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humain. Et remarquons ici que l'imputabilité ou la responsabilité ne constitue pas précisément la moralité des actes humains, comme on l'a prétendu, mais elle est la suite nécessaire, la conséquence inévitable de cette moralité; l'acte humain n'est pas tel et il n'appartient pas à l'ordre moral parce qu'il est imputable mais il est imputable et partant louable ou répréhensible parce qu'il est un acte humain.

1196. Troisième caractère : le mérite ou le démérite. Le troisième caractère de l'acte humain doit nous retenir davantage. Le mérite est comme un droit à la récompense; le démérite est comme une dette contractée avec le péché. Les théo logiens distinguent plusieurs espèces de mérites. Il y a un mérite de pure convenance (de congruo), celui par exemple du pauvre qui a rendu quelque léger service au riche et qui en reçoit une large gratification. Il y a ensuite un mérite de justice, qui peut être de justice large ou de justice stricte par exemple l'ouvrier a droit strictement à recevoir son salaire; mais le fils n'a qu'un droit large à hériter de son père, qui peut même pour de graves raisons le priver de tout héritage. Or, sans déterminer ici aucune espèce de mérite, nous affirmons seulement que tout acte humain, par là même qu'il est tel, est méritoire ou déméritoire, c'est-à-dire qu'il crée, au profit ou au désavantage de celui qui l'accomplit, une sorte de droit et de créance ou bien, au contraire, une sorte de dette.

En effet, tout acte humain est imputable à celui qui l'accomplit et, d'autre part, il tourne à l'avantage ou au désavantage de quelque autre personne, ou tout au moins il l'honore ou la déshonore. Cela est évident

pour les actes humains qui contribuent au bien-être, à la prospérité, à la paix de la famille ou de la société. Sans parler ici des actes plus ou moins marquants que les personnes en charge peuvent accomplir pour le bien ou le mal de la société; sans parler non plus des actes humains accomplis par les chefs et les membres de familles qui contribuent directement au bonheur ou au malheur de leurs proches, il est une foule d'actes moins remarqués dont l'effet n'est pas moins réel, quoique moins sensible. Les actes les plus insignifiants en apparence peuvent, à force d'être répétés ou en se liant à certains autres, provoquer des effets importants. D'ailleurs même les actes les plus intimes et qui paraissent avoir un caractère tout personnel contribuent toujours de quelque manière au bien des familles et de la société; car la perfection de tous résulte de la perfection de chacun. Bref dans le monde moral, de mème que dans le monde physique, il n'est rien qui demeure sans effet; une goutte d'eau dans l'océan déplace toutes les autres, et la plus humble prière, l'effet moral le plus ignoré, ne sera pas frustré de son effet légitime et avantageux.

Mais, à un autre point de vue, le mérite et le démérite sont plus incontestables encore, si nous rapportons les actes humains non plus à la famille et à la société, mais à Dieu, que l'homme de bien honore et que le pécheur déshonore autant qu'il est en eux. Le premier coopère avec Dieu à l'œuvre de sa proprè perfection et le second refuse de seconder les vues miséricordieuses de la Providence. De là un mérite et une dette qui sont incontestables dans l'ordre même purement naturel, et qui, dans un ordre supérieur, sont d'une plus haute importance. Ajoutons que Dieu,

comme législateur et souverain suprême, doit rendre à chacun selon ses œuvres.

Ainsi s'expliquent déjà la doctrine de l'Eglise et les vues de la foi sur la solidarité morale, la réversibilité des peines et des mérites, l'expiation, le sacrifice. Ainsi la religion se trouve partout au fond de toutes les questions et de tous les mystères, pour les agrandir et les éclairer.

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1197. Objections. On nous objecte que l'homme peut mériter, sans doute, de la société et de ses semblables, et encore dans beaucoup moins de circonstances que nous ne l'avons dit, mais qu'en tout cas il ne peut rien mériter de Dieu même; car la créature ne peut procurer aucun bien au Créateur, qui serait diminué, s'il pouvait contracter pareille dette.

Rép. Il est vrai que la créature n'enrichit d'aucune manière le Créateur; mais en tant qu'elle s'appartient, la créature raisonnable peut seconder les vues de Dieu, coopérer à ses desseins et lui accorder ainsi ce qu'il demande sans en avoir d'ailleurs besoin, il est vrai, puisque Dieu ne demande en définitive que le propre bonheur, la propre perfection de sa créature.

2o Mais enfin l'homme n'est que l'instrument de Dieu et il ne peut rien lui donner qu'il n'ait reçu de lui.

Rep.-L'homme est un instrument libre, du moins dans les actes humains que nous considérons ici. Ensuite il est vrai qu'il a tout reçu de Dieu; aussi nous ne prétendons pas que ses mérites auprès de Dieu soient à titre de justice stricte, du moins directement; car ils paraissent mieux fondés encore sur les promesses positives de Dieu que sur l'ordre naturel et essentiel des choses.

CHAPITRE LXXII

DES HABITUDES MORALES OU DES VERTUS ET DES VICES

1198. Parmi les principes des actes humains est l'habitude. La volonté libre est le principe essentiel des actes humains; mais elle n'est point le seul. Nous avons déjà vu qu'à la volonté libre s'ajoute souvent la passion, qui tantôt retarde et tantôt précipite le mouvement de la volonté, qui peut même le suspendre dans les cas de délire et de folie. On peut donc dire que la passion est un principe des actes humains: pour être accessoire il n'est pas peu important.

A la passion s'ajoute encore un autre principe très remarquable que nous avons signalé en psychologie: c'est l'habitude. Nous avons vu comment elle prend place et se développe entre les facultés et les actes: elle est une détermination particulière de la faculté qui acquiert la facilité d'accomplir certains actes. Nous avons vu que les habitudes sont nécessaires à l'homme et qu'elles affectent directement toutes les facultés intellectuelles : raison, mémoire, volonté. De là les sciences, les arts, les vertus ou habitudes morales.

Nous avons maintenant à traiter de celles-ci. C'est

par elles que l'homme se règle et se perfectionne au point de vue moral, qu'il assouplit ses passions, les courbe sous le joug de la raison et se porte ainsi tout entier vers le bien. Telle passion qui pouvait être dangereuse et se changer en un vice funeste et dégradant est transformée par la volonté vertueuse en une qualité morale des plus recommandables. Il n'est pas de nature, si ingrate soit-elle, qui ne puisse être changée par la vertu, comme aussi il n'en est pas de si heureuse qui, sans elle, puisse se suffire pour le bien. Or voici les vérités que nous avons à établir sur ce sujet important.

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THÈSE. Entre toutes les habitudes, les plus nobles sont les vertus: elles s'acquièrent naturellement par l'exercice et sont indispensables pour la pratique du bien. On distingue avec raison quatre vertus cardinales: la prudence, la justice, la force, la tempérance, qui consistent, on peut le dire, dans un juste milieu et sont si bien liées entre elles qu'on ne peut avoir l'une parfaitement sans avoir avec elle toutes les autres. ·Elles règlent ensemble toutes les passions, tous les actes humains, toute la personne et constituent la perfection morale naturelle. Aux vertus sont opposés les vices et le péché qui expliquent la dégradation de l'homme, comme les vertus expliquent sa grandeur. - Au-dessus des vertus naturelles il y a place pour des vertus supérieures, qui constituent la moralité et la perfection chrétiennes.

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1199. La vertu est la plus noble des habitudes. S'il y a des habitudes qui puissent le disputer aux habitudes morales, ce sont assurément les

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