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1212. Vertus supérieures : la foi, l'espérance, la charité. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici s'applique à l'ordre naturel, mais celui-ci n'est que le fondement d'un ordre supérieur : la grâce perfectionne la nature; elle la répare souvent et l'élève toujours. Un philosophe chrétien ne peut l'ignorer ni s'en taire. Dieu, qui est nécessairement notre fin dernière, s'est révélé à l'humanité : il l'a instruite et sauvée par son propre Fils. De là des rapports tout nouveaux et divins : la foi, l'espérance, la charité, vertus theologales, c'est-à-dire qui ont Dieu pour objet immédiat. Elles préparent la vision intuitive de Dieu, conséquence de l'adoption divine dont l'humanité a été gratifiée. Aux vertus naturelles s'ajoutent donc des grâces supérieures et des dons inestimables, qui forment ensemble un même tout, une même perfection morale. Par là même que l'homme est appelé à la vie surnaturelle, il n'y a plus pour lui de vertus parfaites sans les vertus chrétiennes. La prudence est donc imparfaite si elle ne comprend pas de quelque manière la folie de la croix; la force est imparfaite, qui n'accepte pas, s'il le faut, la persécution et le martyre; la justice est imparfaite, qui ne rend pas à Dieu tous les hommages intérieurs et extérieurs qui lui sont dus; la tempérance est imparfaite, qui refuse l'abstinence et la mortification chrétiennes : en un mot, il n'est pas de vertu consommée sans la charité qui est la forme et la perfection de toutes les vertus. L'homme qui a perdu l'amour filial de Dieu ou qui ne l'a pas goûté encore est capable de vertus morales; mais ces vertus, hélas! ne sont que des éléments, un édifice inachevé ou même des ruines sur lesquelles il faut appeler la miséricorde de Dieu.

CHAPITRE LXXIII

DE LA LOI LOI ÉTERNELLE, NATURELLE; SA SANCTION; LOI POSITIVE; COUTUME.

1213. La loi, règle des actes humains. — Après avoir traité de la volonté et des habitudes. morales, qui sont des principes intrinsèques des actes humains, comme aussi de la conscience, qui en est la règle intérieure, immédiate et formelle, il faut porter notre attention sur la loi. Elle règle aussi les actes humains, mais de diverses manières et toujours par l'intermédiaire de la conscience. La loi naturelle touche à celle-ci et semble se confondre avec elle; elle émane de la loi éternelle, principe de tout l'ordre moral. Les lois positives sont fondées sur la loi naturelle et n'y ajoutent que des déterminations nécessaires ou utiles. Enfin, aux lois positives s'ajoutent les coutumes qui les modifient ou les déterminent encore et les complètent. Nous allons donc étudier dans la thèse suivante la loi en elle-même, ses principales espèces, leur valeur respective et leur subordination.

THÈSE. La loi est un ordre raisonnable à suivre, que l'autorité détermine en vue du bien public et qui est suffisamment promulgue. — A la base de tout l'ordre moral il y a la loi éternelle et la

loi naturelle.— Celle-ci est immuable de sa nature et ses premiers principes ne peuvent disparaître de la conscience. Elle n'est point dépourvue d'une sanction divine, qui est appliquée principalement dans l'autre vie, et qui consiste dans l'obtention ou la perte de la fin dernière. A la loi naturelle doivent s'ajouter des lois positives, divines et humaines, qui la déterminent et l'expliquent.

Les lois humaines obligent en conscience si elles sont justes; si elles sont injustes, elles n'obligent pas, si ce n'est d'une manière indirecte, pour éviter le scandale ou quelque autre mal. coutumes peuvent, dans certaines circonstances, avoir force de loi, comme aussi modifier ou changer les lois existantes.

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1214. La loi est un acte de raison. Commençons par déterminer la nature de la loi. Elle est d'abord un acte de raison (ordo rationis). Elle est raisonnable, non pas toujours en ce sens qu'elle soit de tous points conforme à la raison la mieux éclairée; mais elle procède essentiellement de la raison, elle se fonde sur quelques considérations qui la justifient. Telle loi peut être juste et bonne sans être toujours la meilleure; mais elle ne serait pas une loi, si elle n'était juste et bonne de quelque manière. De plus, quand nous affirmons que la loi est essentiellement un acte de raison, nous ne disons point qu'il appartient à tout homme d'en juger et de prononcer si elle est valable ou non. Notre intention est seule. ment de rejeter cette définition introduite par les partisans du césarisme païen: « La loi est ce que veut le prince. - Quod placuit principi legis vigo

rem habet. »

Plusieurs substituent à la volonté du prince celle du peuple; mais leur théorie est la même que celle des partisans du pouvoir personnel absolu. Nous soutenons, au contraire, contre les uns et les autres, et avec tous les partisans de la véritable liberté de conscience et de la vraie liberté, que la loi est essentiellement un acte de raison. Car il est de l'essence de la loi d'être une mesure, une règle des actes humains, elle dirige l'homme à sa fin. Or il appartient à la raison de diriger l'homme, de mesurer et de régler ses actes. On ne conçoit donc pas de loi absolument aveugle, arbitraire, qui ne soit que le fruit du bon plaisir.

Sans doute la loi n'est pas seulement un acte de raison, elle est aussi un acte de volonté; c'est même de la volonté qu'elle tire immédiatement sa force obligatoire; mais sa source est plus profonde, elle est dans la raison et dans le vrai. La loi lie, oblige, elle est un lien (lex, de ligare, d'après les anciens étymologistes); mais elle n'oblige pas sans quelque raison : elle est un choix ou du moins une détermination de la raison (lex, de legere, choisir, en grec Aéyo, 7cyós, d'après les étymologistes d'aujourd'hui).

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1215. La loi est pour le bien général. Ensuite il est de la nature de la loi d'avoir pour but le bien général. La loi, en effet, n'est pas une règle ou une mesure quelconque, mais elle est la première, dans son genre du moins; d'où il suit qu'elle tend à une fin importante, à un bien général. S'il s'agit de l'individu, la loi n'a pas d'autre fin, en dernière analyse, que son bonheur ou sa fin dernière; et s'il s'agit de la société, la loi n'a pas d'autre but que le bonheur social, le bien public auquel tous les biens particuliers sont subordonnés.

On voit par là comment la loi diffère du précepte ou ordre particulier. La fin du précepte est moins élevée et moins générale que celle de la loi ; la loi regarde la société plutôt que les individus, tandis que le précepte s'adresse de préférence aux individus ; la loi est stable de sa nature, tandis que le précepte est plus ou moins variable; la loi a pour objet une fin proprement dite, tandis que le précepte porte plutôt sur les moyens à employer ou certaines fins intermédiaires. Aussi il appartient à toute autorité légitime de formuler des préceptes ou des ordres, tandis qu'il n'appartient qu'à certaines autorités plus hautes de porter des lois.

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1216. L'autorité législative. Nous avons nommé l'autorité. Elle est législative en tant qu'il lui appartient de diriger l'homme vers sa fin. L'homme, en tant qu'homme, ne peut imposer des lois à luimême ni à ses semblables, car il n'est pas son supérieur ni celui de personne. Mais l'homme sera lié et obligé par son Auteur, qui lui manifestera dans la conscience les lois de la nature; il sera lié aussi par l'autorité sociale, qui émane de Dieu et qui a pour mission de diriger la société à sa fin, c'est-à-dire de la rendre prospère et heureuse. Cette autorité sociale. résidera dans un seul chef ou dans une assemblée selon la forme du gouvernement.

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1217. La promulgation. La dernière condition essentielle pour que la loi, sinon existe, du moins oblige (1), c'est la promulgation. La loi, en effet, est essentiellement une règle qui s'adresse aux intel

(1) Les uns, en effet, regardent la promulgation comme essentielle à la loi elle-même ; les autres la regardent comme essentielle seulement à l'obligation.

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