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bonheur résultent essentiellement de l'amour suprême du bien, de la pratique de la vertu, du développement possible et convenable de toutes les facultés intellectuelles et morales. Le bonheur de la société, le bien public implique donc le bien moral et spirituel de la société en général et de chacun de ses membres en particulier. Tout bonheur temporel qui n'est pas consacré par la vertu et la religion est nécessairement faux. On peut s'y méprendre, s'il s'agit des individus ; mais la morale sociale ne souffre pas d'exception. Un peuple sans vertu et sans religion, eût-il d'ailleurs toutes les richesses, tous les avantages temporels, un climat heureux, un sol fertile, la paix au dedans et au dehors, est un peuple perdu. La richesse achèvera de le corrompre, les passions provoqueront des discordes, l'abondance des biens ne fera qu'accroître ses dégoûts, et s'il n'y a pas d'ennemi capable de le vaincre et de le dominer, il fera son propre malheur et se détruira lui-même.

Non, il n'est pas de prospérité possible pour les peuples sans vertu et sans religion. Celles-ci, avec le bonheur temporel, sont donc la fin de la société, fin indirecte il est vrai, mais non moins nécessaire que l'autre et d'un ordre plus élevé. En ordonnant toutes choses au bonheur social, le sage législateur comprendra facilement que, parmi les moyens qu'il emploie et les forces dont il accepte le concours, il y en a d'un ordre plus élevé que la vie présente: ainsi la croyance à l'immortalité de l'âme, la religion, les institutions admirables de charité qu'elle inspire. Toutes ces ressources lui appartiennent, pour ainsi dire, dans la mesure où elles contribuent à obtenir la fin qui lui est propre, le bonheur temporel des peuples.

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1311. Harmonie de la tin sociale et des autres fins légitimes. Il est facile de voir comment cette fin capitale s'harmonise avec d'autres non moins importantes dans leur genre: avec la fin propre à chaque individu, avec la fin des familles, avec celle de la société religieuse. L'homme de bien, qui cherche le bonheur où il est vraiment, contribuera largement par sa conduite généreuse à la prospérité publique et au bonheur temporel de tous; au contraire, le méchant, l'impie, le voluptueux, l'avare, mettra fréquemment son propre bonheur en conflit avec le bien public; il prospèrera quelquefois d'autant mieux que son pays sera plus éprouvé, et tirera son élévation du malheur même de ses compatriotes et de ses administrés. Les familles vertueuses trouveront, elles aussi, le vrai bonheur qu'elles poursuivent justement, c'està-dire l'honneur, la considération, toute prospérité enviable ici-bas, en contribuant largement au bien public: loin d'opposer leur intérêt à celui du pays, elles les confondront dans un même et impérissable amour, fait de patriotisme et de piété filiale. La religion à son tour contribuera à former de bons citoyens, et sa prospérité sera la meilleure garantie de celle de l'Etat. Toutes ces diverses fins que poursuivent légi timement les individus, les familles, la société civile et la société religieuse, s'harmonisent donc, loin de s'opposer, et l'homme de bien les poursuivra toutes sans les séparer jamais dans ses intentions.

1312. Le progrès social. Ses formes. — Il est facile maintenant de concilier avec la nôtre, dans ce qu'elles offrent de juste, les opinions diverses que nous avons signalées tout à l'heure touchant la fin principale de la société. Il est évident qu'en obtenant

le bonheur temporel qui lui est possible et en l'assurant de mieux en mieux, la société civile progressera indéfiniment et sous tous les rapports. On n'est heureux qu'à la condition d'agir, et, si le bonheur est imparfait, à la condition de se perfectionner. Le bonheur relatif de la société n'empêche pas son progrès, mais au contraire elle l'inspire, le stimule et le rend possible.

Quelles belles perspectives ouvertes aux sociétés ! Multiplier le nombre de leurs enfants, couvrir de colonies florissantes les contrées encore inoccupées; développer les sciences, les arts, l'industrie, le commerce, sans que ces progrès tournent au détriment de la vertu, mais étendre d'autant le champ de l'activité morale de l'homme; s'affranchir de la matière pour mieux se soumettre au devoir; faire régner des lois de plus en plus équitables; protéger toute liberté honnête et la développer; faire entrer dans les mœurs publiques des habitudes chrétiennes et fraternelles, et contribuer ainsi au règne de Jésus-Christ et de la morale évangélique, règne pacifique et doux, qui n'est que la consécration de la liberté des enfants de Dieu. Ce programme est assez beau et assez grand pour comprendre tous les autres et ne pouvoir jamais être dépassé.

1313. Origine du pouvoir. Il vient de Dieu. - Après avoir déterminé la fin de la société et l'idéal que tout pouvoir humain doit poursuivre, il faut chercher l'origine de ce pouvoir. Ici nous rencontrons de nouveau les partisans de Rousseau et du contrat social. Est-il vrai que le pouvoir civil puisse s'expliquer suffisamment par la volonté nationale? Non, dans aucun cas. Nul doute pour le cas où la société ne repose

d'aucune manière sur le contrat, et s'est trouvée formée naturellement; mais, en supposant même qu'il se fondât une société par suite d'une véritable fédération de familles ou d'individus, le pouvoir social tirerait sa force, en définitive, d'une source plus haute que la volonté et la délégation des citoyens. Dans aucun cas, les chefs souverains d'un peuple ne sont de simples mandataires de leurs électeurs. Et nous nous plaçons maintenant en dehors des controverses qui divisent les philosophes chrétiens: le pouvoir social est il de Dieu immédiatement ou médiatement? Quel est son sujet? Nous essaierons de le dire tout à l'heure ; mais nous devons établir d'abord ce qu'il y a de certain, savoir que tout pouvoir vient de Dieu: Omnis potestas a Deo.

En effet, la société civile est naturelle dans son origine et dans sa nature, comme nous l'avons établi plus haut. En supposant même que telle société particulière eût pour point de départ la libre association de ses premiers membres, comme l'état social est nécessaire à l'homme, la société ainsi formée n'en serait pas moins naturelle et partant voulue de Dieu et instituée par lui comme par son premier auteur. Donc l'autorité, sans laquelle il n'est pas de société, est toujours voulue de Dieu et remonte à lui comme à sa première source. Ce qui donne à la société son unité et comme sa forme, ce qui fait d'une multitude en désordre et désagrégée un corps compact et vivant, c'est l'autorité. Elle procède donc de Dieu comme tout ordre, toute vérité, toute justice, toute beauté; elle en procède d'autant plus sûrement qu'elle est plus nécessaire et plus excellente, et que son caractère est hautement moral.

Comment d'ailleurs le pouvoir viendrait-il absolument du peuple, de la volonté nationale, si celle ci est incapable de créer et d'expliquer certains droits de souveraineté, tel que celui de porter des lois pénales et d'infliger, en particulier, la peine de mort ? On conçoit bien que chaque citoyen ait le droit de légitime défense; mais on ne conçoit pas que des volontés individuelles puissent ériger un pouvoir au-dessus d'elles qui administre la justice, oblige en conscience toute la communauté et les récalcitrants eux-mêmes, les avertisse, les corrige, les punisse gravement, les prive de la liberté et même de la vie. C'est vis-à-vis surtout des minorités et des oppositions que le pouvoir public est complètement désarmé, s'il ne vient pas de Dieu. Aucune volonté humaine n'a par elle même le pouvoir de s'imposer à une autre, et toutes les volontés humaines ensemble, excepté une, n'ont le droit de supprimer celle ci ou de n'en tenir nul compte, si elle n'est pas injuste en elle-même. Et cependant, dans toute société bien ordonnée, il faut que, malgré la diversité d'opinions, d'ailleurs honnêtes, il y en ait une qui prévale et devienne la volonté du pouvoir; il faut qu'elle devienne loi et que tous la respectent. Evidemment il y a là autre chose qu'une nécessité: il y a une justice, un droit, qui viennent en définitive de Dieu. Nul catholique ne saurait le contester, surtout après les définitions formelles de l'Eglise.

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1314. Controverse sur l'origine du pouvoir. Maintenant le pouvoir civil vient-il de Dieu immédiatement, ou bien peut il en procéder médiatement par le suffrage du peuple et la volonté nationale ou quelque autre mode d'élection? Et dans ce cas, le peuple est-il le sujet du pouvoir ou seulement le

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