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mesures, où il dit que la livre est de douze onces, et qu'elle pèse vingt sous; ce qui peut servir à faire comprendre ce qu'on lit dans les Actes du concile d'Aix-la-Chapelle, en 817, que la livre de pain assignée par la règle de saint Benoît à un moine pour chaque jour devait peser trente sous. A l'égard des nourritures liquides, Arnoul dit que l'hémine de vin, dont il est parlé dans la même règle, pesait une livre selon quelques-uns, et selon d'autres une livre et demie. Il traitait dans un quatrième ouvrage des auteurs que l'on devait admettre ou rejeter, selon le décret du pape Gélase. Il en avait écrit un cinquième sur le solstice, et un sixième sur le jour de la passion et de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Aucun de ces ouvrages n'a encore été rendu public. Sigebert attribue à un moine nommé Arnoul un recueil en vers des plus belles sentences de Salomon, dont il donnait le sens littéral et spirituel. On ne sait si c'est le même que le moine de SaintAndré d'Avignon.

ARNOUL de Lisieux. Arnoul, connu dans l'histoire par ses écrits, par sa grande expérience dans la conduite des affaires, et par la faveur dont il jouit auprès du roi Henri II d'Angleterre, fut d'abord archidiacre de Séez, puis évêque de Lisieux, en 1141. Quoique neveu de l'évêque Jean, il fut néanmoins proclamé son successeur, par le clergé et par le peuple, qui n'eurent égard dans cette élection qu'à l'intégrité des mœurs et à la capacité du candidat de leur choix. Aussi, malgré les oppositions de Geoffroi, comte d'Anjou, son élection, patronnée par Pierre le vénérable et par saint Bernard, fut-elle confirmée par le pape Innocent II, et Arnoul resta paisible possesseur de son siége. Six ans plus tard, il entreprit le voyage d'outre-mer avec le roi Louis le Jeune, et fut de retour en 1149. Il assista, en 1154, au couronnement d'Henri II, et ne contribua pas peu à le retenir dans les sentiments de l'orthodoxie, à une époque où l'empereur Frédéric prenait le parti de l'antipape Octavien, contre Alexandre III, récemment élevé sur le siége de saint Pierre. Arnoul se trouva au concile que ce pape convoqua à Tours, en 1163, et fut même chargé d'en faire l'ouverture par un discours, dans lequel il exhorta les évêques à se déclarer courageusement pour l'unité de l'Eglise contre les schismatiques, et pour sa liberté contre les tyrans qui l'opprimaient. Arnoul voulut profiter de la bienveillance dont l'honorait Henri II, pour le réconcilier avec saint Thomas de Cantorbéry, mais ses efforts furent inutiles, et nous voyons qu'à la conférence qui se tint à Chinon, en 1166, il conseilla à ce prince d'éviter l'interdit de son royaume et l'excommunication de sa personne, en faisant un appel au pape. Le chagrin qu'il ressentit de cette division entre le roi et le premier prélat d'Angleterre lui inspira la résolution de se retirer dans un monastère, projet qu'il n'exécuta que quelques années plus tard, en se faisant chanoine régulier de Saint-Victor, de Paris, où il mou

rut, le 31 août 1182. Arnoul a laissé plusieurs ouvrages, dont nous allons essayer de donner une idée, par une rapide analyse. Traité du schisme

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Après la mort d'Honorius II, arrivée le 14 février 1130, on lui donna pour successeur Grégoire, cardinal de Saint-Ange, qui prit le nom d'Innocent II. Son élection, traversée par celle de l'antipape Anaclet II, occasionna un schisme dans l'Eglise. Arnoul, qui n'était encore qu'archidiacre de Séez, étudiait alors en Italie les lois romaines. Son attachement à l'Eglise et les bienfaits qu'il avait reçus du pape Innocent et de Geoffroi de Chartres, légat du saintsiége, l'engagèrent à défendre son élection, et à s'élever contre Girard, évêque d'Angoulême, qui favorisait en France le parti d'Anaclet. Arnoul fait une peinture très-vive des désordres de la vie de cet évêque, des défauts de son élection, de ses rapines, de ses exactions pendant son épiscopat, de ses ordinations simoniaques, de ses excès dans la promotion de ses parents aux dignités de l'Eglise dont ils étaient indignes, de sa négligence à punir les crimes scandaleux et publics de quelques-uns de ses clercs, de son avarice, qu'il trouvait moyen de satisfaire en abusant de l'autorité que lui donnait sa qualité de légat. Il dépeint avec des couleurs plus sombres encore la vie de Pierre de Léon ou de l'antipape Anaclet, et il la montre souillée de tant de crimes, qu'on le regardait comme l'Antechrist, parce qu'il était né d'un père juif, et qu'on doutait qu'il fût lui-même chrétien. Venant ensuite au pape Innocent II, Arnoul relève la probité de ses mœurs, et surtout sa modestie, dont il donna des preuves écalatantes en refusant constamment le suprême pontificat, jusqu'à ce qu'il fût forcé de l'accepter. Il démontre la canonicité de son élection, que Girard d'Angoulême proclama lui-même dans une lettre écrite pour le complimenter de son intronisation. Il ajoute que c'est le refus d'Innocent II de le confirmer dans sa charge de légat qui détermina Gérard à se joindre aux schismatiques, et à se déclarer hautement en faveur de l'antipape Anaclet. Il parle de ses intrigues auprès des princes et des évêques, pour lui gagner des partisans parmi les peuples qui leur étaient soumis, et il n'oublie pas surtout de reprocher à Gérard son intrusion sur le siége archiépiscopal de Bordeaux, où il n'avait été appelé ni par le clergé ni par le peuple. Parmi les religieux qui se déclarèrent constamment pour le pape Innocent II, il met les Chartreux, les Cisterciens et les Clunistes, et suppose visiblement qu'il était reconnu des rois, des empereurs, des princes et de presque tout l'uni

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originel et même des autres péchés, si elle pouvait en avoir commis quelques-uns; afin qu'ayant recouvré dans l'innocence la dignité de la première création, la nature divine pût s'unir à la nature humaine purifiée de toute souillure. Il ajoute que, bien loin de souffrir quelque atteinte dans sa virginité par la conception et l'enfantement, cette mère de Dieu fut élevée à un degré d'honneur d'autant plus parfait que sa conception était plus miraculeuse; Dieu ayant ajouté à l'honneur de la virginité qu'elle avait conservée, celui de la fécondité, par un miracle dont lui seul possède le secret. Il enseigne que l'union personnelle des deux natures en Jésus-Christ s'est accomplie sans mélange ni confusion; elles sont demeurées substantiellement les mêmes après comme avant l'union. Quoique l'incarnation soit l'ouvrage des trois personnes de la Trinité, la seconde seule s'est incarnée; quand on dit de JésusChrist des choses qui paraissent incompatibles, il faut l'expliquer par la distinction des natures, en attribuant à l'humanité les faiblesses humaines, et à la divinité, la majesté des opérations divines. Il dit qu'encore qu'il n'ait pas été consommé, le mariage de la sainte Vierge avec saint Joseph ne laissait pas d'être véritable, parce que l'essence du mariage consiste dans l'union des volontés et le consentement mutuel des époux. Il apporte l'exemple de sainte Cécile et de Tiburce, qui de concert vécurent dans le célibat après le mariage.

Lettres. - Il reste d'Arnoul un grand nombre de lettres, écrites avec élégance; nous en mentionnerons seulement quelques-unes, choisissant de préférence celles qui ont trait à l'histoire de son temps.

A saint Thomas de Cantorbéry. Vive ment affligé de la division qui existait entre le roi Henri II et saint Thomas de Cantorbéry, il écrivit à ce pieux archevêque une très-longue lettre, où, après lui avoir donné des avis sur la manière dont il devait se conduire pour recouvrer les bonnes grâces de son souverain, il lui dit : « Pour moi, je vous servirai fidèlement et avec affection, sachant que vous sacrifiez votre fortune et votre personne pour l'intérêt de vos frères; mais il faudra d'abord témoigner que je vous suis contraire, parce que si je paraissais votre ami, je ne serais ni cru ni écouté. La dissimulation sera un moyen de vous servir plus utilement. » Dans une lettre adressée au pape Alexandre III, il l'assura que la puissance séculière n'avait eu aucune part à l'élection de cet archevêque, et que ses mérites seuls l'avaient porté sur le siége de Cantorbéry. A Henri II d'Angleterre. Le zèle qu'il avait témoigné pour la défense du saint archevêque de Cantorbéry lui avait fait perdre la faveur du monarque anglais; quoique déjà avancé en âge, Arnoul lui écrivit pour lui redemander sa bienveillance. Il le fait souvenir que tant qu'il avait suivi ses conseils il avait été obéi et respecté de ses sujets, et que son royaume s'était maintenu dans une tranquillité parfaite, parce qu'alors la

raison, lajustice et la miséricorde dirigeaient toutes ses actions'; mais que depuis qu'il s'était livré aux conseils des flatteurs, il n'avait connu d'autres lois que sa volonté, ou plutôt qu'il avait subi la volonté des autres, en croyant accomplir la sienne. Il leur représente que Dieu n'a donné aux rois la puissance et les richesses que pour la garde et la défense des peuples, et non pour user de violence contre eux.

A Gilles, archevêque de Rouen. - Gilles, archevêque de Rouen, avait prié Arnoul de recueillir les lettres qu'il avait écrites à diverses personnes. Arnoul lui répondit que ce n'était qu'avec peine qu'il lui accordait sa demande, dans la crainte de s'attirer le mépris du public, qui ne manquerait pas de l'accuser de vanité et d'aveuglement en publiant des lettres qui ne méritaient pas de voir le jour. Comme il n'en avait conservé aucune copie, il fut obligé de redemander les originaux. Il convient que les lettres qu'il avait écrites dans sa jeunesse étaient d'un style plus châtié, plus limpide, plus élégant, plus sententieux; mais que, dans un age plus avancé, il s'était moins appliqué à'orner ses lettres de figures qu'à les rendre utiles, comme il convenait à un évêque, qui ne doit jamais oublier la fin de sa vocation. Il ajoute que, dans la vieillesse, l'esprit est plus lent et moins fécond, surtout quand il s'agit d'écrire à des personnes élevées, ou de traiter sérieusement des questions d'affaires.

Aux évêques d'Angleterre. Nous avons dit ailleurs qu'aussitôt qu'il eut appris la promotion d'Alexandre Ill, l'évêque de Lisieux lui adressa une lettre de félicitation, dans laquelle il le reconnaît pour le vicaire de saint Pierre, l'évêque et le pasteur de tous ceux qui portent le nom de chrétiens. Alexandre, sensible à cet acte de bon vouloir, en remercia Arnoul, en le priant de lui continuer ses soins auprès du roi d'Angleterre, des évêques et des seigneurs du pays. Arnoul écrivit donc aux évêques anglais, pour leur faire connaître la canonicité de l'élection d'Alexandre III. Il en détailla toutes les circonstances, en les rapprochant de celles qui signalèrent l'élection de l'antipape Octavien. On trouvait réunies dans Alexandre toutes les qualités personnelles nécessaires à un pape, de la naissance, du savoir, l'assemblage de toutes les vertus. Elu dans les règles, il fut ordonné par l'évêque d'Ostie, à qui cette consécration appartient de droit. Il fut reconnu par les cardinaux et par les évêques qui remplissaient les fonctions de légats auprès des diverses nations. Toute l'Eglise jouirait d'une paix complète, si Octavien ne s'était mis sous la protection de l'empereur Frédéric, qu'il savait disposé à le soutenir. En effet, ajoute Arnoul, ce prince saisit avec empressement cette occasion, tant cherchée par ses prédécesseurs, de soumettre l'Eglise romaine à leur empire; c'est pour cela qu'ils ont favorisé les schismatiques et excité des séditions dans Rome. Il montre ensuite qu'on ne pou

vait reconnaître Octavien pour pape, puisqu'il n'avait été élu que par un évêque et deux cardinaux; qu'il avait pris de luimême les ornements pontificaux, avait employé la violence pour s'asseoir le premier dans la chaire pontificale, et s'emparer du palais; qu'il n'avait été consacré qu'en présence d'un petit nombre de personnes, et par des évêques mendiés de tous les côtés. Aussi, manquant de confiance en sa cause, il avait constitué l'empereur arbitre absolu de sa destinée; en recevant, par l'anneau et le bâton, l'investiture de ses mains, il avait fait triompher l'empire du sacerdoce. C'est donc en vain qu'on faisait valoir pour son élection le concile de Pavie, puisque les évêques n'y avaient eu aucune liberté, qu'on n'y avait produit que des mensonges, et qu'on n'avait pu y rendre valide une élection vicieuse dans son principe. Il oppose à ce conciliabule les assemblées tenues en France pour la réception du pape Alexandre, et il dit à cette occasion : « Béni soit Dieu qui, comme toujours, a accordé à l'Eglise de France la grâce de reconnaitre la vérité, et de ne pas s'écarter du chemin de la justice! » Enfin, il dit aux évêques d'Angleterre que, bien que le roi eût reconnu dès le commencement le pape Alexandre, cependant il ne voulait publier d'édit à ce sujet qu'après les avoir consultés.

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A Arnauld, abbé de Bonneval. Ce que dit l'évêque de Lisieux dans sa lettre à Arnauld, abbé de Bonneval, sur le sacrifice de la messe, mérite d'être rapporté. « On ne peut rien offrir de plus précieux que JésusChrist, rien de plus efficace que ce sacrifice, rien de plus utile à celui qui l'offre et à celui pour qui il est offert, à moins que l'indignité des personnes ne le rende inutile par l'opposition de leurs mœurs à la dignité de ce sacrifice. Il faut que celui qui l'offre ait les mains pures, de peur que celui qui est digne de toute vénération ne soit immolé pour un vil prix; mais il faut aussi que celui pour qui il est offert en reconnaisse la valeur par sa foi, qu'il l'aime, qu'il le désire, qu'il en fasse un sacrifice de propitiation, qui lui donne confiance d'obtenir de Dieu grâce et miséricorde. Par la réunion de ces dispositions saintes dans les deux parties, le sacrifice est utile à l'un et à l'autre, et il arrive que ceux qui l'offrent pour les autres l'offrent aussi pour eux-mêmes. Qu'il est grand ce bienfait qui profite à celui qui le reçoit et à celui qui le donne! Quelque étendue que soit la charité du prêtre envers certaines personnes, le sacrifice qu'il offre est tout entier pour tous, et tout entier pour chacun. Quoique communiqué à plusieurs, son intégrité n'en est pas divisée, ni sa vertu diminuée parce qu'un grand nombre y participe. Il est tout à vous et tout à moi. Je l'ai offert tout entier pour vous, et je l'ai néanmoins réservé tout entier pour mon utilité

nous. Le premier est sur la nativité de JésusChrist, et les autres sur différentes matiè res qui n'ont que peu ou point de rapport à la religion, comme sur le changement des saisons, sur le retour du printemps; celui qui est adressé à deux jeunes amants pèche par trop de liberté; c'est apparemment un des fruits de la jeunesse de l'auteur. Arnoul composa aussi diverses épitaphes, entre autres, pour le roi Henri, pour l'iinpératrice Mathilde, pour Algar, évêque de Constance, et Hugues, archevêque de Rouen L'épigramme sur Jésus-Christ attaché à la croix est en quatre vers élégiaques. Dans une autre, qui couronne ses ceuvres poétiques, il affirme ingénument, en parlant de lui-même, qu'en Normandie il passait pour un poëte célèbre, mais qu'en France on convenait généralement qu'il n'avait pas son semblable. Il est vrai que c'est à son neveu qu'il fait cette confidence, et le titre de poete qu'il lui donne devait lui faire trouver tout simple ce que nous regardons, nous, comme une exagération. Du reste, son vers a de la dignité, et, quoique plus gêné, le talent s'y révèle comme dans tous ses écrits. Il suffit de parcourir ses ouvrages pour y retrouver partout, sous l'élégance du style, les traces d'un esprit fin, délicat et pénétrant. Ses OEuvres ont été imprimées dans la Bibliothèque des

Pères.

ARNOULD, célèbre prédicateur flamand, remarquable par l'austérité de sa vie, par la singularité de son costume, mais plus encore par son savoir et le succès de ses prédications. A l'annonce de la grande croisade, il se sentit inspiré de marcher sur les traces de saint Bernard, pour exhorter les petiples de la France et de l'Allemagne à s'enrôler dans cette sainte milice. Comme il ignorait également les lan gues romance et tudesque, il prit avec lui Lambert, abbé de Gembloux, qui expliquait au peuple, dans la langue du pays, ce qu'il disait en latin. Les croisés s'étant partagés, les uns pour aller, en Palestine, les autres pour aller combattre les Maures d'Espagne, Arnould suivit ces derniers, qui étaient commandés par le comte Arnoul d'Archost. Le principal fruit de leur expédition fut la prise de Lisbonne, qu'ils emportèrent le 21 octobre 1147. Notre prédicateur envoya la relation de ce siége à Milon, évêque de Térouane, dans une lettre que dom Martenne a publiée au tome 1" de sa grande collection, sur deux manuscrits, l'un d'Anchin, et l'autre de Gembloux.

On y voit que l'armée chrétienne, compo sée de Lorrains, de Flamands et d'Anglais, le vendredi des Rogations, le 23 mai de celle se rassembla en Angleterre, d'où elle partit année-là, sur une flotte de 200 voiles qu'une violente tempête sépara après quelques jours de navigation. Environ cinquante vaisseaux, montait notre auteur, abordèrent le 34 mal au nombre desquels se trouvait celui que dans un port d'Espagne appelé Gozzem. Là, L'évêque de Lisieux après trois jours de repos, ils s'embarquè s'occupait quelquefois de poésies, et plu- rent et touchèrent à un autre port nommé sieurs de ses poëmes sont arrivés jusqu'à Viver. Ils remirent à la voile le vendredi

particulière. »

Poésies d'Arnoul.

J.

cette démarche, il consulta Lanfrane, qu'il
avait eu pour maître à l'abbaye du Bec. Cel
archevêque, qui connaissait ses talents, lui
persuada de venir à Cantorbéry. Il y fut fait
prieur du monastère de Saint-Augustin, par
saint Anselme, successeur de Lanfranc, en-
suite abbé de Burck, et enfin évêque de Ro-
chester en 1114. Il donna dans tous ces offi-
ces des preuves de sa prudence et de sa pro-
bité. Son épiscopat fut de neuf ans et quel-
ques jours, et il mourut au mois de mars
112, âgé de quatre-vingt-quatre ans.

avant la Pentecôte, et vinrent débarquer au
port de Fambré, qui n'est qu'à huit milles de
Saint-Jacques en Galice. Ils se rendirent in-
continent à ce lieu célèbre, pour y passer la
solennité. Huit jours après, ils remontèrent
sur leurs vaisseaux, et allèrent attendre le
reste de la flotte à Portugalette, ville située
à l'embouchure du Douro. Pendant onze
jours que dura leur station, l'évêque du lieu
leur fournit abondamment les vivres et les
autres choses dont ils avaient besoin. Enfin,
toute la flotte se trouvant réunie, on fit voile
vers Lisbonne, devant laquelle on arriva le
28 juin, veille de la fête des apôtres saint
Pierre et saint Paul. Dès le même jour, le roi
d'Espagne, Alphonse Henriquès, parut en
vue de la place avec son armée de terre. On
opéra la descente aussitôt, et le 1 juillet,
les faubourgs étaient emportés; mais dans
le cours du mois on livra à la ville plusieurs
assauts, sans obtenir beaucoup de succès.
L'avantage de son assiette, là bonté et la
solidité de ses fortifications, et le courage
des assiégés, menaçaient les croisés d'une
longue résistance, sans même leur promet-
tre une victoire bien certaine. Ces pronos-
tics, loin de les abattre, stimulèrent leurs
efforts et doublèrent leur industrie. Ils ima-
ginèrent de construire deux grandes tours
de bois sur les bords du fleuve, l'une à l'o-
rient de la ville, où les Flamands se logè-
rent, et l'autre à l'occident, occupée par les
Anglais. Outre cela, ils élevèrent quatre
pouts appuyés sur chacun six vaisseaux,
d'où l'on pouvait passer sur les murs de la
place. Les assiégés, dans leurs sorties, rui-
naient une partie de ces ouvrages, mais heu-
reusement ils étaient réparés presque aus-
sitôt. Enfin, après quatre mois de siége, une
mine ayant fait sauter deux cents pieds de
muraille, les croisés, encouragés par le roi
d'Espagne, firent effort pour entrer par la
brèche. Le combat fut vif et opiniâtre, mais
les assiégés, épuisés de fatigues et à bout de
ressources, demandèrent à capituler, le 21
octobre, jour de la fête de sainte Ursule. La
proposition fut acceptée et les conditions
furent que la ville demeurerait au roi d'Es-
pagne, et le butin aux croisés.

Tel est le précis de la relation d'Arnould,
différente de celle de Robert du Mont, adop-
tée par Fleury dans son Histoire ecclésias-
tique. Celle-ci fait attaquer la ville par les
croisés de dessus leurs vaisseaux, tandis
que le roi d'Espagne l'assiégeait par terre.
Notre auteur, au contraire, témoin oculaire
des faits, atteste que les croisés, débarquant
aussitôt après leur arrivée, placèrent leurs
tentes dans la campagne, et firent sur terre,
avec les Espagnols, presque toutes les opé-
rations du siége.

ARNULPHE, évêque de Rochester, sous le
règne de Henri Ier, était né à Beauvais, vers
l'an 1050. Après avoir été assez longtemps
moine dans l'abbaye de Saint-Lucien à Beau-
vais, voyant qu'il ne pouvait ni corriger ni
supporter certains déréglements, il pensa à
aller s'établir ailleurs; mais avant de faire

On lui attribue une Histoire de l'église de
Rochester, connue sous le titre de Textus
Roffensis; il n'en reste qu'un extrait, publié
par Warton, dans son Anglia sacra. Nous ne
connaissons d'Arnulphe que deux lettres as-
sez longues pour mériter le titre de traités.
La première est adressée à Walquelin, évê-
que de Windsor. Dans une conférence qu'ils
avaient eue ensemble à Cantorbéry, Arnul-
phe avait soutenu, malgré les objections de
ce prélat, qu'une femme, coupable d'adultère
avec le fils de son mari devait en être sépa-
rée; et il avait appuyé son sentiment de l'au-
torité des Pères, des conciles, des livres pé-
nitentiels et des usages de l'Eglise. Walque-
lin s'en tenait aux paroles de l'Evangile et de
saint Paul, prétendant qu'elles décidaient en
sa faveur. Contents l'un et l'autre de leurs
preuves, ils s'étaient séparés sans avoir ré-
solu la question. Arnulphe la reprit par écrit,
et prouva que les passages de l'Ecriture al-
légués par Walquelin ne devaient s'entendre
que d'une séparation volontaire entre deux
personnes qui n'étaient pas coupables d'adul-
tère, séparation qui ne pouvait s'accomplir
que sur le consentement réciproque des
deux partis. Venant ensuite aux preuves de
sa proposition, il cite les décrets des conciles
de Mayence, de Verberie, de Tribar, les
épîtres décrétales des papes Innocent et Cé-
lestin I", et la coutume de l'Eglise, qu'on ne
peut, selon saint Augustin, violer sans pé-
ché. Il s'objecte que le mari étant innocent,
il y aurait injustice à le séparer de sa femme
pour une faute commise avec son fils. Mais
il répond que l'homme et la femme n'étant
qu'un corps et qu'une chair par leur union,
ils méritent d'être punis dans ce qui fait
qu'ils ne sont qu'un; car, selon saint Augus-
tin, non-seulement il est permis à un mari
de se séparer de sa femme, lorsqu'elle est
tombée en fornication, mais il le doit même,
de peur qu'à son exemple il ne tombe à son
tour. Cela n'est pas contraire au conseil que
l'Apôtre donne au mari fidèle de demeurer
avec sa femme infidèle, parce que ce conseil
n'impose aucune nécessité au mari; le même
apôtre ayant dit que celui qui s'unit à une
adultère devient un même corps avec elle,
il suit de là que la femme dont il est ques-
tion étant devenue par l'adultère un même
corps avec le fils de son mari; ce mari en
habitant avec elle habitera en même temps
avec sa femme et sa fille. Il cite l'exemple
de David qui ne voulut plus connaitre ses
concubines après qu'elles eurent eu com-
merce avec son fils Absalon.

La seconde lettre d'Arnulphe est une réponse à cinq questions que Lambert, abbé de Munster, lui avait adressées sur l'eucharistie. Voici la première de ces questions: Pourquoi donnait-on alors aux communiants l'hostie trempée dans le sang, puisque Jésus-Christ avait donné à ses apôtres son corps et son sang séparément? Arnulphe répond que Jésus-Christ étant venu pour le salut des hommes, a enseigné à ses apôtres, de vive voix ou par son exemple, ce qui était nécessaire pour la réparation de l'humanité, mais qu'il n'en a pas prescrit la manière, laissant à son Eglise le pouvoir de la déterminer. Ainsi, en ordonnant le baptême, il n'a pas dit: Vous baptiserez de cette façon; vous plongerez une fois, ou vous plongerez trois fois; vous ferez le scrutin; vous consacrerez le chrême; mais il a dit seule ment: Allez, baptisez toutes les nations, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. D'où il suit que, pourvu que l'on baptise, la manière de baptiser peut varier, soit par raison de nécessité, soit par raison de décence. La façon d'administrer les sacrements a varié avec les époques et suivant les besoins des temps; les sacrements sont toujours restés les mêmes. Il donne pour raison de la coutume introduite alors, de tremper l'eucharistie dans le sang de JésusChrist, la crainte bien fondée qu'il n'arrivât quelque accident, lorsque le prêtre donnait le calice à une grande multitude. Il ajoute qu'on ne doit pas appréhender d'imiter Judas, à qui le Sauveur donna un morceau de pain trempé, puisque ce fait n'a aucun rapport à la communion eucharistique.

La seconde question était de savoir pourquoi l'on met là quatrième partie de l'hostie dans le calice? Arnulphe répond que la coutume n'est pas de mettre la quatrième, mais la troisième partie de l'hostie dans le calice, parce qu'on la partage, non en quatre mais en trois. Il donne pour raison de cette division en trois parties, que l'hostie qui est sur l'autel doit être consommée par le célébrant, le diacre et le sous-diacre. Le consécrateur prend dans le calice la partie qui lui arrive, et il réserve sur la patène les deux autres parties pour ses deux ministres, s'ils sont présents; dans leur absence, il absorbe l'hostie tout entière. La division de l'hostie en trois peut encore figurer le corps mystique de Jésus-Christ; c'est-à-dire, l'Eglise composée de trois ordres, du clergé, des veuves et des personnes mariées; ou les trois personnes de la Trinité; ou les trois états de Jésus-Christ, sur la terre, au tombeau et dans le ciel.

Lambert demandait, en troisième lieu, pourquoi l'on recevait le sang de JésusChrist séparément de son corps, et son corps séparément de son sang? Arnulphe répond qu'on le fait ainsi pour imiter JésusChrist lui-même, qui, dans l'Evangile, pro

son sang avec son corps, et son corps avec son sang.

Voici la quatrième question: Reçoit-on, dans l'eucharistie, l'âme avec le corps de Jésus-Christ? Arnulphe, en y répondant, rejette les vaines subtilités que la vanité, plutôt que l'amour de la religion, faisait naî tre à propos des sacrements. Il veut qu'au lieu de perdre son temps en disputes, on croie sans hésiter que l'eucharistie est le corps et le sang de Jésus-Christ, puisqu'il l'a dit lui-même, et qu'étant la vérité il n'a pu mentir. N'a-t-il pu accomplir, comme toutpuissant, ce qui est au-dessus des lumières de notre raison? Au contraire, c'est même pour cela que l'eucharistie est appelée un mystère de foi, parce que la foi seule en pénètre le secret. C'est donc sans raison que l'on demande si la chair de Jésus-Christ dans l'eucharistie est morte ou immortelle ; si elle est animée, ou si elle ne l'est pas? La question est aussi oiseuse et aussi vaine que si l'on demandait aux fidèles si l'hostie consacrée où nous voyons toutes les apparences du pain est bien réellement du pain. N'a-t-on pas répondu à tout quand on a dit Jéque sus-Christ est tout seul, et qu'il est tout entier dans l'eucharistie ?

La cinquième question regarde le sens de changera pas, et s'il ne pardonnera pas; s'il ces paroles du prophète: Qui sait si Dieu ne ne laissera point après lui de bénédiction? Arnulphe fait voir par les paroles du même prophète Joël, qui précèdent immédiatement celles que nous venons de rapporter, que le changement de Dieu consiste dans le pardon qu'il accorde au pécheur converti. Par la bénédiction qu'il laisse après lui, il faut entendre la paix et la grâce qu'il donne à ceux qui le suivent et aui accomplissent sa volonté.

Ces deux lettres d'Arnulphe sentent le disciple de Lanfranc; elles sont écrites d'un style clair, précis, qui ne manque ni d'élégance ni de solidité. Dom Luc d'Achery les a insérées toutes les deux dans le tome II de son Spicilége.

ARSENE (saint), anachorète d'Egypte, naquit à Rome vers la fin du Iv siècle, d'une famille alliée à plusieurs sénateurs. Dès son enfance, il se montra plein d'ardeur pour l'étude et pour la pratique de la vertu, et se rendit bientôt habile dans la connaissance des auteurs grecs et latins et de. l'Histoire sainte. Ayant embrassé l'état ecclésiastique, il fut ordonné diacre et vécut longtemps dans la retraite; mais l'empereur Théodose cherchant un gouverneur pour l'éducation de ses enfants, son choix tomba sur Arsène, qui fut élevé à la dignité de sénateur, et nommé tuteur des jeunes princes. L'empereur voulut qu'Arsène eût un grand train et cent domestiques richement vêtus furent attachés à son service. Un jour que

Théodose

pose la communion de son corps séparé- était allé voir les jeunes princes pendant leurs études, illes trouva assis, tandis qu'Arsène était debout devant eux. Il fit de vifs sus-Christ tout entier sous chaque espèce, reproches, à ses enfants, les dépouilla,

ment de celle de son sang. Cependant il ne laisse pas d'être vrai que nous recevons Jé

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