouvrages, De antiquo jure Italiæ, De antiquo jure provinciarum, De judiciis, fut d'un puissant secours aux historiens et aux jurisconsultes. Gravina, à la fin du xvire siècle et au commencement du xviiie, résuma les recherches de Paul Manuce et de Sigonius avec éclat. Puis vint Vico, qui se fit comme le prophète de l'histoire conjecturale. L'I

talie continua pendant le xvIIIe siècle l'exploration de l'antiquité romaine; nous citerons entre autres Duni (Origine e progressi del cittadino e del governo civile di Roma, 1763-1764), qu'un Allemand, M. Eisendecher, vient tout récemment (1829) de remettre en lumière. De nos jours, M. Micali a, dans son Histoire de l'Italie avant la domination des Romains, éclairci plusieurs points importans; on doit regretter seulement qu'à force de patriotisme il compromette souvent son érudition.

En France, où avaient brillé au xvIe siècle Cujas et Brisson, Saint-Evremond fit du bel esprit sur les Romains; Bossuet et Montesquieu en parlèrent admirablement. Ce dernier surtout, au milieu de plusieurs erreurs, que la critique peut signaler aujourd'hui, prodigua ces aperçus vifs et prompts qui lui sont familiers et jettent la lumière sur la face des choses. Cependant l'Académie des inscriptions, M. de Pouilly, Fréret,Salier,traitèrent des points spéciaux dans de savantes monographies. L'ingénieux Beaufort, après avoir satisfait son scepticisme sur les premiers siècles de Rome, fit, dans sa République romaine, ou Plan général de l'ancien gouvernement de Rome, un ouvrage qui sera toujours nécessaire à l'étude des institutions romaines. Le savant président de Brosses, par son audacieuse restitution de l'Histoire de la

république romaine dans le cours du viIe siècle par Salluste, fit briller l'érudition française dans le champ de l'histoire conjecturale. Au commencement de ce siècle, Levesque, membre de l'Institut, renouvela, dans son Histoire critique de la république romaine, le scepticisme de Pouilly et de Beaufort; mais sa critique est tout-à-fait arbitraire, et malgré quelques aperçus qui ne sont pas sans valeur, il est tout-à-fait inférieur à ses devanciers.

L'Angleterre a sur l'histoire romaine deux auteurs capitaux, Fergusson et Gibbon. Fergusson, dans son Histoire des progrès et de la chute de la république romaine, offre une narration du plus grand intérêt, surtout pour le dernier siècle de la république. Gibbon commença son grand ouvrage où Fergusson avait fini le sien. Après un coup-d'oeil sur la monarchie d'Auguste et ses successeurs immédiats, il expose, à partir du siècle des Antonins, les tristes progrès de la décadence de l'empire romain. On a tout dit sur les mérites et les défauts de ce grand monument; les censures les plus vives ne sauraient compromettre la gloire de Gibbon, car il est de la destinée des choses véritablement grandes et fortes de durer et de survivre aux critiques qui en ont signalé les faiblesses et les misères.

Cependant en Allemagne le grand Heyne avait

ranimé le goût et la connaissance de l'antiquité, et avait lui-même beaucoup écrit sur les antiquités romaines. Plus tard, Voss, qui encouragea la jeunesse de M. Niebuhr, rendit général dans la littérature allemande, par ses traductions d'Homère et de Virgile, le sentiment profond des anciens. Il faut voir, dans la belle préface de M. Niebuhr, comment la philologie prit alors un vaste essor, et se fit le plus puissant soutien de l'histoire.

Jusqu'à M. Niebuhr, l'érudition allemande, tout en cultivant l'antiquité romaine, n'avait rien produit de véritablement original. En 1811, par la première édition de son histoire romaine, l'illustre philologue commença une ère nouvelle. Dans cet ouvrage, qui n'est plus aux yeux de l'auteur qu'un essai de jeunesse, et dont il a conservé à peine dans sa seconde et dans sa troisième édition quelques morceaux isolés, l'Allemagne reconnut unanimement une science profonde et originale, des résultats nouveaux, des conjectures puissantes, une voie nouvelle ouverte, et déjà fortement sillonnée. Néanmoins il s'éleva des contradictions. M. Guillaume de Schlegel fit, en 1816, dans le cinquante-troisième numéro des Iahrbücher de Heidelberg, une critique longue et savante de plusieurs points capitaux. M. Wachsmuth, professeur à l'université à Halle, publia

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en 1819 un ouvrage intitulé: Die ältere Geschichte des ræmischen Staates, où il s'attacha à combattre M. Niebuhr, en s'en référant assez souvent aux anciennes opinions et à l'autorité de TiteLive. M. Niebuhr, sans répondre à ses critiques, continua, perfectionna ses travaux ; et, en 1827, il donna une seconde édition de son livre, mais du premier volume seulement, seconde édition qui fut suivie immédiatement d'une troisième, l'auteur ayant jugé nécessaire d'éclaircir et de préciser plusieurs points de vue par des additions et des notes.

Dans les siècles précédens, les savans et les historiens avaient presque toujours déserté l'exploration des origines et des premiers temps de Rome. Ainsi, au xviie siècle, Sigonius, dans le premier chapitre de son traité De jure antiquo civili romano, annonce qu'il ne cherchera pas à débrouiller ce qu'était le citoyen romain sous les rois et dans les premiers temps de la république, mais qu'il commencera ses recherches à une époque où les dignités devinrent communes entre les patriciens et les plébéiens, notamment après la guerre de Tarente. Dans le siècle dernier, Fergusson passe en quelques pages et avec un scepticismesans fondement sur les trois cents premières années. M. Niebuhr, au contraire, s'enfonçant dans des voies inconnues à tous ses devanciers,

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