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l'une des manières les plus nobles et les plus utiles d'user de la propriété. La défendre, ce serait, d'un côté, entrer en lutte avec les sentiments les plus élevės, les désirs les plus légitimes du cœur humain, et d'un autre côté, ce serait briser l'un des plus puissants aiguillons du travail.

L'on peut alléguer en faveur du testament les raisons qui militent pour la donation entre vifs. J'avoue n'avoir jamais pu comprendre la force de l'argument qui consiste à dire que l'homme, par le testament, dispose, après sa mort, des biens dont il n'est plus le maître. Il y a là une conception singulièrement matėrialiste de la volonté de l'homme. Vivant, je fais un acte souverain de volonté, qui n'aura son effet qu'après ma mort; l'exécution de cet acte dépend d'une condition attachée à un accident naturel, mais l'acte luimême tire toute sa vertu de la disposition de ma liberté. Nous l'avons dit, par rapport aux choses extérieures qu'il possède, l'homme est autorité. Autorité, il a le droit, en vue de fins utiles, pour le bon ordre, pour la paix de la famille, qui importent si fort à la paix de la société, de faire des règlements, de porter des lois domestiques sur les biens qu'il laisse après lui; c'est ce qu'il fait par le testament. Mais il n'est pas autorité absolue; ces biens, à raison de leur nature, de leur fonction, ne dépendent pas tellement de lui, qu'ils ne relèvent aussi, dans une certaine mesure, de la société, qui en consacre et en garantit la tranquille possession. Le pouvoir social a donc, à cet égard, un pouvoir de contrôle et de réglementation, dont nous parlerons bientôt.

Enfin, la succession ab intestat est-elle de droit naturel ou de droit civil? Est-il de droit naturel que le

patrimoine du défunt passe de lui-même à la famille, ou bien, à défaut de la loi civile, le patrimoine ne devrait-il pas être considéré comme abandonné, sans maître, et pouvant être dévolu à la collectivité représentée par la commune ou par l'Etat ?

Le P. Taparelli, à l'encontre de ces prétentions socialistes, établit, par des raisons à la fois très simples et très profondes, que la succession ab intestat est de droit naturel :

<«< Est-il vrai que la mort supprime toujours et en toute réalité le propriétaire? On ne peut l'affirmer. S'il meurt un individu isolé, indépendant de toute société particulière quelconque, oui, la mort a tranché tous les fils de cette existence solitaire; mais si l'individu appartient à une famille, qu'était-il au sein de cette famille ? Il était membre d'une société dans laquelle existait un principe d'unité établi par la nature; il formait donc avec ces individus un seul être, dont les moyens d'action devaient tendre au bien commun. Les membres de cette société domestique, dont il faisait partie, avaient un droit positif à jouir de ces biens d'après certaines lois positives, comme il avait, lui aussi, le droit de jouir des leurs ; ils avaient donc déjà, en quelque manière, occupé ces biens du consentement de leur copropriétaire, et l'autorité sociale de la famille avait déjà une espèce de haut domaine sur ces moyens sociaux. Ces biens ne sont donc pas demeurés abandonnés par la mort de leur propriétaire, la famille demeurant toujours la même ; le changement de maître, bien qu'il soit une transition dans l'ordre individuel, est une continuation dans l'ordre. domestique. Bien plus, l'unité de la famille étant une espèce d'unité qui tient beaucoup plus que toute autre

société de l'unité individuelle, c'est à peine si l'on peut dire que, dans ce cas, la personne du maître change entièrement (1). »

Un philosophe récent de grand mérite, le P. Mendive, apporte la même raison: « Bona parentum, non tam ipsorum sunt, quam familiæ totius quam partialiter constituunt. » C'est aussi ce que dit Signoriello, dans son Ethique : « Familia, dum superstes est, una cum stipite in eorum bonorum possessione est, ut idcirco cum ipso occupasse videatur. » C'est sous l'influence de cette idée de condominium, de copropriété de la famille, qu'à l'origine, nous voyons chez tous les peuples régner la succession ab intestat; le testament n'existe pas, et ce n'est que plus tard, avec le développement de la science juridique, qu'il apparaît.

Taparelli va plus loin, et il prétend que le droit naturel indiquera au législateur dans quel ordre les biens seront transmis à chaque membre de la famille :

<< Dans cette même société naturelle, quels droits devront avoir la préférence, ceux du fils ou ceux de la femme, des frères, des ascendants? Je réponds à cela De quel côté l'unité de l'être, des pensées, des affections, l'unité d'action avec le défunt est-elle plus intime? De qui dépend davantage la perpétuité de cet être que le droit de succession tend à immortaliser ? Le principe et le droit de succession, voilà les deux éléments d'après lesquels vous déterminerez la valeur des droits naturels en cette matière... Contentons-nous de donner quelques exemples. Vous me demandez si dans la succession le fils doit avoir la préférence sur

(1) Taparelli, Essai théorique de droit naturel, n°783

les filles? Le titre d'unité est le même dans tous les deux, mais la perpétuité du père subsiste plus dans le fils que dans la fille. La femme du défunt passe-t-elle avant ou après le fils? L'unité d'action est plus grande dins la femme, celle de l'être l'est dans le fils; donc l'usufruit pourra revenir à la femme, et le domaine au fils, d'autant plus que le titre de perpétuité est tout entier en faveur du fils (Ibid. note a).

sa transmission.

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1377. Organisation de la propriété et de L'organisation de la propriété, et les lois qui la régissent, soit dans sa constitution, soit dans sa transmission, dépendent évidemment de la conception que l'on se fait de cette institution.

Si l'homme politique, si le législateur admet, comme nous le pensons, que la propriété foncière a une importance sociale et politique, et que sa raison d'être économique est la nécessité de retirer du sol le maximum de subsistance, il devra évidemment s'appliquer à fixer au sol les familles vouées aux diverses fonctions sociales et au service public, à faire arriver la terre et à la faire rester entre les mains de ceux qui sont en mesure d'en tirer le meilleur parti, c'est-à-dire entre les mains de ceux qui l'exploitent.

Deux intérêts, l'intérêt politique et l'intérêt économique, doivent présider au régime de la propriété et de sa transmission; et au-dessus de tout doit dominer la pensée qui animait les institutions de l'époque où, pour parler avec Léon XIII, « régnait la philosophie de l'Evangile. »>

Au moyen âge, l'on ne connaissait pas le droit quiritaire de la propriété, le droit absolu, exclusif de l'individu, supérieur au droit de la société. La propriété foncière avait un caractère essentiellement

bénéficiaire. On ne possédait pas simplement la terre en vertu d'un droit individuel, mais bien plutôt en vertu de la fonction qu'on exerçait. La propriété était la rémunération permanente d'un service social rendu. Pour avoir une juste idée de la propriété organisée sous l'empire du principe social chrétien, il faut se représenter le sol comme une sorte de fonds social, détenu à divers degrés, à divers titres et sous diverses conditions, par une série d'occupants, dans le but d'assurer aux populations cette suffisance de vie dont parle saint Thomas, et de garantir la stabilité de la société par la stabilité des familles fixées sur la terre. Il y avait là, à partir du plus humble tenancier jusqu'au plus haut seigneur, une espèce de copropriété, non point parallèle et juxtaposée, mais superposée et hiérarchisée, si je puis m'exprimer ainsi, et en définitive coordonnée au bien général. Caractère moral de la propriété, caractère familial de la propriété, caractère social de la propriété, c'est là ce que révélerait de plus en plus l'histoire de ce temps à ceux qui sauraient la lire et l'interpréter.

Bre, le droit du moyen âge n'admettait pas que la propriété constituât une sorte de privilège et de monopole au profit d'une classe d'inutiles et d'oisifs. Il assurait honneur et protection au travail, et le considerait comme le meilleur titre à la propriété. Il posait par exemple en principe que celui dont les soins ont obtenu une bonne récolte a droit aux fruits de cette récolte, et que partout où l'on peut améliorer le sol, toute valeur que le travail y a ajoutée, doit accroître les revenus de celui qui a contribué à l'amélioration. Cette doctrine sur l'acquisition par l'amélioration du sol conduisait à reconnaître que les biens affermés au

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