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d'Espagne et de Portugal ont reçu ses avis. No vateur énergique, il a embrassé toutes les parties de la législation, les lois civiles, le droit pénal, la procédure, l'organisation judiciaire, là constitution politique des Etats. Pendant que de Maistre refusait toute raison aux constitutions écrites, Bentham au contraire s'élevant contre l'histoire, dont l'allure progressive lui échappe entièrement, tourne le dos au passé, où il n'a vu que déceptions et misères, et veut renouveler les sociétés par une législation uniforme, la même pour tous, dont il croit pouvoir adapter les abstractions au génie différent de chaque peuple. Mais la liberté doit être partout indigène; elle ne s'importe pas: partout elle doit sortir du sol et s'enfanter elle-même.

La législation philosophique dont aujourd'hui Jérémie Bentham, malgré ses erreurs, est le plus puissant organe*, est véritablement artiste et poète; elle façonne en préceptes et en lois les progrès de la race humaine ; tantôt elle provoque les révolutions sociales, tantôt elle les résume ; c'est, je ne crains pas de le dire, le plus noble exercice, le plus saint ministère des facultés humaines. Platon voit l'apogée de ses théories dans leur application sociale, et s'il est philosophe,

* Voyez Introduction génerale à l'Histoire du Droit, chap. 19.

c'est surtout pour se faire législateur de sa république. Aristote ramène constamment sa morale à la sociabilité et à la politique. Rousseau écrit le Contrat social, bien que, dit-il, il ne soit ni prince ni législateur. Non; mais il est homme, et il exerce les droits de la souveraineté du peuple et du génie.

CHAPITRE II.

De la Législation dans ses rapports avec la religion, la philosophie et l'économie politique.

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Un jour nous apercevons, comme par éclair, l'absolue vérité et la beauté parfaite; nous ne les avons entrevues que pour les perdre; elles brillent, puis elles nous laissent dans une obscurité triste et un vide désespérant. Ce que je voyais si clairement hier, je ne le comprends plus aujourd'hui; l'inspiration s'est évanouie : d'où viennent donc ces éclipses de la pensée, ces éclipses de la lumière? Pourquoi ces idées éternelles défaillentelles dans moi? je les conçois et je ne puis les maîtriser. C'est que le beau, le bon et le vrai ne dépendent pas de nous; ils nous affectent et nous éclairent; ils nous guérissent et nous consolent :

mais leur origine et leur patrie n'est pas sur la terre, et ces idées célestes n'apparaissent icibas un moment que pour s'envoler dans les cieux.

Cette absence sur la terre de la raison universelle est pour l'homme un tourment; il la cherche pour se compléter lui-même; il veut se la représenter; de là les grands artistes en religion.

La république hébraïque nous montre la religion dans son enfance, car elle la confond encore, comme les autres théocraties orientales, avec la politique. Mais quel est le progrès? c'est leur déchirement. Quelques-uns s'agitent beaucoup aujourd'hui pour ramener la religion à l'identité avec la politique et à une contrefaçon du mosaïsme. Ils oublient donc que l'œuvre du christianisme a été de spiritualiser et de constituer la religion, en ne la faisant plus dépendre essentiellement de la politique, et en lui donnant la sanction positive d'une autre vie.

Si la religion et la politique étaient identiques, il suivrait que la théocratie serait la seule institution sociale légitime. Or quand le Christ dit : Mon père; à qui le dit-il, si ce n'est à Dieu ? Et que disait le disciple du Christ aux hommes? Mes frères; et la fraternité, cette émancipation de la nature humaine, ce progrès sur la paternité pa

triarcale, s'établit irrévocablement sur les ruines de la politique orientale. La papauté romaine n'a pas plus ressemblé aux théocraties de l'Inde et de l'Egypte, que la démocratie américaine à la démocratie de la ville de Cécrops. Elle était ellemême un témoignage éclatant de la scission de la politique et de la religion. Elle fut le triomphe de la pensée : car lorsque le moyen âge disait au pape, Mon père, il s'inclinait devant sa supériorité morale, jusqu'au moment où elle fut contestée par le protestantisme. Or, quand des enfans protestent, que devient la souveraineté paternelle ?

Si la religion et la politique étaient identiques, pourquoi ces tristesses et ces désirs de l'homme? pourquoi sa pensée ne consent-elle pas à se loger, pour n'en plus sortir, dans les calculs du bienêtre social? Oui, livrez-lui le séjour le mieux façonné et le plus commode; figurez-vous, par l'imagination, la terre partout connue et partout cultivée, la vapeur centuplant nos forces, et, pour ainsi dire, supprimant les distances, le globe travaillé, transformé en tous sens, versant sur d'innombrables habitans d'inépuisables richesses; eh bien ! l'homme aura-t-il assez de ce spectacle, de ces merveilles de l'industrie, de cette apothéose des boutiques? Non, mille fois il sera inquiet, il ne sera pas heureux dans

non;

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