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mier volume de l'histoire des Kurdes par Scherif, prince kurde de Bidlis1. L'auteur, né en 1543, d'une grande famille kurde, fut élevé à la cour de Perse, et passa sa vie dans les armes et dans l'administration de plusieurs provinces persanes. Relégué, à l'âge de quarante ans, dans la petite ville de Nakhtchewan, il noua des intelligences avec la cour de Constantinople, qui lui rendit son ancien rang et lui octroya la principauté de Bidlis, dans le Kurdistan turc. C'est là qu'il composa en persan son ouvrage sur l'histoire de sa race, en se servant des renseignements que pouvaient lui fournir les chroniques arabes et les traditions du pays. Ses matériaux sur l'ancienne histoire du pays sont extrêmement maigres; ce qu'il tire des chroniques arabes, nous pouvons l'en tirer nous-mêmes avec plus d'exactitude et de critique, et l'intérêt de l'ouvrage consiste dans l'histoire locale des tribus nombreuses des Kurdes, ainsi que dans le récit des événements contemporains ou peu antérieurs à lui-même. La tradition, chez un peuple aussi illettré, se perd ou se dénature rapidement, et il est peu probable que nous connaissions jamais sur l'ancienne histoire des Kurdes plus que les traces qu'un contact avec eux a laissées dans les annales grecques, persanes, arabes ou arméniennes. Mais l'ouvrage d'un historien indigène de cette race n'est pas pour cela sans valeur, parce que lui seul peut classer les tribus, expliquer leurs intérêts et leurs relations mutuelles, suivre leur histoire et mettre de l'ordre dans les renseignements que nous possédons sur elles. M. de Veliaminof a eu à sa disposition des manuscrits d'une qualité telle, qu'ils lui ont donné le moyen de produire le texte le plus exact possible; le premier volume contient le texte de l'ouvrage, sauf un appendice sur les tribus, qui fera partie du second, et sera suivi d'une traduction française et d'un commentaire. Ce livre avait attiré depuis longtemps la curiosité des savants; M. Charmoy devait le publier pour le Comité de traductions de la société de Londres; l'état de sa santé l'a fait renoncer à

Scheref-Nameh ou histoire des Kourdes, par Scheref, prince de Bidlis, publiée pour la première fois, traduite et annotée par V. Veliaminof-Zernof. T. 1, texte persan, première partie. Saint-Pétersbourg, 1860; in-8° (xx et 459 pages).

son plan, dont l'exécution est aujourd'hui dans des mains parfaitement compétentes.

Le seul espoir que nous ayons d'apprendre davantage sur les origines des Kurdes repose sur l'examen de leur langue, qui a été plusieurs fois l'objet de l'étude des orientalistes, mais avec des matériaux insuffisants. M. Jaba, consul de Russie à Erzeroum, s'est chargé de nous en fournir de plus amples; il a envoyé, depuis quelques années, une série de travaux à l'Académie de Saint-Pétersbourg, qui a confié le soin d'en publier un choix à M. Lerch, que ses propres travaux sur cette langue mettaient mieux que personne en état de s'acquitter de cette commission'. M. Lerch a choisi un recueil de récits kurdes, précédé de quelques notes sur les tribus et sur le petit nombre d'écrivains kurdes dont M. Jaba a pu réunir les productions. Les récits sont au nombre de 40; ils sont en prose et contiennent en général des histoires de brigandage, curieuses pour la peinture des mœurs de ce peuple, mais assez modernes, et leur intérêt principal consiste dans le spécimen authentique de la langue qu'elles nous fournissent. M. Jaba prépare les textes de quelques poëtes kurdes, et une grammaire et un dictionnaire détaillés de la langue.

11. Progrès dans l'étude de l'histoire turque. Histoire d'une campagne en Hongrie. - Exposé des figures de numération chez les peuples orientaux.

Les livres turcs qui ont paru à Constantinople et à Boulak ont été énumérés 2, par M. Bianchi, dans votre Journal, et je n'ai rien à ajouter à sa liste; mais j'ai à mentionner le seul ouvrage de cette littérature qui, à ma connaissance, ait paru en Europe, c'est l'Histoire de la campagne de Mohacz, par Kemal Pacha Zadeh, publiée et traduite par M. Pavet de Courteille 3. Ahmed, fils de Kemal Pacha, était un des plus grands

Recueil de notices et récits kourdes, servant à la connaissance de la langue, de la littérature et des tribus du Kourdistan, réunis et traduits en français par M. Alexandre Jaba. Saint-Pétersbourg, 1860; in-8° (ш et 128 pages).

2 Bibliographie ottomane, par M. Bianchi, dans le Journal asiatique, juin et oct.-nov. 1859.

3 Histoire de la campagne de Mohacz, par Kemal Pacha Zadeh, publiée pour la première fois, avec la traduction française et des notes, par M. Pavet de Courteille. Paris, 1859; in-8° (vII, 199 et 165 pages).

ve SERIE. TOME IV.

- N° 23; 1861. (63 vol. de la coll.) 23

jurisconsultes, savants el poëtes de l'époque la plus brillante de l'empire turc. Après une carrière rapide dans l'enseignement et à la cour, il fut nommé mufti en 1525, et laissé, par Soliman, à Constantinople pendant la campagne de Hongrie de l'année suivante. Il composa l'histoire de cette campagne, désastreuse pour les chrétiens; il avait en main tous les documents les plus authentiques, et l'on ne peut qu'être curieux de comparer avec le récit des historiens hongrois et allemands la relation d'un Turc qui était en aussi bonne position pour tout savoir. Malheureusement Kemal Pacha Zadeh partageait le goût général des Turcs pour la rhétorique; il voulut faire, et il fit réellement de son livre, aux yeux de sa nation, un chef-d'œuvre de style; mais le résultat est qu'il couvrit des fleurs de sa poésie les faits prosaïques de sa narration, de façon à la rendre bien moins instructive pour nous qu'on ne devait l'espérer. Il y a pourtant des parties dans lesquelles il complète les récits occidentaux que nous avons, comme, par exemple, dans l'histoire du siége de Peterwardein; mais sa valeur réelle est celle d'un ouvrage de littérature où se déploie tout ce que le style turc a de plus fleuri, et il n'y a peutêtre aucun livre dans lequel on puisse mieux apprendre tous les raffinements de la langue. La correction de l'édition et l'excellente traduction de M. Pavet garantissent à l'étudiant l'intelligence du texte, et l'on ne saurait trop recommander ce volume pour l'enseignement de la langue et du style.

Avant de quitter les littératures musulmanes, je dois dire quelques mots d'un ouvrage qui ne se rapporte à aucune langue en particulier, parce que l'auteur s'occupe de toutes sous le rapport des signes numériques qu'elles emploient: c'est l'Exposé des signes de numération usités chez les peuples orientaux, par M. Pihan.1 Ce livre traite des signes qui ont été employés comme chiffres, de leur origine et de leur filiation. M. Pihan les représente tous dans leur forme la mieux constatée, et ne néglige pas même les plus cursives, comme les chiffres de compte persans et les chiffres de l'administration turque. C'est un travail fait avec beaucoup de soin et qui sera

Exposé des signes de numération usités chez les peuples orientaux anciens et modernes, par M. A. P. Pihan. Paris, 1860; in-8° (xxiv et 271 pages).

commode à bien des savants, parce qu'il n'existe aucune collection qui comprenné ce qui a été réuni dans celle-ci. L'exécution typographique fait le plus grand honneur à l'Imprimerie impériale et à l'auteur, qui a lui-même composé les parties difficiles de l'ouvrage.

Jules MOHL, de l'Institut.

Biographie catholique.

NOTICE

SUR LA VIE, LES ÉCRITS ET LA MORT

DU R. P. VENTURA DE RAULICA,

Le vendredi 2 du mois d'août dernier, est mort à Versailles · le R. P. G. D. Joachim Ventura, baron de Raulica, l'un des hommes éminents de l'Italie, et nous pouvons dire celui qui, parmi ses compatriotes, comprenait le mieux le malaise de la société actuelle, en signalait les causes avec le plus de persévérance et en indiquait le remède avec le plus de précision. Le mal, disait-il avec raison, est dans l'enseignement tel qu'on le donne à la jeunesse; le remède dans un enseignement plus intelligent et plus chrétien. Les politiques, les philosophes, les théologiens, auront beau chercher d'autres remèdes; aucun n'aboutira.

1. Naissance et éducation du P. Ventura.

Le P. Ventura naquit à Palerme, en Sicile, le 8 décembre 1792, de D. Paul Ventura, baron de Raulica, et de D. Catherine Gatinelli. C'est dans cette ville qu'il fit ses premières études qu'il termina à l'âge de 15 ans. Peu de temps après, par déférence pour le désir de sa mère, il entra chez les PP. Jésuites de Palerme, qui lui confièrent aussitôt leur chaire de rhétorique.

Cette maison ayant cessé d'exister, il entra, en 1817, dans la Congrégation des Clercs réguliers, appelés communément Théatins, alors qu'il était âgé de 25 ans.

Le 6 juillet 1818, il fut ordonné prêtre, et s'adonna tout d'abord à la prédication.

En 1819, ses supérieurs, qui avaient reconnu tout le mérite du jeune religieux, le firent passer de Palerme à Naples, où il continua à prêcher dans les différentes églises. C'est là qu'il

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