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buer des parts égales à ces deux facteurs, l'un et l'autre essentiels (1). Il va sans dire que si les apports du capital et du travail sont inégaux (2), leurs parts respectives devront être sensiblement proportionnelles, mais on voit que cette inégalité des parts est fondée elle même sur l'égalité des droits. Cette égalité, d'ailleurs, est morale et non mathématique. On conçoit donc que le prix de la main d'oeuvre baisse notablement dans les cas d'abondance du travail, et qu'elle hausse dans le cas contraire; de même on conçoit que les capitaux puissent se montrer plus exigeants, s'ils sont rares, et doivent diminuer leurs prétentions s'ils sont abondants. Mais le point vers lequel il faut tendre c'est l'égalité, c'est un juste équilibre entre le capital et le travail, entre le propriétaire et l'employé ou le salarié. Or l'égalité et l'équilibre seront complètement rompus, au mépris de toute justice, si, à un moment donné, et par suite de. l'abondance des bras sur un point donné, le propriétaire fait valoir son capital ou son fonds à un prix

et une telle efficacité, que l'on peut affirmer sans crainte de se tromper qu'il est la source unique d'où procède la richesse des nations. » (Encycl. Rerum novarum.)

(1) De là le métayage, contrat si naturel, si moral et si juste en soi, qui consiste précisément à partager les fruits. de la terre entre le travailleur ou métayer et le propriétaire du fonds. Métayer vient de medietarius; de medius, demi.

(2) Par exemple si une industrie exige un grand capital et peu de main d'œuvre, un outillage coûteux et peu d'ouvriers, ou bien, au contraire, si elle n'exige qu'un petit capital mais beaucoup de main d'œuvre. D'ailleurs, sans parler de l'industrie, et pour nous en tenir à l'agriculture, il est clair que les diverses sortes de cultures (vignobles, prairies, forêts, etc.) comportent divers genres d'amodiation ou de fermage.

dérisoire, si par exemple il retire, comme cela paraît être arrivé en Irlande, les huit ou neuf dixièmes du produit total du travail et du capital. Nous ne soutenons point pour cela que le salaire doive toujours suffire largement aux besoins de l'ouvrier: c'est à ce but que doit tendre l'économie politique; mais nous disons seulement que le salaire doit être tel que le travailleur ne soit pas frustré du fruit de son travail (1). Or il en serait frustré plus d'une fois et d'une manière odieuse, si la loi de l'offre et de la demande lui était appliquée dans toute sa rigueur.

Mais cette première réponse peut paraître insuffisante et soulever des objections (2). On prétendra, par exemple, que si le capital et le travail se partagent également le produit, le travail sera souvent bien moins rémunéré qu'il ne l'est aujourd'hui; en sorte que la règle générale formulée plus haut avec l'intention de favoriser le travail tournera précisément contre lui.

Mais d'abord on peut soutenir que les faits invoqués sont faux ou mal interprétés. Si dans plusieurs entreprises, industrielles ou autres, la somme des salaires des travailleurs est plus élevée que celle des dividendes ou des rentes des capitalistes, cela tient à ce que

(1) « De même que l'effet suit la cause, ainsi est-il juste que le fruit du travail soit au travailleur. » (Encyc. Rerum novarum.)

(2) Elle en a soulevé, en effet, et il y fut répondu dans une conférence sur la Question sociale. C'était avant l'Encyclique Rerum novarum (sur la condition des ouvriers), qui a jeté une si grande lumière sur toutes ces matières et justifié plus d'une opinion combattue jusque-là par des catholiques trop favorables au libéralisme économique.

l'apport du travail est plus considérable que celui du capital; or l'égalité du capital et du travail, avonsnous dit, est une égalité de droits et non de parts: les parts doivent être proportionnelles aux apports. Ensuite il faut reconnaître que, dans tous les cas, un juste salaire (tout au moins le salaire minimum, celui qui permet de vivre humainement et au-dessous duquel le travailleur retomberait de quelque manière dans l'esclavage, désormais aboli par notre droit positif, doit être prélevé sur les fruits, avant la rente du capital (1). Si une mine, par exemple, commence à s'épuiser ou devient d'une exploitation plus difficile, c'est au capital surtout à en supporter les conséquences. D'ailleurs, dans ce cas, il est évident que c'est le capital qui perd de sa valeur et diminue son apport. Par contre, si une entreprise réussit au point de rapporter le dix, le vingt, le cent pour cent du capital engagé (et ces succès ne sont pas si rares), c'est le capital qui sera le plus avantagé. Le salaire est donc le droit le plus modeste, mais c'est un droit sacré.

D'ailleurs le salaire minimum doit être avant tout sauvegardé non seulement pour des raisons morales, mais encore pour des raisons économiques. Les vies humaines, en effet, sont le premier capital à conserver,

(1) Ce salaire minimum, l'ouvrier n'a pas le droit d'y renoncer et l'employeur ne peut se prévaloir de son consentement; c'est la doctrine profondément humaine et chrétienne de l'Encyclique: « Il est une loi de justice naturelle plus élevée et plus ancienne (que le consentement des parties), à savoir que le salaire ne doit pas être insuffisant à faire subsister l'ouvrier sobre et honnête. » On voit dès lors quelles sont les limites morales de la loi de l'offre et de la morale. Ainsi se trouve confirmée l'opinion soutenue précédemment par M. l'abbé Pottier, au Congrès de Liège.

le capital vivant, sans lequel le capital mort (machines, outillages, usines, etc.) n'aurait aucun effet utile ni même possible. Le premier produit de toute industrie doit donc être employé à fournir le nécessaire au travailleur sobre et honnête. Quant aux produits ultérieurs et qui excèdent la rente modérée dn capital, il est équitable de les partager proportionnellement entre le capital et le travail. Tout ceci revient à dire qu'il convient, en règle générale, de partager équitablement, entre le capital et le travail, les bénéfices nets, de manière que le capital soit avantagé plus ou moins selon les risques particuliers qu'il a pu courir.

Ces conditions nous amènent à comparer entre eux le régime du salariat et celui de la participation aux bénéfices ou régime du travail associé. Dans le salariat, le travailleur est assuré d'un salaire immédiat, unique et fixe, plus ou moins avantageux, dėbattu conformément à la loi de l'offre et de la demande, mais dans les limites morales qui ont été assignées. Celui qui emploie le travailleur assume sur lui tous les dangers de l'entreprise, mais il se réserve aussi tous les bénéfices, assurés ou aléatoires. Dans la participation aux bénéfices, le travailleur reçoit, à titre de salaire, ce qui est nécessaire à sa subsistance et, en outre, une certaine part dans les bénéfices nets. Or, sans entrer ici dans de longues discussions, il paraît certain que le second régime est supérieur au premier, en principe; car il permet au travailleur de toucher plus exactement le fruit de son travail, il intéresse le travailleur au succès de l'entreprise et l'associe mieux à celui qui l'emploie. Mais, au reste, il ne nous coûte pas de convenir que, dans bien des

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cas, ce régime est inapplicable et qu'il serait même dangereux de l'introduire prématurément dans des milieux qui ne le comportent pas encore. Néanmoins, bien que l'on compte des échecs, il a été pratiqué déjà plus d'une fois avec succès et l'on peut espérer voir le jour où, les corporations chrétiennes aidant, ce régime prévaudra généralement sur celui du simple salariat. (V. encore nos 1287, 1288 et Appendice.( 1276. Droit de propriété. Nous venons de parler du droit de l'homme sur son travail : parlons maintenant du droit sur le capital. On peut l'acquérir de bien des manières légitimes. Nul doute possible pour les biens meubles, or, argent, pierres précieuses, fruits, etc., que l'homme peut trouver sous sa main, tirer du sein de la terre ou produire par son industrie. Mais on a contesté à l'individu le droit naturel de s'approprier telle ou telle partie du sol; on lui a concédé l'usage de la terre, mais non la propriété. Celle-ci consiste dans le droit exclusif de jouir et de disposer d'une chose en toute liberté. Ce droit est parfait ou imparfait. Le droit parfait s'étend tout à la fois à l'usage de la chose et à la chose elle-même : c'est celui que nous avons défini. Le droit imparfait porte sur l'usage seul ou sur la chose seule. On comprend d'ailleurs que le droit puisse être limité de mille manières et grevé de différentes servitudes. Mais ce qui n'est pas contestable, c'est que le droit existe en principe et qu'il s'agit seulement d'en déterminer l'exercice.

Ici nous avons à combattre le communisme et le socialisme. Déjà, parmi les philosophes anciens, Socrate et Platon, qu'Aristote a réfutés au IIe livre de sa Politique, avaient imaginé une société où tous les

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