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ni par le témoignage de ses amis. Vous me demanderez peutêtre, Gratius, pourquoi j'ai tant de prédilection pour cet homme. C'est qu'il me procure de quoi réparer mes esprits épuisés dans le tumulte des affaires, et reposer mes oreilles fatiguées des clameurs du barreau. Croyez-vous qu'il fût jamais possible de fournir à cette variété infinie d'objets sur lesquels il faut parler tous les jours, si l'on ne cultivait son esprit par l'étude des sciences? que l'on soutînt une contention si pénible, sans l'agréable délassement que nous trouvons dans ces mêmes sciences? Oui, je les aime et j'en fais mes délices: je ne crains pas de l'avouer. Que d'autres en rougissent, s'il en est qui se soient tellement ensevelis dans les livres, qu'ils ne sachent en tirer aucun avantage, ni pour l'utilité publique, ni pour leur propre gloire. Mais pourquoi en rougirais-je, moi qui, depuis tant d'années, ai vécu de manière que, au moindre péril de mes concitoyens, jamais mon zèle ne fut détourné par l'intérêt ou l'amour du repos, ni distrait par le plaisir, ni retardé par le sommeil? Qui pourrait donc me blâmer avec justice, si le temps que les autres croient devoir accorder à leurs affaires domestiques, à la célébration des jeux et des fêtes, aux plaisirs, au repos même de l'âme et du corps, celui que l'on donne souvent aux festins, aux dés, à la paume, moi je le réserve aux exercices de la littérature? Et l'on doit d'autant moins m'en blâmer, que ces exercices mêmes ne sont pas inutiles à l'éloquence; à ce talent qui, tout médiocre qu'il cst en moi, magistrats, n'a jamais manquéà mes amis dans leurs dangers. Et si c'est encore peu de chose que cet avantage, en voici d'autres d'une importance infinie, et je sais dans quelle source je les puise : si je ne m'étais convaincu dès ma jeunesse, par les leçons de plusieurs maîtres, et par beaucoup de lecture, qu'il n'y a rien de précieux dans la vie que l'hon

centia suasissem, nihil esse in vita magnopere expetendum, nisi laudem atque honestatem: in ea autem persequenda omnes cruciatus corporis, omnia pericula mortis atque exsilii, parvi esse ducenda : numquam me pro salute vestra in tot ac tantas dimicationes, atque in hos profligatorum hominum quotidianos impetus objecissem. Sed pleni omnes sunt libri, plenæ sapientium voces, plena exemplorum vetustas; quæ jacerent in tenebris omuia, nisi litterarum lumen accederet. Quam multas nobis imagines, non solum ad intuendum, verum etiam ad imitandum, fortissimorum virorum, expressas, scriptores et græci et Jatini reliquerunt? Quas ego mihi semper in administranda republica proponens, animum et mentem meam ipsa cogitatione hominum excellentium conformabam.

VII. Quæret quispiam, quid? illi ipsi summi viri, quorum virtutes litteris proditæ sunt, istane doctrina, quam tu laudibus effers, eruditi fuerunt? Difficile est hoc de omnibus confirmare. Sed tamen est certum, quid respondeam. Ego multos homines excellenti animo ac virtute fuisse, et sine doctrina, naturæ ipsius habitu prope divino, per seipsos et moderatos et graves exstitisse fateor. Etiam illud adjungo, sæpius ad laudem atque virtutem naturam sine doctrina quam sine natura valuisse doctrinam. Atque idem ego contendo, cum ad naturam eximiam atque illustrem accesserit ratio quædam conformatioque doctrinæ :

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neur et l'estime publique, et que, pour un bien si digne de notre ambition, il faut mépriser les tourmens, l'exil et la mort même, jamais je ne me serais exposé, pour votre salut, à tant de combats et de périls; jamais je n'aurais attiré sur moi la violence et la rage des méchans acharnés à me persécuter. Mais tous les livres, mais tous les discours des sages, mais tous les faits de l'antiquité ne m'entretiennent d'autre chose. Tout cela serait demeuré enseveli dans les ténèbres, sans le flambeau de la littérature. De combien de grands hommes les auteurs grecs et latins ne nous ont-ils pas laissé les portraits dans leurs écrits, non-seulement comme des objets d'admiration, mais encore comme des modèles à imiter! Pour moi, dans le gouvernement de la république, je les ai toujours eues, ces pobles images, devant les yeux ; et toujours j'ai tâché de former mon esprit et mon cœur d'après l'idée qu'ils me donnaient des plus illustres personnages.

VII. Quoi, me dira-t-on, ces héros si célèbres dans l'histoire, avaient-ils ces connaissances dont vous faites de si grands éloges? Non pas tous, peut-être; il serait difficile de l'assurer; cependant, je sais que vous répondre. On a vu plus d'une fois des hommes d'une trempe d'esprit peu commune, qui, sans lettres et sans étude, et par la seule force d'un naturel presque divin, se sont fait admirer par leur sagesse et leur modération; j'en conviens. J'ajoute même encore que la nature, sans la science, a plus formé de grands hommes que la science sans la nature. Je soutiens, néanmoins, que quand un naturel heureux et distingué par lui-même se trouve encore dirigé et perfectionné par l'étude, il en résulte alors je ne sais quoi de grand et d'extraordinaire. Tel était, du temps de nos pères, l'incomparable Scipion l'Africain;

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tum illud nescio quid præclarum ac singulare solere existere. Ex hoc esse hunc numero, quem patres nostri viderunt, divinum hominem, Africanum : ex hoc C. Lælium, L. Furium, moderatissimos homines et continentissimos: ex hoc fortissimum virum, et illis temporibus doctissimum, M. Catonem illum senem : qui profecto, si nihil ad percipiendam colendamque virtutem litteris adjuvarentur, numquam se ad earum studium contulissent. Quodsi non hic tantus fructus ostenderetur, et si ex his studiis delectatio sola peteretur tamen, ut opinor, hanc animi adversionem humanissimam ac liberalissimam judicaretis. Nam ceteræ neque temporum sunt, neque ætatum omnium, neque locorum: hæc studia adolescentiam agunt, senectutem oblectant, secundas res ornant, adversis perfugiuni ac solatium præbent, delectant domi, non impediunt foris, pernoctant nobiscum, peregrinantur, rusticantur.

Quodsi ipsi hæc neque attingere, neque sensu nostro gustare possemus, tanien ea mirari deberemus, etiam cum in aliis videremus.

VIII. Quis nostrum tam animo agresti ac duro fuit, ut Roscii morte nuper non commoveretur? Qui cum esset senex mortuus, tamen, propter excellentem artem ac venustatem, videbatur omnino mori non debuisse. Ergo ille corporis motu tantum amorem sibi conciliarat a nobis omnibus: nos animorum incredibiles motus celeritatemque ingeniorum negligemus? Quoties ego hunc Archiam vidi, judices (utar enim

tels étaient Lélius et Furius, ces rares exemples de modéra-tion et de sagesse; tel était Caton, ce vieillard si "distingué -par son courage et si savant pour le siècle où il vivait. Certes, si ces grands hommes n'avaient trouvé aucun secours dans les lettres, soit pour connaître, soit pour pratiquer la vertu, ils n'auraient jamais songé à les cultiver. Quand même on ne pourrait en espérer un si grand avantage, quand on n'y chercherait qu'un simple amusement, je ne doute pas que cette manière de délasser l'esprit ne vous parût encore la plus noble et la plus honnête. Tous les autres plaisirs ne conviennent ni à tous les temps, ni à tous les âges, ni à tous les lieux. Les lettres séduisent, entraînent la jeunesse, charment nos vieux

embellissent la prospérité, offrent un asile, 'une consolation dans les disgrâces, nous amusent chez nous, n'embarrassent point chez les autres, veillent avec nous, voyagent même à la campagne, se plaisent encore avec

avec nous, nous..

et,

Oui, s'il ne nous était pas possible de nous y livrer, ni d'en goûter nous-mêmes les avantages, nous devrions toujours les admirer en les voyant dans autrui.

VIII. Où est le stupide, où est le barbare qui, dernièrement, n'ait pas été sensible à la perte que nous avons faite de Roscius"? Quoiqu'il soit mort dans un âge très-avancé, néanmoins, ses talens extraordinaires et son jeu séduisant nous faisaient souhaiter qu'il ne mourût jamais. Quoi donc! le geste d'un acteur a pu nous inspirer tant d'amour pour lui, et nous ne serions point frappés des mouvemens divins et des élans sublimes du génie! Combien de fois n'ai-je pas vu, ma

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