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» Avec le Pape tombent toutes les barrières protectrices de la liberté. A sa place qu'aurez-vous? Ce que l'humanité sans le Pape a eu toujours et partout: licence et despotisme 1. »

C'est contre ce double désastre social que la Papauté s'est efforcée de combattre depuis son institution; ses succès dans cette pénible lutte sont un de ces plus beaux titres de gloire qu'elle n'a cessé et qu'elle ne cessera de mériter. Car la Papauté ne passera pas, elle survivra à tous les pouvoirs et à toutes les choses d'ici-bas; elle continuera à chanter au milieu du monde le cantique de sa royale immortalité: Et portæ inferi non prævalebunt adversus eam.

EDMOND DE L'HERVILLIERS.

A quoi sert le Pape? broch. in-18, 2o édit. Paris, 1861, p. 13-14. Cette excellente publication, ainsi que celle dont nous avons eu plus haut l'occasion de citer un passage, La Situation, ont été traduites en italien par S. Ex. Revme Mgr Filippi, évêque d'Aquila. Ces versions italiennes ont obtenu un très-grand et très-légitime succès à Rome,

Eritique catholique.

QUELQUES OBSERVATIONS

SUR LE DERNIER OUVRAGE DE M. GUIZOT,

L'ÉGLISE ET LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE.

L'ouvrage de M. Guizot: l'Eglise et la Société Chrétienne, sera bien diversement apprécié, mais à tout prendre et sauf des réserves importantes que nous allons signaler, il doit réjouir tous les gens de bien qui dans les graves circonstances où nous nous trouvons sont effrayés des coups si violents que l'on porte au principe chrétien, de notre civilisation, c'est-àdire au cœur même de la civilisation européenne.

J'ai peut-être un droit particulier à m'occuper de ce nouvel écrit de l'illustre écrivain. En 1851, dans mes Etudes critiques sur les travaux historiques de M. Guizot1, je signalais comme des erreurs un certain nombre d'appréciations de ses leçons sur l'histoire; je vois avec bonheur que dans son dernier ouvrage plusieurs de ces faux jugements sont rectifiés. La méditation, le temps, l'expérience, le péril même du moment présent devaient apporter des lumières nouvelles à un esprit déjà si éclairé, et nous faisons des vœux bien sincères pour qu'il ne s'arrête pas dans ces heureux progrès.

C'est un spectacle bien nouveau que M. Guizot, protestant, soit appelé à réprimander des gouvernements catholiques sur les injustes agressions dont ils se rendent coupables envers la Papauté et l'Église catholique. Il faut convenir que la leçon est donnée avec vigueur. Nous n'avons point à nous occuper de cette partie de l'ouvrage, mais nous pouvons examiner les assertions émises sur l'action de l'Église dans la civilisation moderne.

M. Guizot apparaît tout à coup au milieu du public agité, au milieu d'un grand débat de l'opinion fortement émue,

Voir le compte-rendu que les Annales ont publié sur cet ouvrage, épuisé en ce moment, dans le cahier de juillet dernier, ci-dessus p. 69.

comme un témoin à décharge envers la Papauté. Mais il glisse dans son témoignage même des lieux communs irritants contre la Papauté et contre l'Église, qu'il est facile de faire accepter aujourd'hui par des esprits superficiels et prévenus, mais que repoussent ceux qui se sont donné la peine d'étudier l'histoire.

De l'aveu de l'auteur le Christianisme tout entier est en péril, les communions dissidentes comme l'Église mère. Pourquoi se livrer contre celle-ci à des déclamations qui devaient paraître au moins imprudentes et intempestives?

Ce n'est cependant pas sans une vive satisfaction que nous avons remarqué de sérieuses modifications dans son dernier écrit comparé aux deux cours d'histoire. A la Sorbonne le professeur appelait notre civilisation européenne, moderne; il n'avait pas encore trouvé son vrai nom, qui vit son origine et sa grandeur. A ses yeux, l'Église était un des éléments de la civilisation; mais un de ces éléments dont les heureux effets étaient balancés par l'élément barbare, par l'élément romain et païen. Le professeur prenait alors de grands obstacles pour de grands moyens. Cette faute a été courageusement réparée. Aujourd'hui il appelle notre civilisation la civilisation chrétienne. Il dit hautement que le Christianisme est la cause et la raison de nos progrès.

Il a fait plus; il a fait une vigoureuse sortie contre ces libres penseurs qui nient le Surnaturel. Sans épuiser la question, sans doute, il établit la réalité du surnaturel sur deux faits. Le premier est la croyance universelle du genre humain au Surnaturel. Cette croyance embrasse tous les temps comme tous les lieux. Quelques philosophes qui ont rarement le triste courage de porter leurs négations jusqu'au tombeau ne font pas une exception sensible. Cette généralité donne à cette foi au surnaturel, le caractère d'une loi de la nature.

L'autre fait est la Création de l'homme. La création est le premier grand fait du surnaturel. Sans lui il faut admettre les générations spontanées, qu'on ne découvre nulle part; il faut aussi admettre spécialement pour notre espèce la génération spontanée d'un couple d'adultes, puisqu'un couple d'enfants ne pouvait que succomber quelques heures après sa V SÉRIE. TOME IV. N° 24; 1861. (63 vol. de la coll.) 27

naissance. Ce chapitre n'est pas sans reproche, sans nuage, comme on l'a déjà remarqué, mais la protestation contre ces libres penseurs reste: et c'est une bonne action. Il faut faire honneur à M. Guizot de l'appel qu'il fait à tous les chrétiens sincères. Il les convie à soutenir l'édifice du Christianisme, qui nous abrite tous. Nous verrons bientôt qu'il n'a pas tout ce qu'il faut pour être écouté; mais on aime à voir ce remarquable penseur, s'émouvoir au péril que court la religion chrétienne tout entière qu'il déclare énergiquement être une œuvre divine. Autrefois l'auteur portait la timidité ou l'incertitude des croyances jusqu'à ne pas nommer Jésus-Christ. Aujourd'hui, il dit avec un vrai sentiment de foi : « C'est Jésus» Christ qui a rendu au genre humain ses titres; Jésus-Christ » est venu relever l'homme sur la terre, en même temps que >> le racheter pour l'éternité. »

Nous avons confiance que si M. Guizot fait une nouvelle édition de ses œuvres, il réparera aussi une étrange omission commise dans son histoire du Moyen Age. Saint Thomas, le docteur angélique, n'est pas même nommé. Ce puissant génie qui est notre supérieur et notre guide à tous, n'a pas trouvé même une petite place sous la plume savante de M. Guizot. Est-ce la gloire du docteur de l'Église qui en souffre ou celle de M. Guizot? Les générations futures oublieront-elles cet incomparable génie, parce qu'il aurait plu à un professeur de Sorbonne de ne point parler de lui? Jean Scot Erigène, Roscelin, Abailard, ces hommes d'une réputation mauvaise ou suspecte pour tout le monde, puisqu'ils professaient le Panthéisme, ou d'autres doctrines qui y conduisent, ont toutes les faveurs de M. Guizot. Sa main d'artiste passe avec amour sur ces physionomies privilégiées ; et saint Thomas n'apparaît pas même dans le fond du tableau. Le jugement de l'auteur s'est mûri, nous en avons des preuves nombreuses. Il ne voudrait plus laisser subsister de pareils renversements.

La plus grave erreur dont nous ayons à nous plaindre est celle d'accuser les Papes d'être hostiles à la liberté. Nous lisons à la page 66: « C'est un lieu commun historique, et ce lieu >> commun est fondé que, depuis le 16° siècle, le Catholicisme » a été en général hostile à la liberté..... Le pouvoir de l'Église

» s'est presque partout allié au pouvoir absolu, et l'a soutenu » pour s'y appuyer. Là où cette alliance s'est accomplie, la » liberté religieuse et la liberté politique en ont également » souffert; la société et la conscience ont vécu sous le joug. » Hostile à la liberté! mais de quelle liberté parlez-vous? Est-ce de la liberté sociale? Non sans doute, puisque vous dites dans la même page, que pendant plusieurs siècles le pouvoir spirituel catholique avait souvent et efficacement protégé, contre le despotisme temporel, les libertés sociales. Voilà un passé qui n'est pas bien menaçant pour l'avenir. Dans son Histoire de la civilisation en Europe (p. 328), il avait dit : « Il n'est pas vrai qu'au 16° siècle la cour de Rome ait été très» tyrannique : il n'est pas vrai que les abus proprement dits, » y fussent plus nombreux, plus criants qu'ils n'avaient été » dans d'autres temps. Jamais peut-être, au contraire, le gou» vernement n'avait été plus facile, plus tolérant..... » Voilà des concessions qui ne disposent guère le lecteur à accepter les graves reproches qu'il lance si gratuitement contre la Papauté.

Là où cette alliance s'est accomplie, la liberté religieuse et la liberté politique en ont également souffert! Nous n'avons pas à répondre pour le 16° siècle, M. Guizot a répondu pour nous, et nous pourrions d'ailleurs, le renvoyer aux pièces officielles de l'histoire du Concile de Trente, pour lui faire voir que l'Église dans son mouvement de réformes intérieures avait à lutter contre toutes ces puissances, bien loin d'avoir du loisir pour faire des alliances, des pratiques, si peu de son goût et si peu dans son babitude. C'est donc au 17° siècle qu'il faut chercher cette funeste alliance entre le pape et les princes absolus. Est-ce en France, où Louis XIV, le seul prince absolu de ce siècle, a été un si redoutable adversaire des Papes, qu'il a fallu toute l'habileté de Bossuet pour échapper à un schisme? car il est clair aujourd'hui qu'on a couru le danger d'un schisme. Non, ce n'est pas à cette cour que les influences de Rome ont prévalu. Son influence n'était pas plus puissante dans le reste de l'Europe. Rien de suivi n'y fut fait dans ce siècle, par le moyen des influences. On y voit une succession interminable de brouilleries, de ruptures et de raccommode

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