Obrazy na stronie
PDF
ePub

la révolte des appétits déréglés et des passions mauvaises, contre les attaques du dedans ou du dehors, l'ordre social qui naît de la justice et qui s'épanouit dans la paix. Avant tout, il est un gendarme, un soldat, qui veille à la frontière, un magistrat qui maintient le droit. Si la société ne devait pas être pour l'homme impuissant, pour la famille trop faible, un abri et un rempart, que serait-elle ? Et la première fin de l'autorité ne consiste-t-elle pas à garantir à tous l'exercice régulier et paisible de leurs droits? Mais le rôle du pouvoir public s'arrête-t-il là? Ne doit-il pas pousser en avant, vers la fin même de la société, qui est la prospérité temporelle générale! Expliquons-nous.

La prospérité temporelle générale consiste dans un état de civilisation qui naît de l'abondance des biens de l'ordre moral et matériel qu'une sage organisation de la société met, en quelque sorte, à la portée de tous ceux de ses membres qui veulent en user. Ces biens sont a) les fruits divers du travail intellectuel et physique que les hommes produisent et qu'ils s'offrent les uns aux autres, grâce à l'échange; b) les différents moyens propres à satisfaire les diverses nécessités de la vie, comme, par exemple, les institutions d'enseignement, les voies de communication, les asiles destinés à secourir et à soulager les malheureux, etc., etc.; c) toutes les institutions publiques qui ont pour but d'assurer l'ordre, de maintenir la paix, la sécurité, faute desquels il serait impossible de jouir des autres biens; d) enfin tout ce qui, tendant au bien-être général, ne peut être obtenu par les efforts des individus laissés à eux-mêmes ou associés.

Parmi les biens qui constituent la prospérité commune, il en est qu'à la rigueur, les hommes groupės

par familles, pourraient obtenir sans le secours de la société civile; mais ils n'atteindraient ce but, si tant est qu'ils l'atteignissent, qu'avec beaucoup de peine, et encore très imparfaitement, faute d'une autorité souveraine imposant à tous le respect de la justice, maintenant l'ordre et la paix, assurant la sécurité et la stabilité.

Parmi les autres biens dont nous avons parlé, il en est, comme par exemple les voies de communication, que les familles, en dehors de la société civile, seraient à peu près impuissantes à se procurer. Il est enfin des institutions nécessaires à la prospérité et au bien publics, qu'il serait impossible d'établir sans l'initiative et la direction du pouvoir public. Conçoit-on, par exemple, une société régulière sans des administrations centrales ou locales qui veillent à l'exécution des lois; sans une justice qui prononce sur les différends entre les particuliers; sans une police préventive et répressive; sans une force armée chargée de l'intérêt suprême de la défense nationale; sans agents diplomatiques qui représentent la nation dans ses rapports avec les autres Etats? Les services financiers comptent aussi parmi les services publics qui ne peuvent pas ne pas être attribués à l'Etat.

Cela dit, il est facile de démontrer que la prospérité temporelle publique est l'une des fins de la société civile, partant de l'autorité publique. L'homme, en effet, est un être naturellement perfectible; mais la plante humaine ne peut se développer et atteindre son plein épanouissement que dans l'atmosphère sociale. Il est donc du devoir de la société et de l'autorité qui la régit de prêter son aide à l'homme, de seconder ses efforts, de lui fournir les moyens de réaliser sa voca

tion, qu'il ne pourrait pas ou qu'il ne pourrait que malaisément se procurer, de l'encourager dans ses entreprises, de stimulér son activité.

[ocr errors]

Le pouvoir public n'est point, comme le voudrait l'école individualiste, simplement « un veilleur de nuit ou un gendarme » ; il n'est pas un mal nécessaire, mais un élément, un agent de progrès; il a pour mission non seulement de garantir l'ordre public et de veiller à la conservation sociale ce sont là, il est vrai, ses attributions premières et essentielles -; mais il a aussi pour mission de développer les forces de la nation, de provoquer l'éclosion de ses facultés, d'être le promoteur actif et intelligent des améliorations publiques. Entre lui et l'individu et la famille il n'y a pas antagonisme, mais coopération; les forces de l'individu et des groupes particuliers se développent grâce à l'ordre garanti par le pouvoir social, et leur puissance d'expansion est secondée par l'impulsion qu'elles en reçoivent. Cette coopération doit être en harmonie avec les caractères et les besoins de chaque pays. Il faut donc écarter l'idée d'un type immuable d'attributions dans le sens, soit extensif, soit restrictif, et en ce point comme en une foule d'autres, il convient de tenir grand compte des mœurs, des habitudes, des traditions, de l'histoire de chaque peuple.

Le pouvoir ne peut accomplir sa mission qu'autant qu'il impose, en vue de l'ordre et du progrès à réaliser, certaines limitations et restrictions aux libertés individuelles. « A la lumière de cette doctrine, dit très bien Balmès, l'on peut apprécier à sa juste valeur la profondeur de pensées de ceux qui parlent de la liberté individuelle comme d'une chose absolue, à laquelle l'on ne saurait toucher sans commettre une

sorte de sacrilège; ils croient émettre une idée philosophique, et en réalité ils disent une sottise solennelle. La liberté individuelle absolue est impossible en quelque organisation sociale que ce soit ceux qui affirment le contraire doivent commencer par mettre en pièces le tout social, et disperser ensuite les hommes au milieu des bois, pour qu'ils vivent à la façon des bêtes fauves (1). »

(1) Balmès. Filosofia element. Etica, ch. xxII, n° 178. Nous citons ici en note un certain nombre de textes de saint Thomas relatifs au point que nous traitons, et qui donnent à notre doctrine la garantie de la plus haute autorité théologique.

<< Legis humanæ finis est temporalis tranquillitas civitatis ad quem finem pervenit lex cohibendo exteriores actus quantum ad illa mala quæ possunt perturbare pacificum statum civitatis. 1a 2, q. 98, art. 1.

• Lex humana ordinatur ad communitatem civilem, quæ est hominum ad invicem. Homines autem ordinatur ad invicem per exteriores actus quibus homines sibi invicem communicant. Hujusmodi autem communicatio pertinet ad rationem justitiæ, quæ est proprie directiva communitatis humanæ, et ideo lex humana non proponit præcepta, nisi de actibus justitiæ. Et si præcipiat actus aliarum virtutum, hoc non est nisi in quantum assumunt rationem justitiæ. » 1a 2o, q. 100, art. 2. Voilà la première fonction du pouvoir: l'ordre, la conservation sociale. Mais nous avons dit, en outre, que l'autorité est un agent de progrès; saint Thomas l'enseigne de la façon la plus claire : « Lex ordinatur ad bonum commune, et ideo nulla virtus est, de cujus actibus lex præcipere non possit: non tamen de omnibus actibus omnium virtutum lex humana præcipit, sed solum de illis qui ordinabiles sunt ad bonum commune, vel immediate, sicut cum aliqua directe propter bonum commune fiunt; vel mediate, sicut cum aliqua ordinantur a legislatore, pertinentia ad bonam disciplinam per quam cives informantur, ut commune bonum justitiæ et pacis conservent. » 1a 2æ, q. 96, art. 3. - N'ou

[ocr errors]

Que les partisans de l'individualisme y prennent garde; l'idéal à poursuivre ce n'est pas une liberté

blions pas qu'il y a deux sortes de justice: la justice commutative et la justice légale. La justice commutative a pour objet le bien propre aux particuliers; la justice légale a pour objet le bien commun à tous les citoyens, aux familles, aux classes qui composent la société. Le fondement de la justice commutative est l'indépendance individuelle; le fondement de la justice légale est l'union des hommes en société La fonction du pouvoir est non seulement de veiller à ce que la justice commutative ne soit pas lésée, mais aussi à ce que la justice légale soit observée, ce qui revient à dire, qu'à ce titre le pouvoir a le droit d'exiger des membres du corps social tout ce qui est nécessaire pour la prospérité publique et pour le bien commun. << Justitia legalis est quædam specialis virtus..., secundum quod respicit bonum commune ut proprium objectum. Est, sicut in principe principaliter et quasi architectonice; in subditis autem secundarie et quasi administrative. » 2a 2, q. 58, art. 6.

<< Finis cujuslibet legis est ut homines efficiantur justi et virtuosi. » 1a 2, q. 107, art. 2. Dans l'opuscule De Regimine principum, qui est un traité de haute politique, et dont le premier livre est incontestablement l'œuvre de l'Ange de l'Ecole, saint Thomas s'exprime sur le sujet qui nous occupe de la manière la plus formelle: « Rex legem igitur divinam edoctus, ad hoc præcipuum studium debet intendere, qualiter multitudo sibi subdita bene vivat, quod quidem studium in tria dividitur: ut primo quidem in subjecta multitudine bonam vitam instituat; secundo ut institutam conservet; tertio ut conservatam ad meliora promoveat. Ad bonam autem unius hominis vitam duo requiruntur, unum principale, quod est operatio secundum virtutem........, aliud vero secundarium et quasi instrumentale, scilicet corporalium bonorum sufficientia, quorum usus est necessarius ad actum virtutis. Ipsa tamen hominis unitas per naturam causatur, multitudinis autem unitas, quæ pax dicitur, per regentis industriam est procuranda. Sic igitur ad bonam vitam multitudinis instituendam, tria requiruntur. Primo quidem, ut

« PoprzedniaDalej »