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Traditions primitives.

TABLEAU DES PROGRES

FAITS

DANS L'ÉTUDE DES LANGUES, DE L'HISTOIRE ET DES TRADITIONS RELIGIEUSES DES PEUPLES DE L'ORIENT,

PENDANT LES ANNÉES 1860 ET 1861.

9.

TROISIÈME ARTICLE'.

Traduction des

Progrès dans l'étude des cunéiformes babyloniens et assyriens. Grammaire assyrienne de M. Oppert. Traduction des inscriptions de Borsippa, du caillou, de Michaud, du cylindre de Bellino. inscriptions des briques de Babylone, par M. Ménant. Polyphones assyriens, id. Noms propres assyriens, id. Formation des expressions idéographiques, id. Publication des inscriptions cunéiformes, par le Musée britannique.

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Je passe à la Mésopotamie et aux progrès qu'a faits l'étude des cunéiformes babyloniens et assyriens. Vous connaissez tous les Eléments de la grammaire assyrienne2, publiés par M. Oppert dans le Journal asiatique, dans lesquels il a exposé, le premier, systématiquement, et réuni en tableaux les formes grammaticales déterminées jusqu'ici, soit par lui-même, soit par d'autres, et dont il regarde la presque totalité comme certaine. Sir H. Rawlinson et M. Fox Talbot ont publié de nouvelles traductions de l'inscription de Borsippa, que M. Oppert avait discutée dans votre Journal3 il y a quelques années, et M. Talbot a ajouté à son travail une traduction du monument connu sous le nom du caillou de Michaud et du cylindre de Bellino. Le

Voir le 2o article au no précédent ci-dessus, p. 278.

2 Éléments de la grammaire assyrienne, par M. Oppert, Journal asiatique, 1860 (février-mars).

3 Voyez Journal asiatique, année 1857, cah. de juin et d'août-septembre. Voyez le Journal of the asiatic Society of Great Britain and Ireland vol. xvIII, cah. 1.

Ces deux inscriptions avaient déjà été traduites par M. Oppert dans les Annales, t. XIV, p. 162 et 351 (4a série).

ve SÉRIE. TOME IV.

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N° 23; 1861. (63° vol. de la coll.) 22

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plus actif de tous les assyriologues, s'il m'est permis de forger un nom pour une école qui n'en a pas encore, a été pendant ce temps M. Ménant, à Lisieux. Au commencement il ne faisait qu'exposer les résultats obtenus par M. Oppert, surtout dans la lecture des inscriptions; peu à peu il ajouta ses propres idées à celles qu'il adoptait des autres. Je n'ose pas trop préciser ce qui lui appartient en propre, car je crains de me tromper dans une matière aussi délicate, et de m'exposer à des réclamations de priorité; mais il me semble que déjà, dans ses inscriptions assyriennes sur briques et dans ses observations sur les polyphones assyriens 2, il y a quelque chose de nouveau. Ce dernier traité était tiré d'un travail beaucoup plus étendu et qui a paru un peu plus tard sous le titre de Ecritures cunéiformes 3. C'est une histoire des travaux qui ont préparé la lecture et l'interprétation des inscriptions de la Perse et de l'Assyrie, dans laquelle l'auteur explique avec beaucoup de clarté la voie qu'on a suivie pour résoudre ces problèmes, la part que chacun y a prise, et les résultats principaux auxquels on est arrivé dans la lecture. Il a fait suivre cet ouvrage d'un traité sur les noms propres assyriens et de recherches sur la formation des expressions idéographiques qui rendent si difficile la lecture des noms propres en caractères cunéiformes assyriens ou babyloniens. Il espère donner dans ce Mémoire la preuve que l'on peut lire avec certitude les noms assyriens, même ceux pour lesquels on n'a d'autre secours que tes inscriptions mêmes. Enfin il vient de faire paraître le commencement de ses principes élémentaires de la lecture des textes assyriens 5. M. Ménant a la grande vertu de toujours s'attacher, dans ses publications, aux premiers éléments de la lecture si difficile

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Inscriptions assyriennes des briques de Babylone, essai de lecture et d'interprétation, par J. Ménant. Paris, 1859; in-8° (55 pages avec deux planches). 2 Observations sur les polyphones assyriens, par M. Ménant. Lisieux, 1859; in-8° (15 pages autographiées).

3 Les écritures cunéiformes, exposé des travaux qui ont préparé la lecture et l'interprétation des inscriptions de la Perse et de l'Assyrie, par M. Joachim Ménant. Paris, 1860; in-8°.

"Les noms propres assyriens, recherches sur la formation des expressions idéographiques, par M. J. Ménant. Paris, 1861; in-8° (64 pages).

5 Voyez la Revue archéologique, année 1861, au mois de juin.

des cunéiformes, de prendre une peine infinie à faire comprendre, même aux hommes les plus étrangers à cette étude, les méthodes qu'on a suivies, les difficultés qu'on a rencontrées, les moyens qu'on a employés pour les résoudre ou les tourner, et les ressources que l'on a pour faire de nouveaux progrès. Il s'efforce toujours d'être clair et de se mettre à la place du lecteur, et c'est avec lui qu'on pourra plus facilement discuter les principes et les méthodes de l'école qu'il suit; car il n'est jamais facile de discuter une science nouvelle qui est en train de se fonder, et qui est naturellement sujette à beaucoup de changements. Les esprits inventeurs tiennent généralement plus à aller en avant qu'à s'arrêter pour avertir ceux qui suivent, de sorte que, quand on s'attache à un point pour le discuter, on est toujours exposé à trouver qu'on est déjà dépassé, que peut-être, une nouvelle solution a fait abandonner la première, et qu'il faut de nouveau se mettre au courant. Il en a été ainsi des hiéroglyphes égyptiens, et c'est dans la nature des choses; aussi voyons-nous très-peu de discussions sur les cunéiformes assyriens, sujet qui devrait pourtant les provoquer, et qui en a besoin pour se fortifier et pour lever les doutes qui obsèdent le public savant. Je n'en connais de récentes que deux, une de M. Renan 1, et l'autre de M. Schoebel2. M. Oppert a, je crois, publié une réponse à M. Renan, mais je ne la connais pas, et il est possible qu'il y ait eu des discussions en Allemagne ou en Angleterre qui m'auront échappé. Mais, si l'on trouve peu de discussions, on rencontre d'autant plus de scepticisme passif, et ce n'est pas étonnant, car les difficultés tant de la lecture que de l'interprétation de ces textes sont grandes et multiples, et réagissent les unes sur les autres de la manière la plus embarrassante. Si l'on savait la langue, on se rendrait certainement compte des excentricités apparentes du système d'écriture, ou si l'on était sûr de la lecture, on procéderait avec plus de sécurité à l'interprétation. La seule base certaine que l'on ait sont les inscriptions trilingues; elles ont ouvert une voie que les assyriologues ont suivie avec une sagacité remarquable et souvent avec un talent de combinaison ad

1 Voyez Journal des Savants, année 1859 (cah. de février et suiv.). 2 Voyez Revue orientale et américaine, 1860 (no 27).

mirable; mais malheureusement elles ne sont pas assez nombreuses pour nous donner la solution des complications de l'écriture et de l'interprétation qu'elles font entre voir. Elles ont conduit à l'admission des idéographes et des polyphones, et le premier mouvement de tout lecteur est de se récrier contre la possibilité d'admettre une écriture dans laquelle on ne saurait jamais si une syllabe est idéographique ou phonétique, et, quand elle est phonétique, s'il n'y pas deux ou même trois sons et sens différents qui répondent au même signe.

Il serait certainement désirable qu'une idée nouvelle permît de mettre plus de simplicité dans la lecture, et il est possible que les progrès de l'étude amènent de nouvelles observations, comme celles de M. Oppert sur les signes complémentaires et indicatifs de l'emploi idéographique des signes, de façon à diminuer les difficultés de la lecture et à la préciser davantage. Mais je ne crois pas que des bizarreries et des irré gularités, si grandes qu'elles soient, suffisent pour faire rejeter, comme impossible à priori, une système d'écriture; car il est difficile d'imaginer tout ce à quoi les hommes se sont soumis en fait d'écriture, par suite de circonstances historiques, ou seulement de l'arbitraire, et combien l'habitude leur a rendu tolérable ce qui, au premier aspect, paraît inadmissible. Le système des hiéroglyphes égyptiens est bien compliqué et bien difficile; le système chinois n'est pas simple, et quand les Japonais l'ont appliqué à leur langue, ils ont produit un mélange qui, à la première vue, paraît inextricable, et doit toujours rester difficile. Il est vraiment incompréhensible que les Perses aient pu adopter l'écriture pehlewie, qui était pourtant facile à corriger et à préciser, mais qu'on n'a évidemment pas trouvée assez embarrassante pour prendre ce soin; enfin, quand on voit une lettre arabe écrite sans points diacritiques, ou une page en schikesté persan ou hindoustani, on dirait, en théorie, que la lecture en est impossible, pendant que la pratique nous prouve que la connaissance parfaite de la langue suffit pour vaincre les difficultés de l'écriture. Ainsi la complication du système assyrien, tel qu'on nous l'explique aujourd'hui, peut être un grand embarras, mais je ne pense pas qu'on puisse le rejeter comme impossible.

Cet embarras dans lequel on se trouve en face des irrégularités du système graphique des Babyloniens et des Assyriens provient de notre ignorance de l'histoire de cette écriture. Pourra-t-on la reconstituer avec les éléments mêmes que nous fournissent les inscriptions? Les interprètes des inscriptions l'ont essayé et ont expliqué l'emploi idéographique des syllabes par l'origine hiéroglyphique de l'écriture, idée naturelle, et qui a été adoptée d'autant plus facilement que l'étude des tablettes de Nimroud a fait retrouver quelques signes hiéroglyphiques réels. Pour rendre compte des polyphones, ils ont pensé que cette écriture avait été inventée par les Scythes, et introduite plus tard en Babylonie, où l'on aurait conservé partiellement le sens ou la prononciation scythique des syllabes, et que cela expliquerait les significations et prononciations doubles ou triples d'un même signe. Cette hypothèse n'a pas trouvé beaucoup de faveur en dehors de l'école, et a, je crois, contribué à faire hésiter le public sur la valeur du système en entier; mais, quoi qu'il en soit, ce n'est qu'une conjecture, qui ne touche pas au fond du débat.

Cependant si l'on admet que les Assyriens aient pu se contenter d'une écriture aussi imparfaite, et que l'enseignement, l'habitude et la connaissance de la langue leur aient rendu intelligible ce syllabaire, la difficulté n'est que déplacée, et nous la retrouvons tout entière dans l'interprétation; car s'il est déjà bien difficile de reconstituer une langue quelconque avec le seul secours des dialectes de la même famille, quelle difficulté ne doit-il pas y avoir quand il s'agit d'une langue qui emploie un syllabaire assez imparfait pour qu'on puisse hésiter entre deux ou trois prononciations différentes de chaque syllabe, et quand il s'agit d'une langue sémitique, que l'on a à retrouver dans les dictionnaires arabes et hébreux, qui se prêtent si facilement à des étymologies hasardées? Il est vrai que le nombre énorme des textes que l'on possède donne la possibilité d'obtenir le même mot dans beaucoup de positions, et que l'on a un grand nombre de textes répétés plusieurs fois, ce qui permet, dans bien des cas, d'arriver à un résultat qu'on pouvait à peine espérer; mais je crains,

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