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L'appel ne serait donc plus qu'un répit, une menée dilatoire, au lieu d'être dans l'esprit des citoyens le redresseur d'une justice inférieure?

Bentham, dans la tête duquel la pratique de la légalité anglaise a déposé certaines répugnances irréfléchies, s'est déclaré contre le jury en matière civile, et se trouve ainsi contraint d'admettre l'appel. C'est pourquoi il prend toutes les précautions pour réduire les inconvéniens d'une seconde juridiction. La maxime fondamentale de l'institution des cours d'appel sera celle-ci : le tribunal d'appel ne pourra recevoir comme base de sa décision d'autres documens que ceux qui auront été soumis au tribunal dont on appelle. De cette maxime sortiront plusieurs avantages. 1° On peut placer la cour d'appel dans le lieu le plus convenable, sans égard à la distance, puisqu'il n'y aura plus de voyages de témoins, mais seulement de placement de pièces et de papiers. 2o Grande économie de temps et d'argent, point de frais, pas de délais pour une nouvelle audition de témoins. 3° On ne pourra appeler que d'un décret définitif; ce qui fait tomber tous les appels fondés sur des arrêts interlocutoires. Ces motifs nous paraissent assez considérables pour arrêter l'attention du législateur qui, sans adopter encore le jury dans les matières civiles, voudrait réformer les tribunaux d'appel.

En France nous comptons trop de légistes et pas assez de jurisconsultes. La multiplicité des tribunaux est la cause de cet inconvénient, dommageable non-seulement à l'éclat de la science, mais aux intérêts des citoyens. Moins nombreux, nos juges seront meilleurs; mais un juge ne sera excellent que lorsqu'il siégera seul sur son tribunal.

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CHAPITRE V.

Conclusion..

Je ne saurais abandonner ce fragment imparfait sans renouveler mon acte de foi dans la puissance de la science et de l'homme. J'ai entendu murmurer les mots de bas-empire, de corruption, de décadence, de siècle qui s'en va, de race humaine décrépite. On dirait que plusieurs, comme au xe siècle, attendent à toute heure le moment de la chute du ciel et du détraquement du monde.

Bizarrerie de l'homme de douter de sa force au moment où elle éclate le plus ! Il ébranle les empires, il les pousse; et, quand ils tombent, il s'effraie de leur fracas et de leur poussière. Mais ces ruines attestent son génie, mais ces formes, ces institutions qui se dégradent et qui s'écroulent

proclament la puissance de son esprit; il les a créées, il les ensevelit, il en évoquera d'autres. Homme, ne méconnais pas la force de ton esprit, qui n'est autre que celui de Dieu même : Ubi autem spiritus Domini, ibi libertas *.

La jeunesse de l'humanité est passée: son imagination n'a pas tari, mais elle se fortifie des convictions sévères d'un âge plus mûr. On ne persuadera plus aux sociétés qu'elles meurent, parce que dans leur sein quelques tentes se replient, et que quelques dieux dont le temps est venu tombent sur leurs autels. L'homme social n'est plus idolâtre, et il s'est affranchi du culte des images; il cherche, pour l'adorer, l'esprit des choses.

En vain quelques pleureurs du passé maudiront l'aurore de cette époque philosophique du monde, elle illumine de la rougeur de ses feux les décombres et les ruines. En vain aussi quelques-uns, dont l'impatience domine la raison, se découragent; en vain encore quelques autres, limitant le monde à leur pensée, se hâtent de prononcer le consummatum est; attendez donc,

« Et quel temps fut jamais si fertile en miracles?

Attendez donc, non pas que quelque Deus ex machina vienne pour accomplir vos désirs; mais

* Epistola secunda Pauli ad Corinthios, cap. 3.

attendez tout de vos propres efforts; il n'y a pas d'autre médiateur que l'esprit humain.

Si la science était inféconde et si la liberté devait mourir, il faudrait condamner Dieu.

Or on peut prophétiser le triomphe de l'intelligence; il y aura un nouveau développement de la religion pour ceux qui le chercheront, comme il y a eu un nouveau monde pour Christophe Colomb qui naviguait à sa poursuite; et comme l'a dit un poète : << La nature a contracté avec le génie » une éternelle alliance; ce que le génie promet, >> la nature le tient toujours. >>

La liberté est dans l'ordre politique ce qu'est la science dans l'ordre moral, c'est l'esprit humain en son propre nom. Il lui sera donné de fonder son empire et ses lois.

Esprit universel des choses, toi que l'homme ne connaît que par le sien, tu l'animes, tu l'inspires, tu le soutiens, tu l'as créé ton ministre et ton interprète ; il n'est rien sans toi, mais tu ne parais sur cette terre que dans lui et par lui; tu vivifies les sociétés, mais tu emportes dans ta course l'image impuissante et la lettre corrompue; tu renouvelles ta face à des époques fatales, ou plutôt l'homme, sur lequel tu as mis ton souffle, te découvre et te voit davantage à mesure qu'il gravit le temps et qu'il se hâte vers l'éternité; tu es notre essence et notre fin, notre intelligence et notre

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