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» différentes, j'ai appris beaucoup sur le mode de succession » et la forme du gouvernement. Le roi de Méroé était en » même temps grand prêtre d'Ammon; quand son épouse lui » survivait, elle succédait à son pouvoir, et l'héritier masculin » du trône n'occupait que la deuxième place; d'autres fois, à » ce qu'il paraît, le fils héritait, et déjà du vivant de son père, >> il portait les cartouches et titres royaux; il était deuxième » grand prêtre d'Ammon 1»

Tout ceci est postérieur à Ergamene, et montre, entre le sacerdoce et la royauté, une transaction dont celle-ci a dicté les termes. Nous voyons ici la royauté transmise par voie héréditaire il n'est plus question d'élection sacerdotale. Le texte, cité plus haut, du vieux voyageur grec Bion, disait, au contraire, que les Ethiopiens ne faisaient pas connaître le nom du père de leur roi; mais il se rapporte à une époque antérieure. Quant à l'apothéose des rois vivants, il y a lieu de croire qu'elle se rapporte plutôt à l'époque de Diodore qu'à celle de la souveraineté si absolue et si redoutable des prêtres de Méroé; d'autant plus qu'en Egypte même cette apothéose des rois vivants, du moins comme permanente, ne paraît dater que de la fin du 3° siècle avant Jésus-Christ 2.

Mais quelque découverte de la science moderne est-elle venue confirmer le récit de Diodore sur ce droit de vie et de mort jadis exercé sur les rois? Ici encore ce fait est confirmé par un récit étrange de M. Lepsius, qui l'emprunte à OsmanBey, et que l'on peut lire dans son livre 3.

Brun Rollet raconte aussi que, dans ce même pays, les rois étaient soumis, chaque année, à un jugement régulier qui décidait de leur vie ou de leur mort, et que cet usage a duré jusqu'en 1838 4.

Diodore cite encore une coutume bizarre de la cour de Méroé, d'après laquelle, si un roi subissait une mutilation quelconque, il fallait que ses familiers la subissent de même; on disait même que ce zèle pour ressembler au souverain 'Briefe, p. 217-8.

2 J'ai insisté sur ce fait que je crois avoir mis en lumière dans ma thèse latine pour le doctorat.

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allait jusqu'à mourir avec lui 1. De là, difficulté fort grande pour le succès des complots dirigés contre une vie qui avait tant d'hommes intéressés à la défendre; et cette observation rend plus croyable une coutume introduite peut-être par la politique, puis acceptée et maintenue par la crédulité du point d'honneur.

Je ne reviendrai pas sur les sauvages d'Ethiopie, dont Diodore décrit les mœurs, surtout d'après Agatharchide, si ce n'est pour dire qu'il attribue les caractères de la race Nègre à la plupart des peuples qui habitaient le voisinage du Nil, et qu'il parle de leurs occupations agricoles et pastorales (occupations qu'il semble attribuer respectivement à diverses tribus), si je n'avais à reproduire quelques détails donnés par lui sur leur religion. Le soleil, la lune et l'ensemble du monde étaient éternels dans la pensée des peuples qui habitaient au-dessus de Méroé : d'autres dieux avaient, selon eux, partagé la condition humaine et obtenu l'apothéose pour leurs bienfaits, tels que Jupiter, Pan, Isis, Hercule. Il est évident, d'ailleurs, qu'il faut reconnaître ici la confusion si ordinaire aux Grecs entre les dieux de leur Olympe et ceux des diverses nations étrangères, bizarrement mêlés ici aux idées d'Evhémère, qui, certes, n'appartiennent point aux peuples sauvages. Peut-être Ammon, chez qui l'on peut reconnaître à certains égards Jupiter et Pan; peut-être Isis, adorée à Méroé, recevaient-ils les hommages des peuples du sud. Le culte des astres n'a pas disparu de ces contrées3, et il y a toujours un peu du panthéisme accusé par Diodore dans le fétichisme dont ils ne sont pas exempts. Enfin l'écrivain grec montre quelques-uns d'entre eux

Insultant par leurs cris sauvages
L'astre éclatant de l'univers,

dont les rayons les dévorent, et considérés comme athées.

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Traditions primitives.

TABLEAU DES PROGRES

FAITS

DANS L'ÉTUDE DES LANGUES, DE L'HISTOIRE ET DES TRADITIONS RELIGIEUSES DES PEUPLES DE L'Orient,

PENDANT LES ANNÉES 1860 ET 1861.

DEUXIÈME ARTICLE'.

La conquête du nord de l'Afrique par les Musulmans est une des parties les plus obscures de l'histoire du kbalifat. Les traditions sur ce sujet sont contradictoires, et les dates, même des faits les plus notables, sont inconciliables. M. Weil, M. Jones, M. Fournel et M. de Slane ont, chacun de son côté, essayé de résoudre ces difficultés, sans qu'il en soit résulté une opinion généralement admise. Un jeune savant de Gottingue, M. Roth a entrepris de nouveau la solution de ce problème dans une dissertation inaugurale, intitulée Okba, le conquérant du nord de l'Afrique 2. Je ne sais si l'auteur est parvenu à élucider tous les points douteux de cette période épineuse, mais on ne peut pas lire sans plaisir ce petit travail, qui prouve les progrès que la critique a faits dans la manière de traiter les questions de l'histoire des Arabes. Il n'y a pas très-longtemps encore que l'on suivait, sans aucune défiance, la version que fournissaient des compilateurs comparativement modernes; mais aujourd'hui on remonte aux plus anciennes sources, et l'on scrute les traditions avec un soin infini, en faisant entrer, parmi les éléments de la critique, jusqu'aux isnads, ces longues listes généalogi

Voir le 1er article au numéro précédent, ci-dessus, p. 237.

2 Oqba Ibn Nafi el-Fihri, der Eroberer Nordafricas. Ein Beitrag zur Geschichte des arabischen Historiographie, von W. Roth. Gættingue, 1859; in-8° (vi et 70 pages).

ques des traditionnistes que chaque fait, raconté par un historien arabe de la bonne époque, porte à sa tête. Les Arabes les regardent, avec une sorte de superstition, comme les seuls éléments de la critique historique; les Européens les négligeaient comme des hors-d'œuvre presque ridicules; mais, depuis les travaux de M. Sprenger, on s'en sert, non pas avec la confiance illimitée que leur accordent les Musulmans, mais on y voit des indices et des moyens d'arriver à la vérité. M. Dozy, qui a étudié les Arabes d'Espagne comme on ne les avait jamais étudiés avant lui, et qui a publié tant et de si variés travaux sur eux, nous donne aujourd'hui les résultats de vingt ans d'études, dans une Histoire des Arabes d'Espagne depuis la première invasion musulmane jusqu'à la conquête de l'Andalousie par les Almoravides 1. L'ouvrage entier se composera de quatre volumes, dont les deux premiers ont paru. L'auteur ne nous donne ni une chronique, ni un tableau complet de l'Espagne sous les Arabes, mais une histoire politique de leur domination. Il veut déterminer et rendre intelligibles les grands faits de cette histoire, et en expliquer les causes; il s'attache exclusivement à ce qui a influencé le sort politique de l'empire arabe, et passe sous silence tout ce qui est en dehors de ce cercle. Ainsi l'on ne trouve dans son livre rien sur la littérature, le savoir et les écoles, ni sur l'agriculture et la statistique, rien sur l'architecture et les arts, peu sur l'administration ou les finances, et aucune liste ou chronologie des princes arabes de l'Espagne. Tout cela est hors-d'œuvre pour lui; il en parlera peutêtre à la fin dans un appendice; mais dans le corps de l'ouvrage rien ne le détourne de l'exposé des faits purement politiques, auxquels il donne tout le développement qu'ils demandent. Pour expliquer les profondes dissensions qui ont régné entre les partis arabes en Espagne, affaibli constamment le gouvernement maure et sauvé probablement le centre de l'Europe d'une conquête musulmane, il remonte à la haine immémoriale entre les tribus yéménites et maadites;

'Histoire des Musulmans d'Espagne, jusqu'à la conquête de l'Andalousie par les Almoravides (711-1110), par R. Dozy vol. 1 et u. Leyde, 1861; in-8° (392 et 356 pages).

il montre comment ces passions anciennes se sont compliquées par les partis qu'ont fait naître la succession de Muhammed et les intérêts des différentes dynasties de khalifes; comment la conquête de l'Afrique du nord et la conversion des Berbers y ont ajouté de nouvelles haines, et comment ces intérêts et ces passions y ont amené la conquête de l'Espagne et se sont combattus sur ce nouveau terrain. Il étudie avec beaucoup de soin la position des chrétiens vaincus, des convertis et des renégats, et l'influence qu'ils ont exercée sur les événements; il rend compte de la position de la noblesse arabe en Espagne et de sa lutte infructueuse contre l'esprit centralisateur des princes; enfin il met à nu toutes les fibres qui font agir ce corps politique si turbulent. C'est un récit animé, suivi et vivant, dans lequel l'auteur met de côté tout appareil d'érudition; il suppose connus tous les matériaux que lui et d'autres ont amassés sur ce sujet, et s'en sert librement, comme de chose acquise, en renvoyant brièvement aux sources et en négligeant tout ce dont il n'a pas besoin pour son plan, étant bien sûr qu'on ne l'accusera pas d'avoir ignoré ce dont il ne parle pas. C'est la première fois que l'histoire des Arabes d'Espagne est exposée avec une entière connaissance du sujet et de manière à satisfaire un esprit cultivé.

C'est ici que se place le plus naturellement la mention du progrès qu'a fait la publication du texte de l'Histoire des Arabes d'Espagne, par Makkari 1. Vous savez que MM. Dozy, Krehl, Dugat et Wright s'étaient réunis pour publier le texte de cet historien important, qui était déjà connu par la traduction de M. Gayangos. La 4 et dernière partie du texte, dont la publication était échue à M. Dugal, a paru, de sorte qu'il ne reste aux éditeurs réunis que de nous donner les tables, qui sont, je crois, sous presse, et qui termineront cette courageuse entreprise.

Avant de quitter les travaux sur l'histoire des Arabes, je devrais dire quelques mots de la collection d'inscriptions ara

1 Analectes sur l'histoire et la littérature des Arabes d'Espagne, par AlMakkari; publiés par MM. M. R. Dozy, G. Dugat, L. Krehl et W. Wright. Tome 1, part. 2, publiés par M. Gustave Dugat. Leyde, 1859; in 8° (pages 391835).

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