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prète dont elle puisse plus se glorifier que du généreux Fichte. Soit que dès son enfance il montre déjà comme Caton d'Utique l'énergie de sa volonté, soit que plus tard il sache triompher de l'indigence, soit qu'il professe et écrive tour à tour à Erlangen, à Iéna et à Berlin, soit qu'il exhale ses patriotiques colères dans des discours où la philosophie successivement religieuse et guerrière secoue les abstractions et les formules, pour trouver la puissance d'une persuasion contagieuse et populaire, Fichte n'a roulé dans sa tête, nourri dans son cœur, que la sainteté et la liberté de l'homme. Véritable prêtre de la philosophie, il lui croyait et savait lui donner en effet une autorité positive sur les actions et sur la vie. Il a électrisé son pays, agrandi son patriotisme, et n'est allé trouver ce Dieu dont il se regardait lui-même comme le divin réceptacle, qu'après une vie pure, héroïque et toujours fidèle à elle-même.

On comprend encore mieux sa pensée quand on la compare à celle de Spinosa. Dieu est tout, dit Spinosa. L'homme est Dieu, répond Fichte. - Dieu est esprit et corps. L'homme est le monde et Dieu. - Dieu absorbe tout en lui. L'homme ne connaît rien dont il ne soit pas la cause. — Unité divine et panthéistique. - Unité rationnelle et humaine. - Spinosa installe sur le

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tròne l'absolutisme de l'unité divine; Fichte détrône Dieu pour couronner l'homme.-Idéalisme divin. - Idéalisme humain. - Idéalisme qui met le sujet dans l'objet. Idéalisme qui met l'objet dans le sujet. Idéalisme au profit de la nature. Idéalisme au profit de l'individualité. — Idéalisme où l'homme se noie dans l'océan de l'infini. Idéalisme où l'homme s'abolit à force de s'exalter et de se hausser où il ne peut parvenir. -Les résultats sont les mêmes; pourquoi ? non parce qu'ils cherchaient l'unité, mais parce qu'ils la cherchaient où elle n'était pas. Spinosa la veut dans Dieu sans l'homme, Fichte dans l'homme sans Dieu. Ce n'est pas là la condamnation de l'idéalisme lui-même; mais une vive et frappante leçon donnée à la philosophie, pour qu'elle ne s'égare plus dans les voies d'une imitation sans gloire et sans résultat.

CHAPITRE IX.

Schelling. Hegel.

Fichte avait conduit la pensée allemande sur la pointe la plus subtile de l'idéalisme; mais, parvenu à cette hauteur, il se troubla. Sur ce sommet qu'avait gravi cette héroïque nature par un effort inoui de la pensée, il se vit avec effroi séparé de Dieu et du monde : cette solitude l'effraya, et il fit des tentatives et des avances pour se rapprocher du monde et de Dieu. C'est dans. cette disposition, peut-être douloureuse, à se tourner vers le réalisme, que la mort vint le surprendre. Dans les derniers temps de sa vie, il avait vu parmi ses disciples un jeune homme qui avait embrassé sa doctrine avec enthousiasme, ou plutôt qui avait saisi avec ardeur le principe d'unité qui la dominait. Schelling com

mença par être l'adhérent de Fichte; mais il sentit bientôt le besoin de sortir de l'homme; il étouffait dans la conscience humaine. Il changea cet idéalisme qui faisait rentrer l'univers dans l'homme, pour un autre qui plaçait l'unité non plus dans le moi, non plus dans la nature, mais dans une abstraction, création de l'esprit qui, s'élevant au-dessus de tout ce qui est, proclame l'absolu. Cette nouvelle unité ne ressemblera ni au Dieu de Spinosa, ni à l'égoïsme rationnel de Fichte. Mais, n'étant ni le monde ni l'homme, que sera-t-elle donc? une idée. Elle sera le un; elle sera l'absolu.

Comment l'esprit arrivera-t-il à la conception de cette idée divine? par une intuition pure, par une spontanéité, par un acte de l'intelligence supérieure au mécanisme de la volonté propre. L'homme voit l'absolu par une contemplation involontaire. Il le saisit par une sorte d'amour idéal et mystique, jouissance dernière et la plus pure qui puisse affecter et féconder la réceptivité de notre intellect.

Mais cet absolu, ce roi des rois dans l'empire des idées, se pose et se développe non pas dans l'homme seul, non pas seulement en tant qu'idéal, non pas non plus dans le monde uniquement, non pas exclusivement en tant que réel; mais à la fois réel et idéal, il enfante la nature

qui est son expression vivante: or cette nature est tout ensemble idéale et réelle; elle s'appuie nécessairement sur ces deux termes; soumise à l'absolu, elle respire dans cette indestructible dualité; ouvrage de Dieu, elle en a tous les attributs et toutes les puissances; elle subsiste par la vie organique et par la vie morale; elle soutient la matière par la pesanteur, répand la lumière par le mouvement, développe successivement le règne de la vérité par la science, la religion et l'art, triple irradiation d'un être qu'elle porte dans son sein, qui la réfléchit tout entière, qui en est l'habitant terrestre, et s'en proclame en même temps le roi, le prêtre et le purificateur.

C'est ainsi que Schelling arrive à l'homme. Il a détrôné ce créateur superbe, tel qu'il était sorti des mains de Fichte, pour le faire descendre au rang de créature; et c'est alors seulement quand il l'a ramené à sa place, qu'il reconnaît sa grandeur. Schelling a constamment poursuivi cette idée de concilier le réalisme et l'idéalisme : dans un morceau sur la liberté humaine qui est à coup sûr un des chefs-d'œuvre de la métaphysique moderne, il s'exprime ainsi : « La nouvelle

philosophie européenne, depuis ses commen» cemens à partir de Descartes, a eu ce défaut » commun que la nature n'existe pas pour elle,

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