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composa son premier écrit qui a pour titre : La causa dei regulari al tribunale del buon senso, et où il révéla une grande aptitude pour la polémique.

2.

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Le P. Ventura réforme la philosophie, qu'on lui a enseignée.

C'est ici qu'il convient de placer le changement qui se fit dans son esprit et la voie nouvelle dans laquelle il entra, et qu'il suivit constamment toute sa vie. C'est lui-même qui va nous l'apprendre. Voici donc ce que nous lisons dans la Préface d'un ouvrage publié en 1828, et dédié à un apologiste nouveau, Châteaubriand :

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« Quoique ayant étudié la Philosophie sous les maîtres les » plus pieux, cependant, sous leur conduite et leur autorité, » j'avais été imbu des axiomes de la philosophie de Locke et de » Condillac, avec une sorte de téméraire tranquillité, comme » cela arrive au premier âge. Pendant que je tenais à cette mé>> thode avec opiniâtreté, avec sécurité et presque avec une » sorte de fureur, je lus par hasard, ou plutôt par une protec» tion toute divine, les écrits des récents philosophes français, » et principalement ceux du très-docte vicomte de Bonald. » Après les avoir étudiés avec le soin qu'ils méritent, je com» pris la cause de toutes les inepties, tromperies, délires, >> crimes philosophiques du dernier siècle, et, effrayé du danger et de la difformité de si grandes erreurs, je compris » aussi qu'il me fallait renoncer aux principes que l'on m'avait >> donnés. C'est alors que je me mis à passer en revue les der>> niers siècles de la Philosophie et à examiner tous les sys» tèmes récents, et, ne trouvant aucun principe sur lequel je >> pusse me reposer, je me réfugiai vers la méthode de l'école, » et je m'y reposai. J'entrepris d'expliquer et de perfectionner, » non les paroles et les mots, mais les principes et la théorie de » cette école 1. »

Telle fut la conversion opérée dans l'esprit du P. Ventura. Ce même changement se fera chez toutes les personnes qui, non aveuglées par un enseignement reçu de confiance, examineront attentivement la société actuelle, et dans quel moule elle a été coulée.

Le premier volume où se fit sentir l'influence de sa nou1 De methodo philosophandi; dedicatio, p. 1, Pars 1a; in-8°, Rome, 1828.

velle philosophie fut un Essai sur l'influence du 16o siècle, vo lume qui n'a pas été traduit en français.

Plusieurs autres ouvrages sortirent alors de sa plume; il créa, encouragea et soutint diverses Revues, par des articles qui tous annonçaient un apologiste nouveau et solide des doctrines chrétiennes et sociales. Aussi fut-il nommé censeur de la presse et membre du conseil royal de l'instruction publique. On comprend que son influence dut être grande dans ces diverses fonctions.

Les nouveaux principes, exposés en chaire, avec l'éloquence et la force naturelle du prédicateur, durent impressionner les peuples et appeler sur lui l'attention du gouvernement et de ses supérieurs.

Aussi, dès la fin de 1824, ceux-ci l'envoyèrent à Rome, comme Procurateur général de leur ordre. C'est ici que l'attendaient de nouveaux succès.

3. - Le P. Ventura est appelé à Rome. Son influence.

Pie VII venait de mourir le 22 août 1823, après un pontificat de 23 ans, 5 mois et 8 jours, et Léon XII était monté sur la chaire de saint Pierre, le 27 septembre suivant. Le nouveau pontife voulut faire célébrer un service pour son prédécesseur, et une oraison funèbre devait être prononcée. C'était un sujet délicat et difficile, à cause des diverses phases de la vie de Pie VII. Le P. Ventura fut choisi pour cette œuvre difficile. C'est là que, faisant l'application des vues nouvelles que ses études lui avaient données pour la compréhension des grands événements qui s'étaient passés sous le pontificat de Pie VII, il montra le doigt de la Providence guidant le saint pontife dans tous les actes de sa longue carrière.

Nos lecteurs aimeront à connaître ce discours par le jugement qu'en porte un homme qui, fidèle à toutes les bonnes causes, a aussi lui-même contribué à changer la direction funeste donnée trop longtemps à l'enseignement. Voici comment s'exprime M. Laurentie dans un hommage rendu à la mémoire du P. Ventura, son ami :

« Le Pape Pie VII venait de mourir le P. Ventura fut appelé » à prononcer son Oraison funèbre, magnifique sujet d'élo

» quence, par la variété de fortunes qu'avait traversées le doux >> Pontife; sujet délicat par quelques-unes des circonstances >> dont les opinions du temps étaient encore tout émues. Le » P. Ventura traita avec liberté ce qui était grand, et avec » dextérité ce qui était difficile ; et ce n'est pas aujourd'hui un » médiocre sujet de méditation que d'étudier avec l'orateur ce » grand événement du Concordat, où l'on avait vu l'Eglise » gallicane, accoutumée à restreindre le pouvoir de la Pa» pauté, tomber tout entière et disparaître sous la décision » souveraine du Pape, mystérieux démenti donné à des théo>> ries d'école, mais touchant exemple de soumission et éter» nel honneur du clergé de France. Ce n'était pas la seule » question qui s'offrait à l'apologiste; le couronnement de l'Em» pereur était une question plus délicate encore. Le P. Ventura » s'en fit une force philosophique pour mettre en relief la » puissance de l'Eglise, sans laquelle Napoléon semblait dou» ter de la sienne; et ainsi le jeune Théatin ramenait les » grandes révolutions de pouvoir que le siècle avait vues, aux >> thèses catholiques que ces révolutions avaient voulu ren» verser pour tout soumettre aux lois de la force 1.

>> Ce discours du P. Ventura est une de ses belles œuvres. » Il excita à Paris quelque plainte. L'abbé de la Neuville 2, un » des rares prêtres restés rebelles au Concordat, le dénonça au >> roi dans un écrit qui ne fut guère aperçu. Alors le bon sens régnait dans la politique, et le regret du passé cédait à la >> pratique des choses, ce qui n'empêchait pas les partis de » faire du regret le plus grand des crimes et un motif suffi>> sant de révolte et de révolution nouvelle 3. >>

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Léon XII voulut s'attacher plus intimement l'homme émi nent dont les principes et l'éloquence faisaient une si profonde impression sur les esprits, et il le nomma, en octobre 1825,

Cet éloge publié à part à un grand nombre d'exemplaires se trouve aussi dans le volume ayant pour titre : Elogi funebri del P. Ventura, teatino; Rome, 1827. On y voit de plus l'Eloge du mathématicien Nicolas Fergola.

2 Voir la Lettre à S. M. Charles X, roi de France, contre le couronnement de Buonaparte, par Lequien de la Neufville; in-8° de 40 p. Paris, 1827. C'était un prêtre rebelle au Pape, et grand adversaire de l'apparition de la croix de Migné.

3 Union, du 11 août 1861.

professeur de Droit public ecclésiastique à l'Université romaine.

Ce cours fut publié en 1826 sous le titre de Jure publico ecclesiastico, en 3 vol. in-8°. Voici comme en parle M. Laurentie :

« Ouvrage d'une logique ferme et savante, où le P. Ventura » montait à l'origine du Droit et broyait les sophismes qui dans >> nos temps modernes en ont faussé la notion. Jamais, depuis » Bossuet, la doctrine de la souveraineté du peuple n'avait été >> discutée avec cet éclat et cette énergie. La langue de Cicéron >> retrouvait son ampleur et sa clarté; on eût dit un vieux >> patricien luttant contre les plébicoles du Forum, mais avec » une autorité doctrinale que le paganisme n'avait pas con>> nue 1. »

C'est vers cette époque que le P. Ventura comprenant l'importance de l'enseignement de la philosophie, étude qui en réalité donne le moule aux générations présentes, et comprenant comment les principes de Descartes, de Locke et de Condillac, qui dominaient alors, mènent directement, ou à l'illuminisme en faisant croire que Dieu se communique directement et naturellement à l'esprit de l'homme, ou au panthéisme en identifiant la raison de l'homme à la raison de Dieu, s'occupa de composer un nouveau Cours de philosophie.

Il s'y était préparé par la traduction de la législation primitive de M. de Bonald, du livre du Pape de M. de Maistre, et en encourageant celle de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion, de M. de Lamennais.

Son ouvrage parut en 1828 sous le titre De Methodo philosophandi; Pars I, de philosophia et methodo philosophandi in genere 2.

Dans ce volume le P. Ventura montrait principalement combien la méthode suivie s'éloignait de celle des Pères et des docteurs de l'Eglise. Il ne suivait pas tous les principes de M. l'abbé de Lamennais, hésitait sur quelques points qu'il a

1 Ibid.

2 Vol. in 8o de CXLII-542 pages. Rome, 1828.

complétés depuis, rappelait fortement la nécessité d'une première communication faite par Dieu à l'homme, et battait en brèche le système de philosophie de Descartes.

Sa réputation était alors si grande et sa personne tellement vénérée en Italie, que le duc de Modène en reconnaissance de ses bons offices dans l'affaire du Concordat avec le Pape, le présenta, en 1829, à S. S. Pie VIII, pour l'archevêché de Modène. Mais Pie VIII ne voulut pas priver la ville de Rome du professeur qui en était un des principaux ornements, et le P. Ventura ne put se résoudre à quitter une ville qui, étant le centre de la catholicité, donnait plus de poids à son enseignement et le rendait plus profitable.

Au reste, son Ordre voulut le récompenser de son sacrifice et lui prouver l'estime qu'il avait pour ses talents. En effet, le Général de l'ordre étant mort au mois de novembre 1829, le Chapitre général, réuni par anticipation à l'époque ordinaire de ses séances, le nomma Général de l'Ordre, le 25 février 1830, poste qu'il occupa jusqu'au mois d'avril 1833, où il le résigna, après les 3 ans d'exercice prescrits par les règlements.

4. Le P. Ventura répudie les principes de M. l'abbé de Lamennais.

Nous avons dit que le P. Ventura fut loin d'accepter tous les principes de M. l'abbé de Lamennais. En effet, dès le mois de février 1831, il écrivit au rédacteur de l'Avenir une lettre 1, où il critiquait vertement les tendances de cette feuille. En effet, il lui disait :

Votre tort devient encore d'autant plus grand, que vous paraissez prêcher la Révolution au nom de la Religion, et que depuis un mois vous en faites l'expression d'une pensée catholique. En cela vous tombez dans l'excès contraire à celui que vous avez reproché aux Gallicans, car s'ils font de la religion, dites-vous, l'alliée du despotisme, vous en faites l'alliée de la révolution ; ils soulèvent les peuples contre le catholicisme, vous le rendez suspect, odieux aux rois.

» Je ne saurais pardonner à l'Avenir l'article intitulé: La souveraineté de Dieu exclut-elle la souveraineté du peuple ? » Cet article me paraît renfer

2

Voir l'Avenir du 9 février, où cette lettre fut publiée.

2 Avenir du 14 décembre 1830.

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