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NOTES

On trouve des renseignements sur ces auteurs barbares dans la savante préface du glossaire latin de Du Cange, no 44 et suiv., et aussi dans sa dissertation en tête du Thesaurus de R. Estienne. La Bibliothèque de Versailles possède l'ouvrage d'Ebrard, en vers libres, commenté par Jean-Vincent Quillet, régent à l'Université de Poitiers. Nous l'avons feuilleté, troublant un repos dont il semblait avoir joui longtemps. Il comprend quatorze livres. Le premier traite des figures, le second des vices du discours, de vitiis, le troisième de coloribus rhetoricis et de prosodia, le quatrième de l'orthographe et de la transmutation des lettres, le cinquième des monosyllabes, le sixième des noms propres grecs, masculins, féminins et neutres, ainsi que des pronoms, le septième des verbes, le huitième de l'adverbe, le neuvième du participe, le dixième de la conjonction, le onzième de la préposition, le douzième de l'interjection, le treizième des accidents des noms, le quatorzième des accidents des verbes. Ebrard ou Hébrard de Béthune composa ce livre en 1212 ou en 1224. Il était intitulé Græcismus, parce que l'auteur y expliquait un grand nombre d'expressions grecques ou d'étymologie grecque. Jean de Garlande, né vers 1040, a écrit sur les synonymes et les équivoques un livre en vers, imprimé à Cologne en 1495. Rabelais se moque de son ouvrage De modis significandi. Quant au Doctrinal d'Alexandre de Villedieu, cordelier de Dol en Bretagne, écrit en vers léonins vers 1242, il était divisé en quatre parties; les deux premières parties seulement furent imprimées en 1493. On l'imprima

en entier à Cologne en 1506. C'est dans la première partie, chap. IV, De generibus nominum, qu'on trouve ce vers appliqué par Louis XI au cardinal Bessarion :

Barbara græca genus retinent quod habere solebant.

Érasme parle plusieurs fois d'autres auteurs semblables, Papias, Hugution, Mammotrectus, Catholicon, Breviloquus. Papias, qui florissait en 1063, avait composé un dictionnaire qui était en même temps une grammaire. Il fut imprimé à Venise en 1496. Hugution était de Pise. Il devint évêque de Ferrare. On a de lui une grammaire suivie d'un vocabulaire tiré de Papias, mais augmenté de plusieurs mots et d'étymologies la plupart impertinentes copiées par les auteurs du Catholicon et du Breviloquus. Il écrivit son ouvrage vers 1192. Jean de Balbi, né à Gênes, continuateur de Papias et d'Hugution, est l'auteur du Catholicon ou Summa. Ce livre fut terminé en 1286. On l'imprima dès 1640 à Mayence. Écrit dans un latin barbare, il n'était pas sans valeur théologique. Le Mammotrectus ou Mammotrect, appelé par Rabelais Marmotret ou Marmotretus, fut composé par un cordelier natif de Reggio, dans le Modenais. L'auteur lui-même explique ce nom dans la préface: et quia morem geret talis decursus pædagogi qui gressus dirigit parvulorum, Mammotrectus poterit appellari. Il dérive ce nom de l'ancien mot lombard mammo, petit enfant, et de tractus, puer tractus manu. Ce livre initie les jeunes Frères à l'intelligence des termes de la Bible et du Bréviaire. Luc Wadingue nomme l'auteur Marchesino ou Marchesinus, et le fait vivre vers 1300. L'ouvrage fut imprimé vers 1470, dans les premiers temps de l'imprimerie. Le Vocabularius Breviloquus, attribué à Reuchlin, était un abrégé du Catholicon avec certaines additions. Il donnait des étymologies ridicules, des notions de grammaire, de prosodie, de rhétorique, etc. Rabelais, qui s'est moqué de ces livres barbares, livre I, chap. xiv et xv, a tourné aussi en ridicule l'éloquence du temps dans la harangue de maistre Janotus de Bragmardo à Gargantua, pour recouvrer les cloches, livre I, chap. Ix.

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B

Bien avant la publication du traité d'Erasme, des hommes très distingués, d'après divers passages des auteurs grecs et latins, conjecturaient que la prononciation fut autrefois différente. Alde Manuce, dans son petit livre De potestate litterarum, toucha ce sujet en passant. Jacques Ceratinus, dans un écrit sur la valeur et la prononciation des lettres grecques, ouvrage dédié à Érasme, l'anglais Chekus, dans des lettres adressées à l'évêque de Winchester, et publiées à Bale en 1535, Théodore de Bèze, Adolphe Mekerchius, de

Bruges, Jacques Gretserus, André Helvigius et d'autres encore traitèrent la question dans des écrits divers. Dès la fin du xvie siècle, la réforme proposée par Erasme fut adoptée et mise en pratique en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas, mais non sans résistance. Étienne, évêque de Winchester, Scaliger, Salmasius, défendirent la prononciation moderne. Jean-Rodolphe Wetstein soutint la même thèse par des Discours sur la vraie prononciation de la langue grecque; Bâle, 1686.

Ceratinus fait remonter la corruption de cette prononciation jusqu'à Cicéron et au-delà. Bèze remarque l'altération de la prononciation grecque dans Eustathe, qui vivait au XIIe siècle. Sont-ce les savants ou les ignorants qui l'ont altérée? Chekus n'ose le décider. S'il faut en croire Crusius, les Athéniens, sous les Turcs, étaient de tous les Grecs ceux qui parlaient le plus mal. Cicéron au contraire vante la prononciation du peuple athénien, qu'il préfère à celle des Asiatiques même instruits. Walton signale la corruption graduelle et inévitable de la langue et de la prononciation grecques. Il en trouve les causes dans la négligence et l'affectation qui amenèrent le raccourcissement des mots, la confusion des diphthongues et des voyelles, la différence de prononciation, la transposition des accents. La langue hébraïque fut corrompue à partir de la captivité de Babylone. La langue latine s'est altérée aussi. On dit, il est vrai, que la langue grecque était dans de meilleures conditions pour conserver sa pureté; mais on n'explique pas comment elle a pu échapper entièrement à une loi qui semble générale. Pour montrer la corruption de la prononciation moderne, on cite ce vers de Cratinus:

Ὁ δ' ηλίθιος ὥσπερ πρόβατον βῆ βῆ λέγων βαδίζει.

Que l'on prononce vi, vi, l'onomatopée disparaît. « La langue, dit Wetstein, ne doit pas être confondue avec la prononciation. » Il veut que la prononciation dite moderne date au moins des siècles où la Grèce était encore florissante. Selon lui, les Grecs n'ont rien corrompu dans le son; mais comme ils en avaient le droit, ils ont écrit à leur gré. Il s'appuie sur Quintilien, qui dit : « Non possumus esse tam graciles, simus fortiores; subtilitate vincimur, valeamus pondere. Cicéron dit lui-même en parlant des Grecs : « Ex filiis, sic eorum patres locutos esse judico, sic majores, non aspere, non vaste, non rustice, non hiulce, sed presse et æqualiter et leniter.

Agricola, né à Bafflen, village à deux lieues de Groningue, vers 1442, fit ses premières études à Louvain. De là il se rendit à l'Université de Paris. Mais, peu satisfait des méthodes suivies dans ces

écoles, il passa en Italie où il fit de grands progrès dans les langues
latine et grecque. Admiré des Italiens eux-mêmes, il ne craignit pas
de parler en public à Ferrare où il fut applaudi. Il devint professeur
de philosophie à Heidelberg. Sur la fin de sa vie, il donna toute son
application à l'étude de l'hébreu et de l'Ecriture sainte. Dans les
Adages, chil. I, cent. iv, prov. 39, Érasme le vante beaucoup. Her-
molaus ne l'estimait pas moins. On a vu ailleurs ce que l'évêque de
Rochester pensait de sa Dialectique. (V. 1er vol., p. 151.) Agricola
avait composé aussi un livre, De inventione rhetorica. Il n'avait pas
traité seulement des sujets profanes. Il avait célébré avec la plus
grande éloquence Anne, mère de la vierge Marie : « Autant de fois
Je lis ses écrits, disait Erasme, autant de fois je vénère dans mon
cœur avec respect et amour ce génie sacré et vraiment céleste... En
poésie, c'était un second Virgile. En prose, il égalait Politien par la
grâce et le surpassait par la majesté. Son langage, même dans l'im-
provisation, était si pur, d'une latinité si vraie, qu'on eût dit non
un Frison, mais un véritable Romain de naissance. Son érudition
égalait son élégance. Il avait pénétré tous les mystères de la philo-
sophie. Il connaissait à fond toutes les parties de l'art des Muses ou
des lettres. » Il avait traduit l'Axiochus de Platon, le traité d'Isocrate
à Démonique et quelques dialogues de Lucien.
Hermolaus a écrit son épitaphe en distiques :

Invida clauserunt hoc marmore fata Rodolphum
Agricolam, frisii spemque decus que soli.
Scilicet hoc vivo meruit Germania laudis

Quidquid habet Latium, Græcia quidquid habet.

Vers le même temps, un autre Frison, Wessel Gunsford, la lumière du monde, après être allé chercher des maîtres jusqu'en Grèce, établit des écoles de grec à Groningue, à Heidelberg et à Paris; mais ses efforts ne paraissent pas avoir obtenu un grand résultat. Reuchlin était déjà vieux en 1515. Fort savant en grec et en hébreu, il n'avait pas dans la pensée et dans le style cette élégante et facile clarté qui s'ouvre l'accès de tous les esprits. De plus, il se trouva engagé dans des querelles qui troublèrent et absorbèrent presque toute sa vieillesse.

Grocin est vanté par Érasme comme l'homme le plus honnête et le meilleur de toute l'Angleterre. Une lettre de lui avait été imprimée avec la Sphère de Proclus. Il s'affaissa vers 1517. Quoiqu'il ait vécu jusqu'à un grand âge, il n'a rien laissé après lui, « ayant gardé sa science sans la communiquer, disait Érasme, comme font les avares de leur argent. » Atteint de paralysie, il se survécut à luimême une année.

Thomas Linacer était un homme d'un goût délicat et sévère, d'un esprit pénétrant, d'une science consommée. Il traduisit avec plus de soin la Sphère de Proclus déjà traduite, mais imparfaitement. Cette traduction parut sous Henri VII et lui fut dédiée. Le précep

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teur du prince de Galles, flatteur de la pire espèce, avertit le roi que ce petit livre avait été déjà traduit. Le roi, se croyant joué, en conçut une haine mortelle contre Linacer. Ce savant avait composé une grammaire latine que Jean Colet repoussa de son école, non sans blesser un peu l'amour naturel qu'un auteur a pour les enfants de son génie. Budé le jugeait comme Erasme. Il l'avait vu à Paris. Il le regardait comme un homme extrêmement instruit, honnête, bon et sans morgue.

Pour professer la langue grecque, Érasme voulait d'abord un Grec de naissance en vue de la bonne prononciation; car il n'avait pas encore, à ce qu'il paraît, les idées qu'il exposa une douzaine d'années plus tard. Il s'adressa donc à Jean Lascaris, maître de Budé, de Pierre Danès et de Rabelais, le priant d'indiquer un homme capable. Il promettait des frais de voyage, un salaire convenable, un logement et une fidélité inviolable dans l'exécution des promesses dont il se portait garant. Mais sa lettre, envoyée à Rome où Lascaris dirigeait l'école grecque, n'y trouva pas ce savant qui avait passé de nouveau en France. Informé de ce contre-temps par son ami Bombasio, Erasme n'insista pas. L'émigration grecque ne comptait plus que quelques érudits presque octogénaires. Deux candidats se présentèrent, Rutger Reschius ou Rescius, et Jacques Ceratinus. Le premier l'emporta. M. Nève, dans son savant Mémoire sur le collége des trois langues, parle d'un troisième candidat nommé Robert César; par inadvertance il a pris au sérieux une plaisanterie d'Érasme « Cæsari gratulor tantum græcitatis. Video quid agat; ambit græcanicam professionem in hoc novo collegio. » « Je félicite Robert César de ce qu'il sait tant de grec. Je vois son dessein: il aspire à professer cette langue dans le nouveau collége. » (V. t. III, p. 1651, 1789, 178 et 238.) Ce Robert César était un ami du conseiller Clava et d'Erasme. Il étudiait le droit et le grec en amateur, paraît-il, et sans beaucoup de succès.

Les professeurs recevaient soixante-dix ducats par an; mais leur salaire pouvait être augmenté en raison du mérite personnel. Un très petit nombre de personnes étaient nourries par le collége, un président ou préfet qui avait l'administration de l'établissement, trois professeurs et douze jeunes gens environ. Quelques autres étaient logés dans la maison; mais ils vivaient à leurs frais, chez le préfet ou chez les professeurs : la situation du collège était assez belle et son architecture ne manquait pas d'élégance. Les professeurs quelquefois n'avait pas moins de trois cents auditeurs. L'Université de Louvain devint la première du monde après celle de

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