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Pendant qu'un même sein nous renfermait tous deux,
Dans les flancs de ma mere, une guerre intestine
De nos divisions lui marquait l'origine.
Elles ont, tu le sais, paru dans le bercean,

Et

Et nous suivront peut-être encor dans le tombeau.
On dirait que le ciel, par un arrêt funeste,
Voulut de nos parens puuir ainsi l'inceste.
dans notre
que
sang il voulût mettre au jour
Tout ce qu'ont de plus noir et la haine et l'amour.
Et maintenant, Créon, que j'attends sa venue,
Ne crois pas que pour lui ma haine diminue.
Plus il approche, et plus il me semble odieux;
Et sans doute il faudra qu'elle éclate à ses yeux.
J'aurais même regret qu'il me quittât l'empire:
Il faut, il faut qu'il fuie, et non qu'il se retire.
Je ne veux point, Créon, le haïr à moitié,
Et je crains son courroux moins que son amitié :
Je veux, pour donner cours à mon ardente haine,
Que sa fureur au moins autorise la mienne ;
Et puisqu'enfin mon coeur ne saurait se trahir,
Je veux qu'il me déteste, afin de le hair.

Et un moment après, lorsqu'on lui annonce que son frère approche, il s'écrie:

Qu'on hait un ennemi quand il est près de nous

La description de leur combat, malgré quelques vers de jeune homme, est en général bien écrite et digne du sujet. Mais le talent de l'auteur pour la versification se développe bien davantage dans Alexandre. C'est la premiere de nos pieces qui ait été écrite avec cette élégance qui consiste dans la propriété des termes, dans la noblesse de l'expression, dans le nombre et la cadence du vers. Ce mérite, que l'auteur porta depuis infiniment plus loin, et le caractere de Porus, marquaient déjà un progrès dans sa composition, et la piece eut beaucoup de succès; mais elle manque de cet intérêt qui soutient seul les pieces de théâtre, quand on n'y supplée pas par des beautés d'un autre genre, assez supérieures pour en tenir lieu, comme on en voit des exemples dans quelques

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unes des pieces de Corneille. L'esprit d'imitation est ici encore plus marqué que dans les Freres ennemis. Alexandre est aussi froidement amoureux d'une reine des Indes, que César de celle d'Egypte. L'amitié sans doute aveuglait Despréaux, quand il met dans la bouche d'un campagnard ces vers en forme de reproche, et dont il veut faire une louange :

Je ne sais pas pourquoi l'on vante l'Alexandre :
Ce n'est qu'un glorieux qui ne dit rien de tendre.

Il n'est pas fort tendre en effet; mais il est assez galant pour dire à sa maîtresse :

Je vous avais promis que l'effort de mon bras
M'approcherait bientôt de vos divins appas.

Mais dans ce même tems, souvenez-vous, Madame,
Que vous me promettiez quelque place en votre ame.
Je suis venu: l'amour a combattu pour moi.
La victoire elle-même a dégagé ma foi.

Tout cede autour de vous; c'est à vous de vous rendre.
Votre cœur l'a promis: voudrait-il s'en défendre ?.....

Et un moment après:

Que vous connaissez mal les violens desirs
D'un amour qui vers vous porte tous mes soupirs!
J'avouerai qu'autrefois, au milieu d'une armée,

Mon cœur ne soupirait que pour la renommée.
Mais, hélas que vos yeux, ces aimables tyrans,
Ont produit sur mon cœur des effets différens !
Ce grand nom de vainqueur n'est plus ce qu'il souhaite;
Il vient avec plaisir avouer sa défaite.

Boileau aurait bien pu placer parmi ses héros de roman un Alexandre qui soupire pour d'aimables tyrans, et qui vient avouer sa défaite. Il y a des hommes qu'il ne faut jamais faire soupirer sur la scene, et Alexandre est de ces hommeslà. Mais pardonnons à Racine: l'exemple l'entraînait. Il était bien jeune, et depuis il sut faire parler à l'amour un langage bien différent.

Un autre défaut essentiel de cette piece, c'est le manque d'action. Porus est vaincu dès le commencement du troisieme acte, et pourtant il reste sur le champ de bataille jusqu'au cinquieme, à disputer une victoire qu'Alexandre lui-même a déjà déclarée certaine, et dans ce long intervalle Alexandre ne s'occupe qu'à mettre d'accord Axiane et Taxile, dont personne ne se soucie. Tout se passe en conservations inutiles mais celle du deuxieme acte, entre Porus et Ephestion, offre du moins des beautés de détail. Ephestion veut lui parler des exploits de son maître.

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Eh! que pourrais-je apprendre
Qui m'abaisse si fort au dessous d'Alexandre?
Serait-ce sans effort les Persans subjugués,
Et vos bras tant de fois de meurtres fatigués ?
Quelle gloire en effet d'accabler la faiblesse
D'un roi déjà vaincu par sa propre mollesse;
D'un peuple sans vigueur et presque inanimé,
Qui gémissait sous l'or dont il était armé,
Et qui, tombant en foule, au lieu de se défendre,
N'opposait que des morts au grand cœur d'Alexandre?
Les autres, éblouis de ses moindres exploits,
Sont venus à genoux lui demander des lois;

Et leur crainte écoutant je ne sais quels oracles,
Ils n'out pas cru qu'un dieu pût trouver des obstacles.
Mais uous,
qui d'un autre ceil jugeons les conquérans,
Nous savons que les dieux ne sont pas des tyrans;
Et de quelque façon qu'un esclave le nomme,
Le fils de Jupiter passe ici pour un homme.

Nous n'allons point de fleurs parsemer son chemin;
Il nous trouve partout les armes à la main.
Il voit à chaque pas arrêter ses conquêtes;
Un seul rocher ici lui coûte plus de têtes,

Plus de soins, plus d'assauts et presque plus de tems
Que n'en coûte à son bras l'empire des Persans.
Ennemis du repos qui perdit ces infames,

L'or qui naît sous nos pas ne corrompt point nos ames.
La gloire est le seul bien qui nous puisse tenter,
Et le seul que mon cœur cherche à lui disputer.

Ces vers ont la vigueur et là dignité du genre.

Je me souviens d'en avoir vu citer de préférence quatre autres, qui sont peut-être plus brillans, mais qui ne me semblent pas d'un style aussi sain.

Oui, je consens qu'au ciel on éleve Alexandre;
Mais si je puis, Seigneur, je le ferai descendre,
Et j'irai l'attaquer jusque sur les autels

Que lui dresse en tremblant le reste des mortels.

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Je ne doute pas que ces vers ne fussent applaudis par le parterre; mais je crois qu'ils le seront moins par les connaisseurs. Il y a de l'emphase et de l'affectation dans ces vers et la véritable grandeur n'en a point : élever au ciel Alexandre pour l'en faire descendre a un air de jactance qui sent trop le jeune versificateur. H ne doit rien y avoir dans le style tragique, qui ressemble le moins du monde à la recherche. Ce sont là de ces vers qu'on fait à vingt ans, mais qu'on effacerait à trente, et, depuis Andromaque, jamais Racine n'en a fait dans ce goût. Aujourd'hui qu'on est en général si éloigné des vrais principes du style, bien des gens seraient peut-être surpris de ce jugement sur des vers dont beaucoup d'auteurs se glorifieraient; mais c'est en lisant les modeles qu'à donnés Racine, qu'on apprend à être si sévere.

Le premier de ces modeles fut Andromaque. Racine, peu content de ce qu'il avait fait jusqu'alors (car le talent sait juger ce qu'il a fait en le comparant à ce qu'il peut faire), ne trouvant pas dans ses premiers essais l'aliment que cherchait son ame, s'interrogea dans le silence de la réflexion. Il vit que des conversations politiques n'étaient pas la tragédie. Averti par son propre cœur, il vit qu'il fallait la puiser dans le cœur humain, et dès ce moment il put dire: La tragédie m'appartient. Il conçut que le plus

grand besoin qu'apportent les spectateurs au théâtre, le plus grand plaisir qu'ils y cherchent, c'est de se retrouver dans ce qu'ils voient; que si l'homme aime à être élevé, il aime encore mieux être attendri, peut-être parce qu'il est plus sûr de sa faiblesse que de sa vertu; que le sentiment de l'admiration s'émousse et s'affaiblit trop aisément pour soutenir seul une piece entière; que les larmes douces qu'elle fait répandre quelquefois, sont bientôt séchées, au lieu que la pitié pénetre plus avant dans le cœur, y porte une émotion qui croît sans cesse et que l'on aime à nourrir, fait couler des larmes délicieuses que l'on ne se lasse point de répandre, et dont l'auteur tragique peut sans cesse rouvrir la source quand une fois il l'a trouvée. Ces idées furent des traits de lumiere pour cette ame si sensible et si féconde, qui, en s'examinant elle-même, y trouvait les mouvemens de toutes nos passions, les secrets de tous nos penchans. Combien un seul principe lumineux, embrâsé par le génie, avance en peu de tems sa marche vers la perfection!

Le Cid avait été la premiere époque de la gloire du théâtre français, et cette époque était brillante. Andromaque fut la seconde, et n'eut pas moins d'éclat : ce fut une espece de révolution. On s'aperçut que c'étaient là des beautés absolument neuves. Celles du Cid étaient dues en grande partie à l'auteur espagnol : Racine, dans Andromaque, ne devait rien qu'à luimême. La piece d'Euripide n'a de commun avec la sienne que le titre : le sujet est tout différent, et ce n'est pas encore ici que commencent les obligations que Racine eut aux Grecs. Quelques vers du troisieme livre de l'Enéide lui firent naître l'idée de son Andromaque. Ils contiennent une partie du sujet, l'amour de Pyrrhus pour

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