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de l'inégalité sociale. Cette formule n'est pas suffisamment exacte, et elle ne va pas au fond des choses. a) Elle n'est pas suffisamment exacte. Il y a une inėgalité sociale nécessaire, fondée sur la diversité et la coordination des fonctions. Le mot corps social, dont on se sert pour nommer la société, exprime assez directement par lui-même en quoi consiste cette inégalité qui résulte de l'essence même de l'organisme social. Mais il y a une inégalité fausse, injuste, contre nature, conséquence d'une mauvaise répartition de fonctions, ou d'un accaparement, au profit de certains, au détriment des autres, et sans compensation équivalente, des bénéfices de la société. Voilà l'inégalité dont nous souflions.

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b) Cette formule ne va pas au fond des choses. D'où vient l'inégalité que je viens de signaler? Ceux-ci — une minorité, jouissent sans travailler ou sans faire un travail, sans exercer une fonction utile; ceux-là, le plus grand nombre, une multitude qui s'accroît chaque jour, portent le fardeau écrasant des charges sociales. De là, dans la société qui doit être une harmonie, un manque d'équilibre désastreux et une monstrueuse inégalité. Ainsi, la question sociale est, en définitive, une question d'organisation du travail. Le P. Lacordaire avait une intuition de génie lorsqu'il disait: « C'est dans la question du travail que toute servitude a sa racine; c'est la question du travail qui a fait les maîtres et les serviteurs, les peuples conquérants et les peuples conquis, les oppresseurs de tout genre, et les opprimés de tout nom. Le travail n'étant pas autre chose que l'activité humaine, tout s'y rapporte nécessairement; et selon qu'il est bien ou mal distribué, la société est bien ou

mal ordonnée, heureuse ou malheureuse, morale ou immorale. Nous en avons aujourd'hui une preuve que les plus aveugles sont obligés de comprendre. De quoi le monde s'émeut-il depuis vingt ans? Quel est le mot des guerres civiles auxquelles nous assistons? N'estce pas ce mot: Organisation du travail? N'est-ce pas cet autre mot: Vivre en travaillant ou mourir en combattant? Et si nous remontons la chaîne des révolutions historiques, leur trouverons-nous jamais, quel que soit leur nom, une autre cause première que la question du travail? Les migrations des peuples, les invasions des barbares, les guerres serviles, les troubles du forum, tous les grands mouvements humains se rattachent directement ou indirectement à cette terrible question qui renaît de ses cendres avec une opiniâtre immortalité. C'est l'axe où tournent les destinées du monde (1). » La réforme sociale, à son tour, n'est que l'ensemble des moyens qui ont pour but de porter remède à cette injuste inégalité sociale causée par la désorganisation du travail. Mais il convient d'insister sur ce point qui est de la plus haute importance, en nous restreignant à l'ordre économique proprement dit.

1355. Le travail.

L'homme n'existe qu'à l'état social: il ne peut ni se passer, ni s'isoler de ses semblables; sa nature le destine à être en relations avec eux. L'absence des ressources naturelles et des qualités instinctives que possèdent les animaux, lui en fait une nécessité. La faculté spéciale dont il est doué, le langage, lui en donne l'aptitude. Le travail est pour lui l'unique moyen d'obtenir les choses nécessaires à

(1) LACORDAIRE. Conférences. 52° conférence.

la satisfaction de ses besoins. Le monde sensible ne lui offre que des matériaux et des forces: modifier, élaborer, transformer ces matériaux, assouplir, régler, gouverner, employer ces forces, voilà l'œuvre qui s'impose à lui, et qu'il accomplit par l'exercice de sa libre et intelligente volonté, par son travail.

Le travail a donc à la fois un caractère individuel et un caractère social; il tire le premier de l'agent dont il émane directement, le second, du milieu dans lequel il se déroule nécessairement. Chaque homme a le droit et le devoir de vivre, partant le devoir et le droit de travailler. Mais la division du travail étant la conséquence forcée et l'expression économique de l'état social, chacun a dans la société dont il est membre une fonction utile à remplir. Le travail ne doit donc pas être envisagé uniquement dans son but premier, la conservation individuelle, mais aussi dans ses résultats derniers, qui aboutissent en définitive à la prospérité sociale.

Il ne faut pas l'oublier, l'agent du travail c'est l'homme. Cause intelligente et libre, maître de ses actions par l'entendement et la volonté, comme dit très bien une des lumières de la théologie, Dominique Soto, il a par cela même le droit d'exercer librement son activité et de jouir des fruits de cette activité (1). L'économie politique, en mettant l'homme au premier plan, devient une science humaine et sociale; elle s'occupe des hommes plutôt que des produits, et elle rejette les théories odieuses de l'école anglaise, qui conduisent à sacrifier le travailleur à la richesse.

1356. Caractère et définition de l'économie

(1) De justitia et jure. Lib. VI, quæst. 1a, art. 2.

politique. Ses rapports avec l'autorité publique. Division du traité. — En se plaçant à ce point de vue élevé, il est facile de comprendre : a) le caractère de l'économie politique; b) le rôle que l'autorité publique est appelée à jouer dans l'ordre économique.

Adam Smith, en donnant pour titre à son livre : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, indiquait suffisamment le caractère purement utilitaire qu'il attribuait à l'économie politique. Pour lui et pour l'école dont il est l'oracle, la richesse constitue l'unique objet de la science, et la production de la richesse est son unique but. L'homme n'apparaît plus qu'en seconde ligne: comme producteur de la richesse, tant qu'il ne sera pas complètement remplacé par des machines, et comme consommateur de la richesse, tant que celle-ci n'ira pas tout entière à grossir le capital. L'économie politique, en se définissant science des richesses, outre qu'elle rênie ses rapports avec les autres sciences sociales et apparaît comme un tout isolé, se dérobe aux problèmes les plus graves, et quand ces problèmes lui sont imposés du dehors par la force même des choses, elle ne possède aucun principe qui lui en donne la solution, et elle se trouve réduite à subordonner le général au particulier, le but au moyen, le travailleur au produit, l'homme à la chose elle est une science inhumaine et matérialiste. Au contraire, tout change dès que l'idée dominante de la science économique est une idée morale. Ce qu'elle cherche à réaliser dans le monde du travail, c'est la justice; l'homme, la société forment le premier objet de son étude; la richesse ne vient qu'en second ordre et comme un simple moyen. Dès lors,

l'économie politique n'est plus, suivant la doctrine de l'école anglaise, la simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses; elle est « la science de l'organisation du travail, conformément à la loi morale, et en vue de la prospérité de la société et de l'individu ».

L'autorité publique peut-elle rester étrangère à un ordre de choses qui importe si fort à la réalisation de la fin sociale? Sous quelle forme et dans quelle mesure doit-elle intervenir? Ce sont là des questions auxquelles nous aurons à répondre dans le cours de cette étude. Que le lecteur veuille, cependant, y prendre garde, un Traité d'économie politique n'entre pas dans le plan de cet ouvrage. Nous voulons simplement mettre en lumière les principes philosophiques et de droit naturel sur lesquels repose tout l'ordre économique, et en déduire le rôle qui convient au pouvoir dans cette sphère de l'activité humaine.

Puisque tout le problème économique revient au probleme d'une juste organisation du travail, il es clair que nous aurons à déterminer quelle fonction appartient au pouvoir public dans ses rapports:

1° Avec les divers modes d'organisation du travail ; 2o Avec la distribution des moyens et des instruments de travail ;

3o Avec l'échange et la répartition des produits du travail;

4° Avec l'échange international;

5o Avec les charges sociales impôts; assistance publique.

On le voit, ce programme touche aux questions les plus vitales et les plus délicates de notre temps. Nous essaierons, à la double lumière du droit social chré

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